Le régime de responsabilité en cas de crash aérien.

Par Caroline Fontaine-Beriot, Avocat et Fiona Buscail, Juriste.

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Explorer : # responsabilité des compagnies aériennes # indemnisation des victimes # sécurité aérienne # conventions internationales

Comment sont indemnisées les victimes d’un accident d’avion ?
Face à un besoin constant de l’Homme de se déplacer, le transport aérien de passagers, qui consiste selon l’article L6400-1 du Code du transport « à acheminer par aéronef d’un point d’origine à un point de destination des passagers », s’est fortement démocratisé ces dernières années.

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Malgré un net ralentissement du trafic aérien en 2020 suite à la pandémie de covid-19, le nombre de passagers aériens est en constante augmentation.

Paul Morand avait prédit ce changement monumental de l’aviation commerciale dès la fin du XXe siècle en estimant qu’« il n’en est pas moins vrai que l’avion-tramway, l’avion-taxi, l’avion-train-de-plaisir, l’avion de fin de semaine devront tôt ou tard entrer dans nos mœurs ».

Le transport aérien a effectivement réussi à s’imposer comme un mode de transport usuel, au même titre que le train.

Malgré le retentissement médiatique qu’un crash aérien génère en raison de sa dimension collective, l’augmentation du trafic aérien s’est accompagnée d’une sécurisation toujours plus importante des aéronefs. En effet, selon les statistiques, le transport aérien de passagers est le moyen de déplacement le plus sûr vis-à-vis de l’indicateur « nombre de décès par kilomètre parcouru » : environ 45 fois plus sûr que le transport automobile.

Selon le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA), l’accident aérien correspond, dans le langage courant, au crash aérien. Il s’agit de tout évènement lié à l’utilisation d’un aéronef au cours duquel une personne est mortellement ou grièvement blessée, ou au cours duquel l’appareil subit des dommages structurels ou a disparu.

En cas d’accident, la responsabilité du transporteur aérien de passagers se fonde exclusivement sur le droit conventionnel qui constitue la « clé de voûte de la responsabilité du transporteur aérien international » selon Laurent Chassot.

La Convention de Varsovie de 1929, qui a longtemps constitué la norme du contrat de transport aérien international, est aujourd’hui complétée par la Convention de Montréal de 1999 ratifiée et en vigueur en France depuis 2004.

Toutes deux concernent exclusivement le transport international, c’est-à-dire un voyage entre deux états distincts, ou un voyage à l’intérieur d’un même pays avec une escale faite dans un autre état.

Ainsi, en cas de dommages corporels, les passagers victimes bénéficient de droits, à l’encontre du transporteur, qui dépendent du texte auquel leur contrat de transport est soumis. Ils peuvent tant relever de la Convention de Montréal que de la Convention de Varsovie.

Pour qu’un voyage soit protégé par la Convention de Montréal, le pays d’origine et le pays de destination finale doivent tous les deux appliquer ce nouveau texte. Dans le cas contraire, le voyage est soumis aux règles de l’ancien système de Varsovie.

La nationalité de la compagnie aérienne n’entre donc aucunement en ligne de compte.

Tous les pays de l’Union européenne ont adopté la Convention de Montréal.

Mieux encore, le règlement européen CE n° 889/2002 soumet tous les vols effectués par les compagnies européennes à la Convention de Montréal, y compris ceux ne répondant pas à la définition du transport international et ceux auxquels la Convention de Varsovie s’applique normalement. Ces dispositions ont depuis été intégrées en droit interne sous les articles L6421-3 et L6421-4 du Code des transports.

La loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances, dite « DDADUE 2021 », a quant à elle modifié le régime de responsabilité civile des transporteurs aériens en droit interne en alignant celui-ci sur le régime applicable en transport international.

Une véritable uniformisation du régime de responsabilité applicable à l’encontre des transporteurs aériens est donc désormais de mise.

Tant la Convention de Varsovie que la Convention de Montréal optent pour un régime de responsabilité protecteur du passager en cas de mort ou de lésion corporelle et ce, que l’accident qui a causé la mort ou la lésion se soit produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement et de débarquement.

L’indemnisation de la victime en est ainsi facilitée puisqu’elle ne doit pas prouver une faute de l’auteur du dommage, y compris en cas de suicide du pilote.

L’engagement de la responsabilité du transport se base sur le fait que si la compagnie aérienne n’avait pas failli à l’obligation de sécurité à laquelle elle est tenue tant pendant la phase de transport elle-même que lors des phases d’embarquement et de débarquement, le crash ne serait pas survenu.

Il n’empêche que la Convention de Montréal est davantage protectrice du passager que celle de Varsovie en ce qu’elle n’instaure aucun plafond de responsabilité : la responsabilité du transporteur aérien n’est donc désormais limitée d’aucune manière.

A contrario, la Convention de Varsovie institue, en son article 22, un plafond de responsabilité à 16 600 droits de tirages spéciaux (DTS), plafond qui ne trouve néanmoins pas à s’appliquer en cas de faute ou de dol du transporteur.

De plus, la mise en œuvre de la responsabilité du transporteur aérien obéit sous la Convention de Varsovie à des règles différentes de celles prévues dans la Convention de Montréal.

Dans la Convention de Varsovie, le régime de responsabilité n’est pas dépendant de l’étendue du dommage invoqué par la victime. Ainsi, la responsabilité du transporteur aérien est fondée, en toute hypothèse, sur une faute simplement présumée, sachant que la jurisprudence se montre particulièrement exigeante pour admettre que la présomption de faute peut être renversée. Ainsi, en cas de dommage d’origine inconnue, elle estime que le transporteur demeure responsable.

La Convention de Montréal introduit quant à elle un système de responsabilité de plein droit pour les dommages inférieurs à 113 100 DTS, soit environ 145 000 euros, et maintient un régime de responsabilité pour faute présumée au-delà.

Autrement dit :

  • Tant la Convention de Varsovie que la Convention de Montréal optent pour un régime de responsabilité objectif à l’encontre du transporteur en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager. Pour tous les dommages résultant de la mort ou de la lésion corporelle d’un passager ne dépassant pas 113 100 DTS, le transporteur se voit donc appliquer une responsabilité de plein droit. Il ne peut exclure ou limiter sa responsabilité, sauf à apporter la preuve d’une faute de la victime.
  • Pour les dommages excédant 113 100 DTS, une responsabilité pour faute présumée s’applique à l’encontre du transporteur. La présomption étant simple, il peut s’en exonérer en prouvant son absence de faute ou de négligence.

En outre, la Convention de Montréal prévoit le versement d’avances aux victimes ou à leurs ayants droit, lesquelles leur permettent d’obtenir une aide de premier secours.

En application de son article 28,

« en cas d’accident d’aviation entraînant la mort ou la lésion de passagers, le transporteur […] versera sans retard des avances aux personnes physiques qui ont droit à un dédommagement pour leur permettre de subvenir à leurs besoins économiques immédiats ».

Ainsi, le transporteur doit, au plus tard dans les quinze jours après que la personne ayant droit à indemnisation ait été identifiée, verser une avance en proportion du préjudice matériel subi. Cette avance, qui ne peut être inférieure à 16 000 DTS par passager en cas de décès, soit 18 000 euros environ, est déductible de l’indemnisation définitive versée ultérieurement et remboursable dans le cas où la responsabilité du transporteur ne serait finalement pas retenue.

Quoi qu’il en soit, la souscription obligatoire d’un contrat d’assurance par le transporteur aérien pour l’obtention de sa licence d’exploitation lui permet d’être couvert en cas d’accident aérien.

Caroline Fontaine-Beriot, Avocat et Fiona Buscail, Juriste

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