Un maire peut-il interdire le port du burkini ?

Par Pierre-Emmanuel Ragot.

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Explorer : # liberté et pratique religieuse # ordre public # burkini # conseil d'État

Le 26 septembre 2016, le Conseil d’État a annulé l’arrêté Cagnes sur mer interdisant le port du burkini.

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Procédure : C’est le référé liberté qui a été mis en œuvre. Il fallait justifier d’une atteinte grave et manifestement illégale ainsi que la nécessité d’intervenir urgemment.
Le référé a été accueilli, il est donc possible de déduire que l‘interdiction du burkini était une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté.

Toutefois eu égard au trop court délai de 48 heures obligatoire pour rendre la décision et l’impossibilité de prendre une décision maturée, les référés ne font pas jurisprudence.

Le Conseil d’État pourra prendre une décision contraire lors d’un jugement classique, c’est pourquoi la question, d’autoriser ou non le port du burkini, est toujours en suspend.

Solution : Le Conseil d’État indique que l’interdiction ne doit se baser que sur des éléments prouvant un trouble à l’ordre public ou « un risque » de trouble (le Conseil d’État juge l’annihilation du trouble ainsi que la prévention du trouble).

En l’espèce le Conseil d’État considère que la commune ne démontrait aucun risque.
Il rejette l’argumentaire de la commune qui consistait à indiquer qu’il y avait eu une bagarre entre plagiste à propos du burkini.

Critique de la décision :

Heureusement que le Conseil d’État n’adhère pas à la justification apportée par la commune car il faudrait dès lors interdire toutes les causes de bagarre en commençant par la nudité puisqu’elle est la cause chaque année de bagarres liées au naturisme sur la plage.

Pour ce qui est du contexte plus sérieux des attentats en France justifié par une idéologie se réclamant de l’islam : Il faudrait démontrer que le port du burkini est une cause d’attentat ou d’un autre trouble à l’ordre public, ce qui n’est pas démontré par la commune et qui ne semble pas démontrable.
En effet, interdire une pratique de la religion musulmane qui serait en soit porteur d’un risque sans qu’il y ait aucun lien avec le trouble reviendrait à annuler l’islam car c’est la liberté de penser l’islam qui serait interdite.

Conclusion  : Il faut dès lors attendre une décision du Conseil d’ État prise en sa qualité de juge de cassation afin qu’il puisse établir une jurisprudence définitive sur la question.
La prochaine élection présidentielle reviendra sûrement sur ces questions et sur la place de l’islam dans nos sociétés car c’est de cela qu’il s’agit.
Rappelons simplement que les libertés de pensée et de manifester sa religion sont protégées par l’article 9 CEDH et qu’elle est le fruit d’un long processus pour respecter tout être humain de part l’une de ses composantes la plus importante : ses croyances et sa conscience. Cette reconnaissance assure l’épanouissement individuel qui s’encre dans la Nation.

Rappelons que la dissimilation du visage est interdite dans l’espace public, ce qui proscrit le voile intégral pour des raisons de sécurité ; que le port du voile est interdit pour les fonctionnaires qui sont tenus à une obligation de neutralité ; et que le port du voile est interdit pour certains employés du secteur privé eu égard à un but poursuivi incompatible avec le port du voile par les employés.

Là où le débat commence c’est de savoir dans quelle mesure la liberté de manifester sa croyance est un risque pour l’ordre public, c’est-à-dire pour la sécurité et la cohésion nationale.

Pierre-Emmanuel RAGOT

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