Réforme du droit du travail : les ordonnances « pour renforcer le dialogue social » sont publiées, tour d'horizon des principales mesures ! Par Sandrine Menezes, Avocat.

Réforme du droit du travail : les ordonnances « pour renforcer le dialogue social » sont publiées, tour d’horizon des principales mesures !

Par Sandrine Menezes, Avocat.

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Explorer : # réforme du droit du travail # dialogue social # indemnités prud'homales # négociation collective

Intitulé « Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social », le projet, détaillé en 5 ordonnances mises en ligne sur le site du gouvernement, comporte 36 grandes mesures.
Au cours de la 1ère quinzaine de septembre, les projets d’ordonnance seront soumis à l’avis des instances consultatives puis adoptées en conseil des ministres, le 22 septembre 2017.

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Voici les principaux points de réforme :

CDD, des modalités désormais fixées par la branche : actuellement, les caractéristiques des CDD, comme la durée, le nombre de renouvellements ou encore le délai de carence, sont fixées par la loi. A l’avenir, les modalités de ces contrats de travail seront déterminées par la branche.

Le retour du CDI de projet  : l’objectif étant d’élargir le CDI de chantier en vigueur dans le secteur du bâtiment, il est prévu qu’un accord collectif de branche étendu définisse les raisons permettant de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération. Le texte indique que « ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017 ».

Plafonnement des indemnités prud’homales : le plafonnement des indemnités prud’homales est une mesure phare de la réforme du travail.

Concernant les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les modalités sont les suivantes : le futur dispositif intégré à l’article L.1235-3 du Code du travail fixe une indemnité minimale et une indemnité maximale en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. A partir de deux années d’ancienneté, les indemnités sont d’au minimum 3 mois de salaires. Quant au maximum, il s’étend de 1 à 20 mois de salaires.

Les montants minimaux sont abaissés lorsque l’entreprise emploie moins de 11 salariés (de 0,5 à 2,5 mois jusqu’à 10 années d’ancienneté).

L’ordonnance précise, pour aider le juge à se positionner entre les indemnités minimale et maximale, qu’il peut tenir compte des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture.

L’ordonnance rappelle également que le barème n’est pas applicable lorsque le licenciement est nul ou intervenu en violation d’une liberté fondamentale.

Plus discrètes que le plafonnement des indemnités prud’homales, d’autres mesures ont vocation à limiter et encadrer les indemnités pouvant être accordées au salarié : l’ordonnance mentionne par exemple que les indemnités cumulables avec l’indemnité pour licenciement injustifié (comme la sanction du non-respect de la procédure de consultation des IRP ou l’absence d’information de la DIRECCTE suite à un licenciement collectif pour motif économique, ou encore le non-respect de la priorité de réembauchage) le sont toujours, mais dans la limite des montants maximaux prévus au barème de l’article L.1235-3.

Quant à l’indemnité minimale prévue en cas de nullité du licenciement collectif pour motif économique (absence d’homologation de la DIRECCTE ou annulation de l’homologation pour insuffisance du PSE), elle passe de 12 à 6 mois. Idem pour la sanction du non-respect de la priorité de réembauchage, dont l’indemnité passe de 2 à 1 mois.

Les nouvelles dispositions relatives aux règles de procédures et de motivation des licenciements :

Les indemnités de licenciement passeront à ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté (au lieu d’1/5 actuellement).

Un mécanisme inédit fait son apparition dans le Code du travail : en cas de licenciement collectif pour motif économique, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés ou complétés, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié dans des conditions qui seront fixées par décret. A défaut pour le salarié d’avoir demandé de telles précisions, l’irrégularité tirée de l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne peut priver celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvrira droit uniquement à une indemnité d’un mois de salaire au plus.

Également, un nouvel article prévoit qu’en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté ou un droit fondamental, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte dans l’évaluation de l’indemnité à allouer au salarié.

Quant aux entreprises qui ne transmettraient pas les CDD et contrats de mission au salarié dans les deux jours de l’embauche n’encourraient plus la requalification en contrat à durée indéterminée mais seraient seulement redevables d’une indemnité d’un mois de salaire au plus.

Enfin, pour les groupes de sociétés internationales, le périmètre motif économique sera désormais apprécié au niveau national, sauf pour le juge à identifier des éventuels abus de droit. En outre, les entreprises n’auront plus l’obligation, dans le cadre d’un reclassement au sein d’un groupe, de proposer des emplois à l’étranger dont la rémunération est inférieure au SMIC.

Délai de recours aux prud’hommes raccourci : actuellement, le délai de recours aux prud’hommes est d’un an pour les licenciements économiques et de deux ans pour tous les autres motifs de licenciement. Les ordonnances prévoient de limiter le délai de recours à un an dans tous les cas de figure.

L’instauration d’une « rupture conventionnelle collective » : selon l’ordonnance, la négociation dans l’entreprise, pour toutes les tailles d’entreprise, pourra définir un cadre commun de départ strictement volontaire, et qui devra, comme pour la rupture conventionnelle individuelle, être homologué par l’administration.

L’objectif du gouvernement est de sécuriser les plans de départ volontaire, encadrés par la seule jurisprudence, mais en s’affranchissant des obligations afférentes, comme le contrat de sécurisation professionnelle, une mesure de suivi intensif pour le retour à l’emploi. La rupture conventionnelle collective introduite par le gouvernement autorise également l’employeur à réembaucher tout de suite, là où le plan de départ volontaire l’en empêchait pendant une année entière.

Réforme du compte pénibilité : désormais nommé compte professionnel de prévention, les critères retenus dont peuvent se servir les salariés pour opérer un changement de carrière ou encore partir en retraite anticipée passent de 10 à 6, les 4 autres étant renvoyés à d’autres formes de protection.

La négociation des primes : à l’heure actuelle, les primes se négocient au niveau des branches ou des conventions collectives. La réforme du Code du travail permet de négocier les primes directement au niveau des entreprises. Comme l’a mentionné Muriel Pénicaud lors de sa conférence de presse du 31 août : « les salariés comme l’employeur pourraient décider de négocier une prime de garde d’enfant plutôt qu’une prime d’ancienneté par exemple ».

Fusion des instances représentatives du personnel : dans les entreprises de plus de 50 salariés, une instance unique nommée « comité social et économique » (CSE) aura vocation à remplacer et fusionner le comité d’entreprise, le CHSCT et les délégués du personnel. Il en conservera la personnalité morale, ainsi que toutes les compétences et prérogatives. En outre, afin d’associer les salariés aux actions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, une commission « hygiène, sécurité et conditions de travail » sera obligatoire dans toutes les entreprises à risque (nucléaire ou classées Seveso) et pour toutes les autres, à partir de 300 salariés.

Le gouvernement entend par ailleurs « réguler » le recours aux expertises en instaurant une participation financière forfaitaire de 20% du coût des expertises par le conseil social et économique sur les expertises ponctuelles (sauf expertises PSE et risques graves, qui restent prises en charge à 100% par l’employeur, comme aujourd’hui).

La majorité requise pour les accords d’entreprise : la règle de l’accord majoritaire (signé par des syndicats représentant plus de 50% des salariés) dans les entreprises sera généralisée dès le 1er mai 2018, au lieu du 1er septembre 2019, date prévue dans la loi El Khomri.

La négociation dans les TPE-PME : désormais, dans les entreprises de moins de 20 salariés, il sera possible de négocier avec un employé non mandaté par un syndicat, sur tous les sujets. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical, il sera possible de négocier un accord sur tous les sujets avec un représentant du personnel, élu par les salariés.

Texte intégral des ordonnances

Sandrine MENEZES
Avocat au Barreau de Paris
62 rue Condorcet
75009 PARIS
s.menezes chez menezes-avocat.com

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  • par Franck H , Le 9 septembre 2017 à 12:40

    Dans un societe a établissements multiples :
    A quelle date mettre en place les csee et le csec dans un tel cas :
    Etablissement 1 : mandats CE finissent par exemple en janvier 2018 (donc prorogation possible jusqu en janvier 2019)
    Etabliissement 2 : mandat CE finissent en septembre 2019.

    L ordonnance prevoit la possibilite de proroger les mandats mais pas de les reduire (sauf si echeance posterieure au 31 12 2019)
    Le projet d ordonnnance doit etre modifie mais apporter une reponse securisee a cette question.

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