Expérimentation et compétences des collectivités territoriales : une procédure simplifiée.

Par Axel Bertrand, Avocat.

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Explorer : # expérimentation # collectivités territoriales # simplification # législation

La « loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution » entend simplifier les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent être autorisées à déroger, à titre expérimental, aux règles régissant l’exercice de leurs compétences.

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Focus sur les points essentiels de ce texte qui devrait permettre d’accroître le recours à l’expérimentation pour les collectivités territoriales.

L’expérimentation est issue de la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 qui a modifié l’article 72 de la Constitution en prévoyant que les collectivités territoriales peuvent être autorisées, par la loi ou le règlement, à déroger aux règles relatives à l’exercice de leurs compétences, à titre expérimental, pour un objet et une durée limités.

Son cadre juridique est prévu par les articles LO1113-1 à 7 du CGCT issus, dans leur version initiale, de la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales.

A ce titre, une loi doit définir les caractéristiques essentielles de l’expérimentation, comprenant notamment : son objet, sa durée (maximum 5 ans), les dispositions auxquelles il peut être dérogé, les catégories et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à y participer ainsi que le délai dans lequel les collectivités décident d’y participer [1].

Constatant que seules 4 expérimentations ont été conduites sur ce fondement depuis 2003 (le RSA, la tarification sociale de l’eau, les nouvelles modalités de répartition de la taxe d’apprentissage et l’accès à l’apprentissage jusqu’à 30 ans), l’objectif de la loi organique du 19 avril 2021 est « d’assouplir et de simplifier cette procédure » qualifiée de « frein juridique » au recours à l’expérimentation par les collectivités territoriales [2].

Simplification des modalités de la participation des collectivités à l’expérimentation.

Lorsqu’une collectivité souhaitait participer à une expérimentation, elle devait adopter une délibération motivée en ce sens, laquelle était ensuite transmise au préfet puis au ministre chargé des collectivités territoriales. Sa participation à l’expérimentation était alors subordonnée à la publication d’un décret après vérification qu’elle remplissait les conditions lui permettant de participer à l’expérimentation.

La loi organique du 19 avril 2021 supprime cette obligation.

Désormais, toute collectivité territoriale qui entre dans le champ d’application défini par la loi d’expérimentation peut, dans le délai prévu par cette loi, décider elle-même de participer à l’expérimentation sur délibération motivée de son organe délibérant. La délibération n’est publiée au JORF qu’à titre informatif [3].

Cette délibération reste soumise aux conditions de droit commun de publicité et d’entrée en vigueur des actes des collectivités territoriales prévues par le CGCT.

Simplification de l’entrée en vigueur des actes pris par les collectivités dans le cadre de l’expérimentation.

Initialement, les actes pris par les collectivités territoriales dans le cadre de l’expérimentation ne pouvaient entrer en vigueur qu’après leur publication au JORF, ce qui impliquait un délai pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines peu en décalage avec la durée limitée de la période d’expérimentation.

La loi organique du 19 avril 2021 supprime cette obligation et prévoit que la publication au JORF des actes pris par les collectivités dans le cadre de l’expérimentation ne se fait qu’à titre informatif. Leur entrée en vigueur n’est donc plus subordonnée à leur publication au JORF mais aux seules règles de droit commun s’agissant des actes des collectivités territoriales [4].

Elargir l’issue de l’expérimentation.

L’issue de l’expérimentation était binaire. Au terme d’une évaluation de l’expérimentation le législateur pouvait décider, soit de maintenir et de généraliser les mesures prises à titre expérimentales à toutes les collectivités territoriales de la catégorie concernée, soit d’abandonner l’expérimentation.

L’issue, particulièrement radicale, de l’expérimentation n’encourageait pas les collectivités à y participer.

Il y aura désormais plus de souplesse puisqu’il pourra également être décidé de maintenir les mesures ayant fait l’objet de l’expérimentation aux collectivités territoriales y ayant participé, ou bien seulement dans certaines d’entre elles, ou encore de les étendre à d’autres collectivités territoriales, sous réserve du respect du principe d’égalité [5].

La balle est désormais dans le camp du législateur et du Gouvernement pour décider des compétences qui pourraient faire l’objet d’expérimentations dans ce cadre juridique simplifié.

Selon le Gouvernement, des propositions devraient être faites à l’occasion du projet de loi « relatif à la décentralisation, la différenciation, la déconcentration et la décomplexification » (projet de loi dit « 4D »), lequel devrait être présenté en en conseil des ministres au printemps au terme d’une annonce récente du Premier Ministre.

Axel Bertrand
Avocat en droit de l\’urbanisme, associé du cabinet ASTEN AVOCATS
https://astenavocats.com/

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Notes de l'article:

[1Article LO1113-1 du CGCT.

[2Etude d’impact sur le projet de loi organique, NOR : TERB2007584L/Bleue-1, page 10.

[3Article LO1113-2 du CGCT.

[4Article LO1113-4 du CGCT.

[5Article LO1113-6.

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