Partie I : Quelques rappels légaux…
1) « La Loi » s’applique au sein des entreprises
Le décret du 15 novembre 2006 d’interdiction renforcée du tabac s’applique depuis le 1er février 2007.
Des sanctions pénales sont possibles (contravention de 3e classe : 450 euros) pour les contrevenants fumeurs.
L’employeur doit par ailleurs mettre en place une signalisation appropriée, sous peine d’encourir une contravention de 4e classe (à ce jour : 750 euros pour une personne physique et 3 750 euros pour une personne moral, société ou association).
Conséquence :
Aucun droit de fumer à l’intérieur des lieux de travail couverts et fermés. Les salariés fumeurs doivent, par conséquent, fumer hors de l’entreprise, sauf si cette dernière a mis en place des cabines pour fumeurs, ce qui n’est pas obligatoire pour elle.
2) L’employeur a l’obligation légale de protéger la santé de ses salariés, notamment en appliquant la loi d’interdiction renforcée du tabac.
En cas de tabagisme « passif » parce que ses collègues de travail fument au bureau ou dans l’atelier, le salarié victime peut obtenir en justice que l’employeur soit condamné à lui verser des dommages - intérêts pour ne pas avoir fait respecter la Loi au sein de son entreprise.
Le salarié victime de tabagisme « passif » peut aussi faire une « prise d’acte » et saisir le Conseil de Prud’hommes : il a été jugé que sa prise d’acte pourra être requalifiée en licenciement « sans cause réelle et sérieuse » par le juge et l’employeur devra lui verser le préavis, l’indemnité de licenciement et des dommages - intérêts pour licenciement abusif
(exemple : Cass. soc. 6 octobre 2010 n° 09-65103).
Le salarié victime de tabagisme « passif » peut enfin saisir le Conseil de Prud’hommes d’une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, pour non exécution de son obligation de préserver la santé de ses salariés et non respect de la Loi sur l’interdiction du tabac sur le lieu de travail. Là encore, le salarié pourra obtenir de l’employeur des dommages - intérêts.
3) La Loi n’organise pas le droit du fumeur à des pauses ni la nature ou le régime juridique de ces pauses.
Un seul article du Code du travail concerne les pauses :
« Article L3121-33
Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.
Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur. »
Le droit de l’employeur d’organiser le travail au sein de l’entreprise lui permet de fixer les conditions de travail et d’organiser les pauses.
4) L’employeur a également l’obligation de traiter de façon égale tous ses employés et de ne pas discriminer entre fumeurs et non fumeurs.
Si des pauses sont organisées au cours de la journée de travail, elles doivent concerner tous les salariés. Il est impossible de les limiter aux seuls fumeurs.
5) De son côté, le salarié a l’obligation de fournir son travail le temps prévu par son contrat de travail (par exemple : 35 heures par semaine) et dans les conditions prévues par l’employeur.
Or, lorsque le salarié fume de nos jours, en application de la Loi, il doit être « dehors » (sauf le cas d’installation de cabines fumoirs), donc hors du lien de subordination qui le lie à l’employeur. Il n’est plus à son poste de travail et ne fournit plus sa prestation de travail d’où une possible situation d’inexécution contractuelle.
Dans une décision remarquée du 15 février 2011 (Cass. crim., n° 10-87019), concernant des pauses d’origine conventionnelle dans la journée de travail, il a été jugé que « le temps pendant lequel le salarié ne se trouve pas à la disposition de l’employeur et peut vaquer à des occupations personnelles n’a pas à être rémunéré ».
Dans une Partie II, nous examinerons plusieurs pratiques d’entreprises relatives aux pauses cigarettes et quelques jurisprudences récentes ayant mis en cause des salariés fumeurs.