La procédure d’extradition entre l’Australie et la France.

Par Avi Bitton, Avocat et Alexandra Paugam, Juriste.

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Explorer : # extradition # procédure judiciaire # droit international # conditions d'extradition

Retour sur les règles applicables aux extraditions entre la France et l’Australie.

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I) Qu’est-ce que l’extradition ?

L’extradition est la procédure par laquelle un État, appelé État requis, examine la demande qui lui est faite par un autre État, appelé État requérant. Celui-ci réclame la remise d’une personne qui se trouve sur son territoire pour la juger pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins de jugement), ou pour lui faire exécuter une peine prononcée pour la commission d’un crime ou d’un délit (l’extradition aux fins d’exécution).

En France, le juge judiciaire va jouer un rôle de conseil auprès du gouvernement, qui aura la maitrise finale d’accepter ou non la remise de la personne demandée.

II) Quelles sont les règles applicables aux extraditions entre la France et l’Australie ?

Depuis la Loi du 12 décembre 1989, autorisant l’approbation de la Convention d’extradition signée le 31 août 1988 entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement d’Australie, le droit applicable pour les procédures d’extradition entre les deux États est régi par la Convention susmentionnée.

Dès lors, le droit national (Code pénal et Code de procédure pénale français) ne sera appliqué que subsidiairement.

III) Quelles sont les conditions d’extradition ?

La procédure d’extradition ne peut être engagée que pour des faits qui, aux termes des législations des deux États, constituent des infractions passibles d’une peine privative de liberté d’un maximum ne devant pas être inférieur à deux ans, ou, dans le cas d’une demande d’extradition aux fins d’exécution, dont la durée de la peine restant à exécuter est d’au moins 6 mois.

IV) Quels sont les obstacles à l’exécution d’une demande d’extradition ?

La Convention d’extradition entre la France et l’Australie reprend des grands principes applicables en droit de l’extradition.

Par conséquent, on y retrouve les motifs classiques de non-exécution d’une demande d’extradition :

  • Le motif de refus relatif au caractère politique des infractions ou des faits connexes à de telles infractions, ainsi que du caractère militaire des infractions. L’appréciation de cette qualification est effectuée par l’État requis
  • Le principe non bis in idem. Il s’agit d’un principe prohibant de juger une personne deux fois pour les mêmes faits.

Dès lors, si l’État requis ou un État tiers, a déjà jugé définitivement la personne demandée pour les mêmes faits, il pourra refuser de l’extrader vers l’État requérant :

  • Si l’État requis estime que l’État requérant intente une procédure d’extradition afin de poursuivre ou punir quelqu’un dans un objectif purement discriminatoire
  • Les règles de prescription des États peuvent également constituer des obstacles à l’acceptation de l’extradition.
  • La Convention prévoit un motif de refus lorsque l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est une infraction fiscale (soit ici relative aux taxes, aux douanes ou au contrôle des changes).
  • La convention prévoit un motif de refus lorsque le jugement définitif a été rendu dans un État tiers à l’égard de l’infraction pour laquelle la remise est demandée.
  • Lorsque l’État requis dispose, en vertu de son droit national, la compétence pour juger les faits, objet de la demande, il pourra alors refuser de procéder à l’extradition.
  • Lorsque les autorités compétentes de l’État requis ont décidé de s’abstenir de poursuivre la personne dont la remise est demandée pour l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée, il pourra alors refuser de procéder à l’extradition
  • La Convention prévoit un motif de refus lorsqu’en raison de l’État de santé ou de l’âge de la personne demandée, sa remise est susceptible d’entrainer des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

S’agissant des peines prononcées dans l’État requérant, l’article 4 de la Convention prévoit un motif de refus lorsque l’infraction est punie de la peine capitale. En revanche, dès lors que l’État requérant aura donné des garanties selon lesquelles la personne demandée ne subira pas la peine capitale, il ne s’agit plus d’un motif de refus.

Cette clause est également prévue dans les Conventions entre la France et les États pratiquant la peine de mort dans leur système judiciaire. Tel est par exemple le cas du Traité entre la France et les Etats-Unis du 23 avril 1996.

V) Quelle est la procédure d’extradition ?

Le respect de la procédure extraditionnelle est essentiel. A défaut, de nombreuses irrégularités peuvent permettre d’obtenir la nullité d’actes, voire la non-exécution de la demande de l’État requérant.

La convention règlemente les différentes étapes de la procédure extraditionnelle.

La demande d’extradition est présentée par écrit et par voie diplomatique. Elle est accompagnée du mandat d’arrêt ou d’arrestation et des documents qui fournissent la preuve de la condamnation et qui visent à imposer une peine. Selon la situation, elle peut aussi être accompagnée du jugement de condamnation, accompagnée d’un document indiquant dans quelle mesure la peine n’a pas été exécutée, accompagné du mandat d’arrêt ou de tout autre instrument ayant le même effet délivré selon la procédure prévue par la législation de l’État requérant.

Dans tous les cas, la demande d’extradition est accompagnée :

  • D’un relevé des actes ou omissions allégués pour chaque infraction pour laquelle l’extradition est demandée, indiquant notamment le moment et le lieu où chaque infraction a été commise
  • Les références et le texte des dispositions juridiques pertinentes, notamment celles relatives à la limitation de la procédure et à la peine qui peut être infligée
  • Une description aussi précise que possible de la personne recherchée, ainsi que toute autre information permettant d’établir son identité et sa nationalité.

Les documents justificatifs doivent être dument authentifiés, soit signés ou certifiés par un juge, un magistrat ou un officier de l’État requérant ou de l’État requis.

Si la personne dont l’extradition est demandée est en état d’arrestation et que les renseignements supplémentaires fournis ne sont pas suffisants ou ne sont pas reçus dans le délai indiqué, la personne peut être mise en liberté, mais cette liberté n’empêche pas l’État requérant de présenter une nouvelle demande d’extradition.

En cas d’urgence, une partie contractante peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée en attendant la présentation de la demande d’extradition diplomatique. La demande d’arrestation provisoire est transmise par les moyens d’INTERPOL. Dès réception d’une telle demande, l’État requis prend les mesures nécessaires pour arrêter la personne recherchée et l’État requérant est informé sans délai du résultat de sa demande.

Une personne arrêtée à la suite d’une telle demande peut être mise en liberté à l’expiration d’un délai de 45 jours et est mise en liberté à l’expiration d’un délai de 60 jours si une demande d’extradition n’a pas été reçue.

VI) Quelles sont les voies de recours ?

Lorsque la France est l’État requis, les voies de recours ouvertes à la personne demandée sont celles prévues dans le Code de procédure pénale.

D’abord, lors de la phase judiciaire, la demande d’extradition va être examinée par la Chambre de l’instruction. La décision rendue peut être un avis négatif à l’extradition si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu’il y a une erreur évidente ou un avis positif.

Dans le cas d’un avis positif à l’extradition, la personne réclamée pourra se pourvoir en cassation pour contester cette position. Cependant, ce pourvoi ne pourra être fondé que sur des vices de forme de nature à priver l’avis rendu des conditions essentielles de son existence légale.

Lorsqu’un avis définitif sur l’extradition est rendu par l’autorité judiciaire, le gouvernement français pourra soit décider de la refuser, soit donner suite à l’extradition. Dans ce cas, une autre voie de recours est ouverte à la personne réclamée.

En effet, l’acte étant un décret du Premier ministre, un recours devant le Conseil d’État est ouvert, qui devra être formé dans un délai d’un mois. Le Conseil d’État pourra alors rejeter le pourvoi et la personne sera extradée, ou annuler la procédure en cas d’excès de pouvoir.

VII) Quelles sont les affaires récentes d’extradition avec l’Australie ?

En effet, plusieurs demandes de la France aux fins de remises de personnes se trouvant sur le territoire australien ont été acceptées par cet État.

Tel est le cas d’un Français arrêté en 2017 en Australie, accusé d’avoir commis un accident de voiture, tuant un homme près de Kalbarri. L’homme avait été autorisé à revenir en France pour revoir son père, gravement malade. Une fois en France, l’homme a refusé de retourner en Australie, pour « profiter des derniers moments avec son père ». L’Australie et la France ayant un traité d’extradition, le juge Anthony Derrick a ordonné un mandat pour son arrêt qui devrait pouvoir être étendu en France.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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