La lutte contre la corruption : un défi toujours présent pour le Maroc. Par Alkuhaimi Hussa, Juriste.

La lutte contre la corruption : un défi toujours présent pour le Maroc.

Par Alkuhaimi Hussa, Juriste.

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Explorer : # corruption # gouvernance # société civile # mesures préventives

De nos jours, l’argent règne et gouverne sur les mœurs si bien que la corruption se pratique aisément et sans conscience à tous les niveaux de la société.

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Au Maroc, la corruption fait fureur et aucune règlementation n’est proprement appliquée. Les chiffres préoccupant de perception de la corruption continuent d’augmenter face à une société civile qui perd toute confiance en son gouvernement et ce malgré la mise en place de mesures préventives et un regain d’intérêt du phénomène ces dernières années dans le pays.

Un rapport émis par MENA-OCDE révèle que plus de 70% des citoyens de la région MENA (Middle East & North Africa) ont déclarés ne pas faire confiance à leurs gouvernements et plus de la moitié des citoyens responsabilisent leur gouvernement pour ne pas prendre de mesures efficaces pour lutter contre ce fléau.

En effet, les pratiques de corruption sont présentes à tous les niveaux de la société marocaine, que ce soit l’abus de pouvoir de fonctionnaires de l’État qui détournent discrètement les fonds publics, les usages abusifs de l’élite administrative qui passent inaperçus aux organes de contrôle, l’emprise de la scène politique par le secteur privé qui privilégie l’accès aux enfants de cadres qui se retrouvent à occuper des postes bénéficiaires ou les simples affaires quotidiennes de dessous de tables. La corruption est endémique et structurelle au Maroc et ses conséquences sont néfastes au bon fonctionnement et au développement du pays.

Une société où les liens de népotisme et de clientélisme nourrissent la culture de débauche et de "faveurs pour des contreparties" déjà présentes. Annuellement, cette pratique coûte au Maroc 50 milliards de dirhams et le classe à la 87ème place dans le classement mondial de "Transparency International".

Selon le rapport de l’IPC (Indice de Perception de Corruption) publié en 2021, la situation s’est aggravée au Maroc puisque le pays perd 7 places par rapport aux années précédentes. Est-ce un manque de réelle volonté du gouvernement pour lutter contre ce fléau, des failles au niveau du système de gouvernance, l’ineffectivité des lois, ou la culture de non-respect des règles au Maroc qui pose problème ?

Quand on parle de corruption au sens propre, on fait référence à la perversion des valeurs morales au sein de la société et au non-respect des règles d’éthique entre citoyens. En effet, la particularité du phénomène de corruption au Maroc est qu’il s’est ancré et institutionnalisé et se considère aujourd’hui comme un comportement "banal".

Or la corruption loin d’être normale est une violation de la loi, qui nourrit l’injustice et entrave l’élimination de tous types de maux sociaux. Outre les dégâts socio-économiques, des souffrances humaines dues à la présence de produits de mauvaises qualités sur le marché, le gaspillage de précieuses ressources et les abus en matière de soins de santé.

Malheureusement, la grande majorité reste inconsciente et insensible aux effets néfastes de la corruption d’où la nécessité de restaurer une conscience citoyenne et une moralisation de la vie publique pour remettre dans son juste spectre l’acte de corruption qui sera proprement vu comme étant un acte : immoral, illégal et condamnable.

La corruption est définie juridiquement comme :

"l’agissement par lequel une personne investie d’une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d’accomplir, retarder ou omettre d’accomplir un acte entrant, d’une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions".

Au Maroc, le Code pénal incrimine la corruption dans les articles 248 à 256, section IV chapitre II. Les éléments constitutifs de l’infraction de la corruption sont prévus par l’article 248 comme suit :
1. La détermination du coupable : magistrat, fonctionnaire, personne investie d’un mandat électif, arbitre, expert, médecin, chirurgien ou personnel de santé.
2. L’élément matériel : la sollicitation d’un avantage, son acceptation ou sa réception.
3. L’élément moral : une volonté de corrompre : le délit est déduit implicitement.

S’ajoute à l’arsenal juridique du pays, la stratégie nationale de lutte contre la corruption lancé en 2015, la loi 43.05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux modifié et complétée par la loi 12.18 ou encore la loi 46.19 relative à l’instance nationale de probité, de la prévention et de lutte contre la corruption.

En effet, une présence grandissante d’outils juridiques mais leur assimilation et application reste problématique. La persistance de cette pratique illicite met en exergue les effets limités des organismes chargés de faire respecter la loi quand ils s’y trouvent eux même impliqués.

Mais aussi la fragilité du système de gouvernance et l’absence de codes déontologies professionnelles au sein des institutions publiques. Pour lutter efficacement contre la corruption, il y a besoin avant tout d’une reconstruction sociale pour corriger la mentalité devenu prospère et tolérée de "l’argent achète tout".

Quand l’argent achète même la justice, il est crucial de rétablir une disposition sociale saine qui fait preuve de droiture et d’intégrité qui permettra à la société civile de promouvoir les bonnes mœurs en y dénonçant les vices.

Aujourd’hui, le combat contre ce fléau ne peut être mené à bien que grâce à la contribution de la société civile, il est important que celle-ci s’engage aux rangs des activités gouvernementales pour s’unir autour de valeurs communes au nom de l’intérêt général.

De la même manière, il est important que le gouvernement renforce les mesures coercitives et adopte des dispositions juridiques modernes et innovantes qui permettront de pénaliser ces types d’actes qui échappent aux mailles du filet de la justice.

Une justice, qui elle aussi se doit d’être intègre, honnête et transparente dans ses démarches car le secteur public est le premier à donner l’exemple et doit assumer la responsabilité qu’il lui a été donnée.

Tant que l’abus de pouvoir ne sera pas pris sérieusement au Maroc, les délits financiers sanctionnés à l’issue de procès équitables et les responsables traduits en justice sans aucune discrimination, la mise en place d’une société saine propice aux affaires en phase avec les vraies potentialités du pays restera un vrai défi pour le Maroc !

Alkuhaimi Hussa, Juriste en Droit des Affaires.

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  • par H , Le 19 décembre 2022 à 22:21

    Un article très pertinent et qui résume parfaitement bien les obstacles que présente la corruption au Maroc !

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