L’obligation d’extrader des Etats membres de la CEDEAO.

Par Ismael Mayela.

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Explorer : # extradition # cedeao # droits de l'homme # législation

Les Etats n’étant pas en principe obligé d’extrader, l’auteur d’une infraction peut pour éviter les conséquences pénales de son acte, quitter le territoire de l’Etat dans lequel il l’a commis.

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Cette absence d’obligation est, pour ce qui est de l’Etat du Sénégal, contenu dans l’article 3 de la loi n° 71-77 du 28 décembre 1971 relative a l’extradition qui dispose que "le gouvernement sénégalais peut livrer, sur leur demande aux gouvernements étrangers tout individu non sénégalais qui, étant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’Etat requérant ou d’une condamnation exécutoire prononcée par ses tribunaux, est trouvé sur le territoire de la république".
Cette liberté ne garantissant pas l’extradition, des accords d’extradition sont conclus entre les Etats. C’est ainsi qu’a vu le jour la convention d’extradition de la CEDEAO qui met à la charge des Etats membre de la communauté l’obligation d’extrader lorsque les conditions qu’elles contiennent sont remplies.
Ces conditions sont pour les unes classiques (1) et pour les autres nouvelles (2).

1. Les conditions classiques.

Dans les conventions signées par les Etats membre de la CEDEAO, il y a des conditions qui reviennent fréquemment, c’est le cas de la nationalité du délinquant, de la nature de l’infraction et du lieu de sa commission, de la nature de la peine, de l’existence de l’action publique ainsi que de la requête et des pièces à l’appui de celle-ci.

A. La nationalité du délinquant :
L’Etat requis est tenu d’extrader si le délinquant n’avait pas dans cet Etat la qualité de national lors de la commission de l’infraction. Dans le cas où le délinquant aurait la qualité de national, l’Etat requis serait libre d’extrader ou de ne pas extrader.

B. La nature de l’infraction et le lieu de sa commission :
Certaines infractions ne peuvent donner lieu à l’extradition. C’est le cas des infractions politiques et des infractions militaires.

L’Etat requis n’est pas tenu d’extrader si l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est considérée comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à celle-ci. L’utilisation du terme considéré, dans le premier paragraphe de l’article 4 de la convention d’extradition de la CEDEAO, laisse à l’Etat requis une grande liberté dans la qualification de l’infraction en infraction politique.

De même l’Etat requis n’est pas tenu d’extrader lorsque l’auteur de l’infraction est un militaire et que celle-ci ne constitue pas une infraction de droit commun.
Outre la nature de l’infraction, il faut tenir compte du lieu de sa commission pour déduire l’existence ou l’inexistence de l’obligation d’extrader.

En principe l’Etat requis est obligé d’extrader que si l’infraction a été commise dans le territoire de l’Etat requérant. Il n’est donc pas tenu d’extrader si l’infraction a été commise en tout ou en partie selon sa législation sur son territoire ou hors du territoire de l’Etat requérant à condition dans ce dernier cas que l’Etat requis n’autorise pas les poursuites pour une infraction du même genre commise hors de son territoire ou n’autorise pas l’extradition pour l’infraction faisant l’objet de la demande. Cela étant, dans le cas où l’infraction n’aurait pas été commise dans l’Etat requérant, l’existence de l’obligation d’extrader dépend de la législation de l’Etat requis.

Par ailleurs, il faut noter la prise en compte dans la convention d’extradition de la CEDEAO des difficultés qui surviennent dans la délimitation des territoires. Il est précisé au paragraphe 1 de l’article 11 de la convention que l’Etat requis peut refuser d’extrader l’individu réclamé en raison d’une infraction qui, selon la législation de l’Etat requis a été commise en tout ou en partie sur son territoire ou en un lieu assimilé à son territoire. Cette assimilation selon la législation de l’Etat requis, règle le problème de délimitation des territoires.

C. La nature de la peine :

Pour que l’Etat requis soit obligé d’extrader, il faut que l’un des faits sur la base desquels l’extradition est demandée soit puni par sa loi et par la loi de l’Etat requérant d’une peine privative de liberté d’un minimum de deux ans ou de la peine capitale.

Lorsque par contre l’individu est recherché aux fins d’exécution d’une peine par les autorités judiciaires de l’Etat requérant, l’Etat requis n’est tenu d’extrader que si la durée de la peine restant à purger est d’au moins six mois. Cette peine, conformément au deuxième paragraphe de l’article 7 de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, doit avoir été prévue dans la législation de l’Etat requérant au moment où l’infraction a été commise et doit être personnelle.

Cependant, l’Etat requis n’est pas tenu d’extrader lorsque l’individu dont l’extradition est demandée a été ou serait soumis dans l’Etat requérant à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

De même, l’Etat requis n’est pas tenu d’extrader lorsque la peine est prescrite selon sa législation ou selon la législation de l’Etat requérant, lors de la réception de la demande d’extradition.

D. L’existence de l’action publique :

Pour que l’Etat requis soit obligé d’extrader, l’action publique ne doit pas avoir été éteinte par prescription ou par amnistie. Elle ne doit pas non plus avoir été mise en mouvement dans l’Etat requis pour le ou les faits en raison desquels l’extradition est demandée.
L’Etat requis n’est pas tenu d’extrader si la prescription de l’action est acquise selon sa législation ou selon la législation de l’Etat requérant, lors de la réception de la demande d’extradition.
De même l’Etat requis n’est pas tenu d’extrader les auteurs d’infractions couvertes par l’une de ses lois d’amnistie à condition toutefois qu’il est compétence pour poursuivre cette infraction selon sa propre loi pénale.

E. La demande et les pièces à l’appui :

La demande d’extradition formulée par écrit doit en principe être adressée par le ministre de la justice de l’Etat requérant au ministre de la justice de l’Etat requis. Toutefois, cette demande peut aussi être transmise par voie diplomatique ou par tout autre voie que ces Etats auront convenue.

Elle est accompagnée de :
- L’original ou de l’expédition authentique soit d’une décision de condamnation exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les normes prescrites par la loi de l’Etat requérant ;
- L’exposé des faits pour lesquels l’extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur commission, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables ;
- La copie certifiée conforme des dispositions légales applicables avec l’indication de la peine encourue pour l’infraction.

En outre, la demande doit être accompagnée du signalement aussi précis que possible de l’individu réclamé et de tout autre renseignement de nature à déterminer son identité, sa nationalité et l’endroit où il se trouve.

2. Les conditions nouvelles.

Contrairement aux accords d’extraditions passées par les Etats membres de la CEDEAO, la convention d’extradition de cette communauté fait du respect des droits de l’Homme contenus dans la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, une priorité.

Ce fait ressort des dispositions suivantes :

Dans le deuxième paragraphe de son article 4, la convention d’extradition de la CEDEAO met à la charge de l’Etat requis l’obligation de ne pas extrader lorsqu’il y a des raisons sérieuses de craindre que la demande d’extradition, motivé par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de tribu, de religion, de nationalité, d’opinions politiques, de sexe ou de statut. Cette disposition assure le respect de l’article 3 de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples qui pose les principes selon lesquels toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi et ont droit à une égale protection de celle-ci.

Dans son article 5, la convention d’extradition de la CEDEAO met à la charge de l’Etat requis l’obligation de ne pas extrader lorsque l’individu dont l’extradition est demandée n’a pas bénéficié ou est susceptible de ne pas bénéficier au cours des procédures pénales des garanties minimales prévues à l’article 7 de Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples. Il est notamment prévu à l’article 7 de Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples le droit à ce que la cause soit entendue.

Ce droit comprend :
- le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;
- le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;
- le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ;
- le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.

Le droit pour l’individu dont l’extradition est demandée à ce que sa cause soit entendue a été pris en compte dans la convention d’extradition de la CEDEAO, en particulier dans ses articles 8 et 14. Il est laissé à l’article 8 de la convention la possibilité à l’Etat requis de refuser d’extrader si l’individu dont l’extradition est demandée a été jugé ou encours le risque d’être jugé ou condamné dans l’Etat requérant par une juridiction d’exception.

Cette possibilité a été reconduite à l’article 14 de la convention pour le cas où un Etat demande l’extradition d’une personne aux fins d’exécution d’une peine prononcé par une décision rendue par défaut à son encontre alors que la procédure de jugement dans cette Etat n’a pas selon l’Etat requis, satisfait aux droits minimums de la défense reconnu à toute personne accusée d’une infraction.

De plus en interdisant à son article 5 d’extrader lorsque l’individu dont l’extradition est demandée a été ou serait soumis dans l’Etat requérant à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention d’extradition de la CEDEAO assure le respect de l’article 5 de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples.

La convention d’extradition de la CEDEAO, en donnant en son article 6 à l’Etat requis la possibilité de refuser d’extrader lorsque la santé de l’individu dont l’extradition est demandée ne le permet pas, donne la possibilité à cet Etat de respecter l’obligation contenue dans le paragraphe 2 de l’article 16 de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples à savoir, l’obligation pour les Etats parties à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie.

Outre la santé de l’individu dont l’extradition est demandée, la convention d’extradition de la CEDEAO prend en considération son âge. L’Etat requis est obligé d’extrader lorsque l’individu a plus de 18 ans au moment de la demande de son extradition. Cette obligation n’existe pas lorsque l’individu dont l’extradition est demandée est âgé de 18 ans au plus.

Ismael MAYELA

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