1 - La loi est encore inégalement précise quant à la formation, aux compétences et qualifications attendues des médiateurs.
Pour l’heure, le Code de Procédure Civile ne fournit que des critères minimum.
L’article 1532 du Code de Procédure Civile précise que le médiateur conventionnel peut être une personne physique ou morale à l’instar du médiateur judiciaire.
Il y a donc une grande liberté de choix pour laquelle deux conditions sont tout de même exigées car le médiateur doit :
- ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée sur le Bulletin n°3 du casier judiciaire
- posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation.
La première condition ne pose guère de difficulté, car elle assure la probité du tiers indépendant et impartial.
On relèvera simplement que l’article L 131-5 du Code de Procédure Civile concernant le médiateur judiciaire est plus précis et exigeant. Il exige que le médiateur n’ait pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative.
Il rappelle aussi qu’il doit présenter les garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation.
La seconde est plus complexe qui pose une alternative là où l’article L131-5 du Code de Procédure Civile impose un cumul pour le médiateur judiciaire.
La médiation est « un processus volontaire et coopératif dans le cadre duquel des personnes entreprennent, au moyen d’échanges confidentiels et avec l’aide d’un (ou plusieurs) tiers, le médiateur (ou les médiateurs), d’établir ou de rétablir des liens, de prévenir ou de régler à l’amiable un conflit. Le médiateur, tiers indépendant, impartial, formé à la médiation, sans pouvoir de décision, favorise l’écoute mutuelle et le dialogue entre les participants ».
La déontologie désigne l’ensemble des devoirs liés à l’exercice d’une profession ou d’une activité, qui permet de guider les comportements. L’éthique traduit les valeurs morales fondamentales universellement partagées qui doivent régir les comportements humains, comme le respect de l’autonomie d’autrui et la bienfaisance.
La déontologie, parfois dénommée éthique professionnelle, s’inspire des valeurs éthiques et les adapte aux pratiques de la médiation.
Dans la mesure où l’activité de médiation a pour finalité le rétablissement du lien social ou la résolution des conflits et qu’elle s’exerce parfois dans un cadre judiciaire, il est impératif que des règles de déontologie soient mises en œuvre et garanties.
Il en va de la légitimité et de la crédibilité de la médiation qui conditionnent la confiance que les personnes peuvent lui accorder.
Les obligations applicables à la pratique de la médiation comprennent les obligations déontologiques inhérentes à la qualité du processus de médiation et les obligations déontologiques inhérentes à la qualité de médiateur.
Le respect de ces obligations garantit la qualité et la sécurité du processus de médiation :
1- Le respect de la liberté des personnes.
2 - Le respect de la qualité des échanges
3 - L’obligation de confidentialité
4 - Le recours au traitement automatisé de données à caractère personnel
5 - L’obligation de déport
6 - L’obligation de formation
7 - L’indépendance
8 - L’impartialité
9 - Neutralité
10 - Prévention des conflits d’intérêts
11 - Absence de pouvoir de décision
12 - Diligence
13 - Intégrité et probité
14 - Loyauté
15 - Devoirs envers les autres médiateurs et les partenaires de justice
16 - Devoirs envers les juridictions.
Le médiateur agit en toutes circonstances avec respect et loyauté dans ses rapports avec la juridiction qui lui a confié la mission de médiation.
2 - Il n’existe aujourd’hui aucun statut légal impératif du médiateur.
L’imprécision actuelle des textes et la diversité des pratiques au regard de la garantie de compétence offerte aux candidats à la médiation militent pour un débat sur le contenu de cette notion et sans doute pour une évolution des textes sur ce point.
En effet devenir et être médiateur exige une formation appropriée indispensable quelle que soit l’origine professionnelle de chacun pour acquérir la singularité de cette compétence.
Le recrutement judiciaire du médiateur relatif à la liste des médiateurs auprès de la Cour d’Appel ne garantit pas non plus des qualités du médiateur. Les magistrats en charge de l’établissement de ces listes ont eu à vérifier des centaines de candidatures sans aucune autre garantie que celle du décret sur les qualités du médiateur relavant de critères minimaux de probité, formation ou expérience adaptée à la pratique de la médiation, sans aucune autre condition.
La récente jurisprudence de la Cour de Cassation par plusieurs arrêts souligne les difficultés à garantir la qualification et la qualité du médiateur, ce qui confirme la nécessité d’une évolution du texte.
Bien qu’aucune obligation de résultat ne soit dictée par la pratique ou les textes, l’un des moyens in fine de la médiation consiste à déterminer la qualité de cette dernière et du médiateur en charge de la mission, au nombre d’accords aboutis. Or, les médiateurs sont tenus par une obligation de moyens dans la mesure où le bénéfice de la médiation ne repose pas sur la seule concrétisation de l’accord.
Est préoccupante également la responsabilité conférée au médiateur intervenant en médiation judiciaire d’établir un constat d’accord, risquant de le propulser dans la responsabilité de rédacteur d’acte sous seing privé, sans aucune couverture professionnelle. Ce risque existe aussi en médiation conventionnelle.
La rédaction de l’article 131-12 du Code de Procédure Civile loin de clôturer les questionnements sur la nature juridique de l’accord de médiation, amplifie les analyses divergentes et surtout ne résout en rien l’aspect spécifique de l’accord ainsi établi par le médiateur. Le médiateur ne dispose d’aucune protection en la matière.
Le médiateur doit pouvoir bénéficier d’une assurance professionnelle au même titre que d’autres professionnels quand précisément cette dernière est l’une des conditions du recrutement du médiateur. Ses assurances responsabilité civile classique, soit de son autre activité professionnelle, soit de son employeur sont-elles suffisantes et appropriées ? Une évolution du statut permettrait de régler ces questions de responsabilités.
3 - Mieux garantir l’aptitude du médiateur à la pratique de la médiation judiciaire.
Il en va de la légitimité et de la crédibilité du médiateur qui conditionnent la confiance que les personnes peuvent lui accorder en opérant, avec une distinction d’exigences entre la première inscription sur une liste et son renouvellement, le contenu des pièces par lesquelles le candidat peut « justifier d’une formation ou d’une expérience attestant de son aptitude à la pratique de la médiation » en cohérence avec les recommandations du CNM sur le référentiel de formation et de compétence et le recueil de déontologie des médiateurs.
Discussions en cours :
Article intéressant qui pose la question de la qualification du médiateur.
Toutefois, la crainte de l’auteur concernant la rédaction d’un éventuel protocole d’accord est infondée, car le médiateur n’a ( justement lorsqu’il est bien formé) pas à prendre à son compte la rédaction de l’accord : elle doit être renvoyée aux conseils des parties, dont effectivement c’est le rôle.
il ne faut donc pas créer une inquiétude ou une difficulté, et surtout laisser penser en creux aux esprits mal placés que seuls les avocats pourraient être médiateurs...
Cher Monsieur,
Il s’agit d’un regard critique d’un avocat sur les réformes de la procédure civile.
Le bilan des réformes de la médiation constitue une mine d’informations tout à fait appréciable et représente un travail considérable depuis 20 ans qu’il faut saluer. Mais ce satisfecit justifié n’interdit pas un regard critique sur les conclusions générales comme sur les préconisations. Pour les esprits qui seraient mal placés, il faut en effet distinguer les vrais partisans résolus d’une approche non violente et réflexive de la résolution des conflits avec de nouveaux convertis peu ou pas formés qui confondent trop souvent la médiation avec la négociation ou la conciliation. Si bien que les exigences de qualité offertes et les garanties qui sont dues dans un processus nécessitant un engagement personnel profond de la part de des médiateurs ne sont pas satisfaites. Il nous faut des médiateurs professionnels solidement formés : un parcours excellent de formation , des évaluations des compétences et des qualités humaines irréprochables pour être à la hauteur des enjeux d’une pratique promise à un bel avenir.
Benoit HENRY
Président du Réseau RECAMIER