Responsabilité médicale, aléa thérapeutique et solidarité nationale.

Par Caroline Carré-Paupart, Avocat.

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Explorer : # responsabilité médicale # aléa thérapeutique # solidarité nationale # indemnisation

Par un arrêt 25 mai 2022 (n°453990), le Conseil d’État vient de rappeler que seuls les arrêts de travail rattachés exclusivement à l’aléa thérapeutique pouvaient être pris en compte pour qualifier un accident médical grave au sens de l’article D1142-1 du Code de la santé publique (CSP).

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Pour rappel, cet article dispose que :

« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50%.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence
 ».

Cet arrêt vient donc repréciser le critère de gravité exigé par la loi afin de pouvoir qualifier l’existence d’un accident médical non-fautif permettant à la victime un droit à indemnisation par l’ONIAM, au titre de la solidarité nationale.

Ainsi, lorsque le seuil de 24% d’atteinte permanente à l’intégrité physique et ou psychique n’est pas atteint, la victime peut notamment faire valoir une cessation temporaire de ses activités professionnelles supérieure à 6 mois strictement en lien avec la complication.

Les faits et la procédure.

Un homme exerçant le métier de chauffeur routier souffrait de violentes névralgies intercostales qui sont à l’origine de plusieurs arrêts de travail.

Il a subi une opération chirurgicale, dans l’objectif d’éradiquer l’hernie discale dont il était atteint. Cette opération n’a pas permis de faire disparaitre ses douleurs.

Au cours de cette opération, une lésion accidentelle du nerf grand dentelé gauche du patient a entrainé un décollement majeur de son omoplate gauche, ce qui a été très invalidant pour lui.

En première instance, le Tribunal administratif de Bordeaux a mis à la charge de l’ONIAM le versement de diverses sommes en réparation, par la solidarité nationale, du préjudice ayant résulté de l’intervention chirurgicale de la victime.

L’ONIAM a fait appel de ce jugement. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé cette décision de première instance, et rejeté la demande d’indemnisation du patient, au motif que les conditions d’une prise en charge au titre de la solidarité nationale n’étaient pas remplies.

Selon les juges d’appel, les conséquences de la lésion accidentelle alléguée ne répondent pas aux critères de gravité énoncés par l’article D1142-1 CSP.

La victime a saisi le Conseil d’État.

L’arrêt du Conseil d’État.

Par son arrêt du 25 mai dernier, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi de la victime.

Il a tout d’abord considéré que la cour d’appel avait fait une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans commettre d’erreur de droit en affirmant que la seule persistance des douleurs invalidantes qui avaient justifié l’opération, ainsi que les traitements médicamenteux que ces douleurs exigeaient, avaient à eux seuls justifié les arrêts de travail accordés à la victime.

En outre, la cour d’appel avait justement déduit de cette appréciation souveraine que :

« Alors même que la lésion du nerf grand dentelé gauche aurait pu avoir, à elle seule, pour conséquence d’entrainer des arrêts de travail de la durée requise par les dispositions de l’article D1142-1 du Code de la santé publique cité ci-dessus, cet accident médical ne pouvait, en l’espèce, être regardé comme ayant entrainé des arrêts de travail au sens de ces dispositions et qu’ainsi ses conséquences ne remplissaient pas la condition de gravité requise pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale (…) ».

Le Conseil d’État réaffirme que seuls les arrêts de travail, supérieurs à 6 mois consécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois, rattachés exclusivement à l’accident médical, peuvent être pris en compte pour retenir un accident médical grave pouvant donner lieu à une indemnisation par la solidarité nationale.

Caroline Carré-Paupart, Avocat
Barreau de Paris.

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