Karavel condamnée pour la mise en oeuvre d’une clause de non-concurrence contestative.

Par Frédéric Chhum, Avocat

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Explorer : # clause de non-concurrence # droit du travail # nullité de clause

Dans un arrêt du 23 septembre 2010, la Cour d’appel de Paris considère comme nulle, la clause de non concurrence dont la mise en oeuvre dépend de la seule volonté de l’employeur.

Cet arrêt s’inscrit ainsi dans le sens de la jurisprudence actuelle.

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1) Les faits

Madame X. était embauchée par la SAS KARAVEL, suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 juin et à effet du 9 juillet 2004, en qualité de gestionnaire de comptes, chef de produits junior, statut agent de maîtrise, niveau IV de la Convention Collective Tourisme, Agences de Voyages et de Tourisme, moyennant un salaire mensuel brut de 2 084 € sur douze mois, soit 25 008 € par an, outre une part de rémunération variable.

Elle exerçait en dernier lieu, selon avenant à son contrat de travail en date du 22 mai 2006 et à effet du 1er janvier 2006, les fonctions d’acheteur, chef de produits, statut cadre, niveau VIII de la même Convention Collective, en contrepartie d’un salaire mensuel brut de 2 400 €, soit 28 800 € par an, part de rémunération variable en sus.

Par lettre du 21 décembre 2006, Madame X. donnait sa démission à son employeur, tout en lui exprimant le souhait de voir déduire de son préavis ses congés payés cumulés et ses heures de recherche d’emploi, afin de quitter ainsi ses fonctions au plus tard le 9 février 2007.

La SAS KARAVEL acceptait, par courrier du 6 février 2007, que la salariée, en congés du 12 au 15 février 2007, cumule ses heures de recherche d’emploi sur la période du 16 février au 2 mars 2007, tout en la dispensant, à compter du 3 mars 2007, de son préavis, ayant normalement touché son terme le 20 mars 2007.

Par LRAR du 14 février 2007, l’employeur confirmait à Madame X. l’application de la clause de non concurrence insérée en son contrat de travail, pour la durée de six mois y étant stipulée, et ce, à compter du 2 mars 2007, date de sa sortie des effectifs de l’entreprise, moyennant le paiement d’une contrepartie financière d’un montant brut de 1 000 € par mois.

Persistant, après échange de correspondances avec son employeur, à contester la validité de cette clause de non concurrence, la salariée saisissait le Conseil de prud’hommes de Paris, tant en référé qu’au fond, aux fins de voir juger nulle car illicite ladite clause, et d’obtenir la condamnation de la SAS KARAVEL à lui payer des dommages intérêts en réparation de son préjudice subséquent.

Aux termes d’une ordonnance rendue le 23 mars 2007, le Conseil de prud’hommes disait n’y avoir lieu à référé.

2) L’arrêt de la Cour d’appel de Paris

Suivant jugement en date du 29 août 2008, la juridiction prud’homale statuait au fond en ces termes : « - déclare nulle la clause de non concurrence ; (…) ». La SAS KARAVEL a interjeté appel du jugement.

Dans un arrêt du 23 septembre 2010, la Cour d’appel de Paris a jugé que :
« Considérant qu’une clause de non concurrence était insérée en l’article 6 du contrat de travail de Madame X., ainsi libellée :

Madame X. s’engage, en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, à ne pas entrer au service d’un concurrent direct de la Société, soit toute société exerçant une activité de vente dans le secteur du E Tourisme.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée de 6 mois à compter du jour où Madame X. cessera ses fonctions, ou à la cessation effective du travail si le préavis n’est pas effectué. Cette interdiction est limitée géographiquement à la France.

En contrepartie de cette obligation de non concurrence, il sera versé à Madame X. après son départ effectif de la société une indemnité compensatrice de clause de non concurrence forfaitaire de 1 000 euros par mois, soumise à cotisations sociales, pendant toute la durée de l’obligation, soit durant 6 mois à compter de son départ de la société.

En cas de violation de cette clause, la Société sera libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière. Madame X. s’exposera ainsi à des poursuites de la part de Karavel.

Il est cependant convenu que cette clause ne sera valide qu’après l’envoi, de la part de la Société, d’une lettre recommandée avec accusé de réception confirmant l’application de ladite clause. Cette lettre devra impérativement être envoyée avant la fin du présent contrat. A défaut, la clause de non concurrence sera réputée levée et l’indemnité compensatrice de clause de non concurrence ne sera plus due ;

Considérant, en droit, qu’une clause de non concurrence, portant comme telle atteinte au droit fondamental du salarié d’exercer sa profession, ne peut être admise que si elle est en tous points déterminée et circonscrite dans le temps et dans l’espace, sans être soumise à la libre appréciation de l’employeur, étant ainsi notamment de principe qu’une telle clause est entachée de nullité lorsque son application dépend de la seule volonté de celui ci ;

Or considérant qu’il apparaît en l’espèce, que la clause de non concurrence litigieuse est assurément entachée de nullité, car illicite, comme étant purement potestative, dès lors que sa mise en œuvre est subordonnée, en son 5ème et dernier alinéa, à la seule et unique volonté de l’employeur de s’en prévaloir, tant son activation ne dépend jamais ainsi que du bon vouloir de la SAS KARAVEL, n’ayant jamais exprimé sa volonté en ce sens que par LRAR du 14 février 2007, soit, pendant l’exécution de partie de son préavis, dont elle était pour le surplus dispensée, et donc postérieurement à notification de la rupture de son contrat de travail par la démission de la salariée ;

Considérant qu’il suit nécessairement de là, nonobstant toutes prétentions contraires mais inopérantes de la SAS KARAVEL, que la nullité de la clause de non concurrence querellée a été à bon droit prononcée par les premiers juges, dont la décision sera dès lors confirmée de ce chef (…) ».

Cet arrêt est dans le droit fil de la jurisprudence, qui considère comme nulle, les clauses de non-concurrence, dont la mise en œuvre dépend de la seule volonté de l’employeur.

La société n’a pas fait appel, l’arrêt est donc définitif.

Frédéric Chhum

Avocat à la Cour

e-mail : chhum chez chhum-avocats.com

Site internet : www.chhum-avocats.com

blog : http://avocats.fr/space/avocat-chhum

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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