Le PPP : vecteur du logement social ? Par William Azan, avocat

Le PPP : vecteur du logement social ?

Rédaction du village

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Explorer : # partenariat public-privé (ppp) # logement social # crise du logement # financement immobilier

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Lors de la récente remise des deuxièmes trophées des SIIC, organisée par la FISF, le sénateur Philippe Marini a fait, de la réponse à la crise du logement, un axe majeur de la réflexion du législateur pour les prochaines années, notamment en offrant aux SIIC un cadre institutionnel profondément rénové. Une solution existe déjà : le PPP, dont les conditions de recours viennent d’être assouplies par un projet de loi modifiant l’ordonnance du 17 juin 2004.

Déjà, en 2005, le groupe de travail de la Commission des Affaires Economiques du Sénat, sous la présidence du sénateur Dominique Braye et le rapport de Thierry Repentin, a émis plusieurs recommandations importantes destinées à apporter réponse à la crise du logement. A côté de mesures d’incitations fiscales ou administratives destinées à favoriser une politique foncière ambitieuse au service du logement, les sénateurs évoquaient divers mécanismes juridiques tels le bail emphytéotique ou le bail à construction « pour abaisser le coût du foncier et encourager l’accession à la propriété » (source : Le Moniteur, cahier détaché n°2, n°5314 du 30 09 2005). La loi n° 2006.872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement social concrétise nombre de ces recommandations. Le contrat de « Partenariat Public Privé » (PPP) n’y est toutefois pas mentionné.

Le peut-il plus favorablement aujourd’hui, après trois ans de mise en œuvre de l’ordonnance n° 2004.559 du 17 06 2004 qui a introduit en France ce modèle hérité du PFI anglais (source : rapport d’enquête mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques : Le développement de la procédure de PFI en Grande-Bretagne, novembre 2003) ?

Certains se sont interrogés, récemment, sur les résultats modestes, à ce jour, du PPP depuis l’ordonnance de 2004. La crainte de la rigueur des juridictions administratives expliquerait les réticences des maîtres d’ouvrages publics à y recourir. On a même recommandé un « nouveau souffle parlementaire » (source : Thierry Reynaud – BJCP n° 51, pages 86 et suivantes) afin d’éviter que le PPP ne soit placé au rang des « montages contractuels complexes » inefficaces.

Comment rendre le partenariat public / privé adapté au souhait partagé par les décideurs politiques, les investisseurs privés ou les entreprises de disposer d’un socle conventionnel commun pour déclencher un vaste mouvement de construction de logements sociaux neufs ? Nous évoquerons l’état actuel du droit positif applicable au PPP, pour examiner ensuite les orientations à prendre pour satisfaire à ce souci commun de programmation opérationnelle, de sécurité juridique et de rentabilité économique.

1- L’état actuel du droit positif applicable au PPP

L’ordonnance du 17 06 2004 fixe le cadre du recours par les collectivités publiques (pas nécessairement les bailleurs sociaux) au PPP. Celui-ci est : « Une variante de contrat administratif par lequel l’Etat ou un établissement public confie à un tiers, pour une période déterminée, en fonction de la période d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenus, une mission globale relative au financement d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public, ainsi qu’à leur entretien, leur maintenance, leur gestion et le cas échéant, à d’autres prestations de service concernant l’exercice par la personne publique de la mission de service public dont elle est chargée » (article L 1414.1 du C.G.C.T.).

Ce contrat administratif, par détermination de la loi, se trouve, à bien des égards, dans la continuité de l’ancien Marché d’Entreprise de Travaux Publics (METP), notamment en ce qu’il permet le paiement d’un prix par la personne publique pendant toute la durée de la convention. La circulaire interministérielle d’application du 30 novembre 2005 ne mentionne pas la construction, l’entretien et la maintenance des logements sociaux dans le champ sectoriel du PPP. En outre, les conditions du recours au PPP en limitent l’usage aux seuls ouvrages « complexes », c’est-à-dire dans le cas où « la personne publique n’est pas en mesure de définir elle-même » les moyens techniques à mettre en œuvre ou d’assurer le montage contractuel du projet.

2- Quelles orientations prendre ?

La généralisation du recours au PPP hors cas d’urgence, dans le domaine de la construction de logements sociaux, ne nécessite pourtant que de simples ajustements législatifs ou réglementaires.

Le « faible » succès rencontré à ce jour par le PPP s’explique par plusieurs raisons, qui tiennent notamment à la crainte d’annulation du contrat par le juge administratif. Celui-ci, en effet, peut être aujourd’hui saisi, même par les tiers, d’un recours contre le contrat lui-même et non simplement contre les actes détachables qui le précèdent. L’absence de jurisprudence apparaît comme un frein à la diversification du contrat de partenariat au secteur du logement social.

Un simple « cavalier » législatif permettrait de lever un premier obstacle et de conforter les décideurs publics dans leur choix de recourir à cette formule contractuelle pour construire des logements sociaux.
De même, la condition de la complexité pourrait être plus aisément remplie si l’on incluait au dispositif actuel d’autres modes de rémunération pour le cocontractant de l’administration que le paiement d’un prix en numéraire pour la personne publique, bailleur social.

Plusieurs formules seraient envisageables, après avis des services fiscaux en charge des domaines.

La première pourrait prendre la forme d’une dation en paiement de terrains du domaine privé des personnes publiques. Dans cette hypothèse, le promoteur immobilier réalisant une opération de construction de logements sociaux dans le cadre du contrat de partenariat disposerait des ressources foncières de la personne publique pour y réaliser sa propre opération.
L’effet de levier ne serait pas seulement de nature juridique ou financière. Il serait urbain tout d’abord. L’aménagement serait harmonisé et intègrerait des logements sociaux à des ensembles diversifiés socialement et architecturalement.

Une autre forme de rémunération de l’investisseur immobilier serait, le cas échéant, envisageable. Elle rapprocherait alors le contrat de partenariat de la concession d’aménagement de l’article L 300 et suivants du Code de l’Urbanisme. Il s’agirait de prévoir, en contrepartie de la réalisation de logements sociaux, le paiement de droits à construire de nature identique à ce que l’on peut prévoir dans le cadre de l’aménagement conventionnel en ZAC.

Cette formule est particulièrement adaptée aux terrains nus à bâtir ou aux zones urbaines périphériques (après démolition des immeubles existants).
Elle peut être étendue au cas des friches industrielles, parfois situées au cœur des villes, espaces à requalifier pour y assurer le développement du logement social en totale sécurité pour les futurs habitants. Les collectivités publiques sont tenues d’y intervenir lorsque les espaces naguère exploités présentent un risque majeur pour la santé publique (stabilité des sols, pollution éventuelle – source : Philippe Billet – BJCL 10/07 p 706 et suivantes).
Une difficulté majeure consiste à mettre en cause la responsabilité des derniers exploitants, avant même d’entamer l’opération de requalification foncière ; l’exploitant a en effet l’obligation d’assurer la remise en état du site dont il est le dernier gardien.

Compte tenu des avancées technologiques constantes en matière de dépollution, notamment, le PPP pourrait être le cadre d’un transfert effectif de ce risque vers le partenaire privé, qui sera d’autant mieux rémunéré qu’une partie de sa rémunération sera assise sur les performances environnementales atteintes, tout en proposant de nouveaux logements sociaux dans des délais rapides.

3- Une ouverture inéluctable

Le cadre de financement de nouveaux logements sociaux doit rapidement évoluer, chacun le ressent bien. Face à l’étendue des besoins à satisfaire, les sociétés d’économie mixte locales ne peuvent couvrir, à elles seules, l’ensemble des projets à mener à bien dans les prochaines années. Elles le pourront d’autant moins facilement que, au regard des dernières évolutions de la jurisprudence communautaire, elles devront être mises en concurrence bien en amont de la construction de nouveaux logements sociaux (CJCE 18 01 2007 : Jean Auroux c/ commune de Roanne – BJCP n° 52 p 184).
Elles devront, là aussi, nouer de nouvelles formes de partenariat avec les investisseurs privés, les établissements de crédit spécialisés ou les promoteurs eux-mêmes. Elles y réfléchissent déjà d’ailleurs…

Cette ouverture est inéluctable. Dans ce contexte, sans aller immédiatement jusqu’à la « privatisation » ou la « titrisation » de l’ensemble du parc immobilier des organismes en charge du logement social, la formule du PPP pourrait devenir une solution d’étape, acceptable par tous.

William AZAN
Avocat Associé
AZAN Avocats Associés
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