Salariés, Cadres, Cadres dirigeants : le système de promotion « up or out » est-il discriminatoire en raison de l’âge ?

Par Frédéric Chhum, Avocat.

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Explorer : # discrimination # licenciement # promotion # Âge

Dans un arrêt du 12 avril 2018 non publié au bulletin (n°16-25503), la Cour de cassation vient de statuer sur l’illicéité du système de promotion « up or out » applicable notamment dans certaines entreprises de Conseils en stratégie.
Ce système du « up or out » est un système de promotions dans une structure à la fois hiérarchisée et pyramidale tendant à l’exclusion des salariés (notamment les cadres dirigeants) n’étant pas en mesure d’accéder à l’échelon supérieur.

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1) Rappel des faits : un licenciement pour insuffisance professionnelle intervenu après une proposition de rupture conventionnelle.

M. Y, engagé le 11 octobre 1989 par la société B (devenue Accenture), en qualité d’ingénieur conseil, occupait un emploi de Senior Executive (directeur exécutif), statut cadre dirigeant.
Après une proposition de rupture conventionnelle (la Rupture Conventionnelle devient un préalable au licenciement), il a été licencié, le 4 mars 2009, pour insuffisance professionnelle.

La Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes du salarié relatives à la discrimination en raison de l’âge et à la nullité du licenciement.

La Cour d’appel de Paris a retenu que tant la corrélation entre les effets d’un système de promotions dans une structure à la fois hiérarchisée et pyramidale tendant à l’exclusion des salariés n’étant pas en mesure d’accéder à l’échelon supérieur, dit de « up or out », au surplus manifestement accepté, la réduction alléguée de la proportion de cadres de plus de quarante ans au niveau supérieur, a fortiori sur des chiffres au demeurant discutés, que la proposition d’un départ négocié ne constituent des éléments de fait laissant en soi supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge du salarié.

Le salarié s’est pourvu en cassation et par arrêt du 12 avril 2018, cette dernière a cassé l’arrêt de la Cour d’appel.

2) Solution de la Cour de cassation dans l’arrêt du 12 avril 2018 : illicéité du système « up or out » ?

En matière de discrimination le système de preuve est aménagé : le salarié doit apporter les éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination et la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et affirme « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour insuffisance professionnelle notifié après proposition d’une rupture conventionnelle, ainsi que l’existence d’un système dit de « up or out » tendant à l’exclusion des salariés n’étant pas en mesure d’accéder à l’échelon supérieur, et sans examiner les autres éléments avancés par le salarié, notamment ceux relatifs au départ peu après son licenciement de neuf directeurs exécutifs âgés de plus de quarante ans, et à la faible proportion de salariés âgés de plus de quarante ans présents dans l’entreprise au regard de la proportion de ces mêmes salariés dans la branche professionnelle, tous éléments qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’âge, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La Cour de cassation censure la Cour d’appel qui n’a pas examiné les éléments avancés par le salarié à savoir :
- le départ peu après son licenciement de neuf directeurs exécutifs âgés de plus de quarante ans,
- la faible proportion de salariés âgés de plus de quarante ans présents dans l’entreprise au regard de la proportion de ces mêmes salariés dans la branche professionnelle.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent, selon la Cour de cassation, supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’âge.

Le salarié pouvait aussi saisir le Défenseur Des Droits ; ce dernier aurait pu, le cas échéant, présenter des observations devant la Cour d’appel ou le Conseil de prud’hommes.

L’affaire est renvoyée vers la Cour d’Appel de Paris autrement composée. L’arrêt de la Cour d’appel de renvoi est très attendu.

C. cass. 12 avril 2018, n° 16-25503

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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