Vente commerciale : obligation de conformité contractuelle et garantie contre les vices cachés.

Par François Campagnola, Juriste.

73840 lectures 1re Parution: 2 commentaires 4.98  /5

Explorer : # garantie des vices cachés # garantie de conformité # protection du consommateur # responsabilité contractuelle

Les mécanismes de la garantie du vendeur à l’acquéreur d’un bien génèrent quatre moyens susceptibles de déboucher sur la résolution d’une vente pour défaut. L’article 1625 du Code civil distingue tout d’abord la garantie de « possession paisible de la chose vendue ». Sous peine d’action en résiliation du contrat, cette garantie interdit tout acte du vendeur susceptible de gêner l’acquéreur dans la possession de la chose et protège également ce dernier de l’action en revendication des tiers

-

La seconde composante est la composante dominante du dispositif. Il s’agit de la garantie des vices cachés ou rédhibitoires susceptibles de priver l’acquisition de la chose de tout intérêt. Elle est régie par les article 1641 et suivants du Code civil et fait l’objet d’une jurisprudence abondante qui en encadre l’essentiel des aspects. La troisième composante est spécifique au droit de la consommation et est régie par les articles L. 211-1 à 211-17 du Code de la consommation relative à la garantie de conformité contractuelle que le vendeur professionnel doit au consommateur. A cet ensemble vient s’ajouter la quatrième composante de la garantie conventionnelle qui est généralement intégrée aux conditions générales de vente.

A) Les différentes formes de garantie relatives à la vente d’un bien

Avec le développement de la consommation de masse, le domaine de la garantie commerciale s’est vu consolidé par le législateur afin de renforcer la protection du consommateur. Pour le commerçant, la garantie commerciale est aussi le moyen d’apporter au consommateur un plus dans un contexte fortement concurrentiel ou, au contraire, d’essayer de limiter la portée de ses obligations commerciales. De l’ensemble, il résulte le primat de deux catégories de garanties qui sont les garanties de conformité et les garanties contre les vices cachés.

1) La garantie contre les vices cachés

La garantie de droit commun des vices cachés fait l’objet des articles 1641 à 1649 du Code civil. Dans la chronologie des obligations du vendeur, la garantie des vices cachés se situe dans le prolongement immédiat de l’obligation de délivrance. Elle entre en jeu lorsque le bien s’avère atteint d’un défaut non décelable par l’acquéreur à sa réception et qui le rend impropre à l’usage attendu. Longtemps, cette garantie se caractérisa par un champ d’application limité à certaines ventes comme la vente d’animaux atteints de maladie ou la vente d’immeubles ayant un défaut de construction. Tel n’est plus le cas aujourd’hui depuis que la loi du 31 juillet 1998 en a considérablement élargi le champ.

En France comme en Europe, l’extension du contentieux de la garantie des vices cachés est contemporaine de la loi du 31 juillet 1998 transposant la Directive communautaire du 25 juillet 1985 relatives à la responsabilité des produits défectueux. En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la Directive européenne du 25 juillet 1985 organise le rapprochement des législations nationales au sein de l’Union européenne en instaurant un régime unifié de responsabilité sans faute lorsqu’un dommage résulte du défaut d’un produit. La Directive le fit dans l’objectif de remédier aux distorsions de concurrence au sein de l’UE susceptibles de résulter des différences de régimes de responsabilité du fait des produits défectueux. Comme pour les autres États européens, il en a résulté une adaptation de la législation française qui fit l’objet de la loi du 19 mai 1998 dont le caractère tardif donna par ailleurs lieu à plusieurs condamnations de la France par la justice européenne.

Sur ces bases, au fondement de l’article 1641 du Code civil, le vice garanti est un défaut inhérent au bien vendu. Il doit préexister au transfert de propriété généré par la vente ainsi qu’au transfert de risques qui en résulte. Il concerne donc la période antérieure à la livraison de al chose. Il en résulte que le défaut peut apparaître après le transfert pourvu qu’il existe antérieurement. C’est notamment le cas des défauts de conception et de fabrication. Pour autant, certaines situations échappent à cette classification et nécessitent l’adoption de régimes spéciaux de garantie comme c’est le cas pour la vente d’immeuble sur plan.

Le défaut du bien couvert par la garantie des vices cachés doit par ailleurs continuer à exister au moment de la saisine du juge. De ce point de vue, un vice réparé ne donne pas droit à garantie mais éventuellement à une indemnisation pour préjudice ou à une action estimatoire au profit de celui qui en a supporté les frais. La jurisprudence civile du 25 janvier 1989 a également établi qu’un défaut temporaire ne donne pas lieu à déclenchement de la garantie quand bien même il réduit momentanément l’usage du bien. Le défaut inhérent au bien vendu doit enfin être non-décelable. A cet égard, l’article 1642 du Code civil dispose que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même  ». Dans ce cadre, un vice est toutefois apparent que s’il est connu « dans sa cause et son amplitude » (Cass, civ., 2 octobre 1980 et 14 juin 1989). Une vente peut donc être viciée si le défaut du bien est connue mais pas dans toute son amplitude. Ainsi en est-il du bien d’occasion vendu comme étant réparable alors qu’il ne l’est en fait pas.

2) La garantie de conformité

Depuis l’ordonnance du 17 février 2005 transposant une directive européenne du 25 mai 1999, le dispositif de droit commun de la garantie des vices cachés se double d’un dispositif spécial de « garantie de conformité » propre aux ventes de consommation qui est intégré au Code de la consommation aux articles L. 211-1 à L. 211-17. Ce dispositif de garantie complémentaire propre aux rapports entre vendeur professionnel (fabricant, revendeur et vendeur occasionnel réalisant des actes de vente répétés) et acheteur non-professionnel vient s’ajouter et non se substituer au droit commun de la garantie pour vice caché.

En l’inscrivant dans le cadre du Code de la consommation, le législateur a en fait ici pour objectif la protection de l’acheteur non-professionnel. Au titre de cette protection, l’acheteur non-professionnel est aujourd’hui défini comme étant toute personne physique ou morale ne disposant pas du savoir du vendeur professionnel sur le bien vendu. Le fondement de la distinction entre professionnel et non-professionnel est donc qu’il existe un déséquilibre de savoir et donc de puissance dans leurs relations contractuelles que le droit cherche à corriger. Ce différentiel est enfin un élément central de la distinction entre consommateur et vendeur professionnel en ce qu’il détermine très largement l’étendue du champ d’application du Code de la consommation à la matière.

Par extension, la question de l’applicabilité du droit de la consommation se pose également concernant les rapports contractuels entre professionnels de spécialités différentes ainsi que relativement à l’achat fait par un professionnel pour un usage non-professionnel. Dans le premier cas, le professionnel non spécialiste est considéré comme étant « dans le même état d’ignorance que n’importe quel consommateur » (Cass, civ. 2, avril 1987). Dans le second cas, la Cour de cassation considère tout d’abord que le contractant doit être considéré comme un professionnel lorsque l’objet du contrat qu’il conclut a un rapport direct avec son activité professionnelle (Cass. civ., 24 janv. 1995).

Dans un second temps toutefois, tempérant ce principe afin d’en réduire la portée, l’arrêt Gruber de la Cour de Justice des Communautés européennes du 20 janvier 2005 applicable en droit interne dispose que le professionnel achetant un bien à des fins domestiques ne peut être considéré comme un simple consommateur que si la part de qualité professionnelle rentrant dans son acte contractuel est marginale. Enfin, en cas de revente, si l’acheteur initial est un professionnel, le sous-acquéreur consommateur ne peut agir que contre cet acheteur initial et non contre son vendeur. Si, par contre, l’acheteur initial est un consommateur, son sous-acquéreur bénéficie de la garantie de conformité, qu’il soit professionnel ou non. Tel est le cas du garagiste achetant une voiture d’occasion.

Dans ce cadre, le domaine de la garantie de conformité du code de la consommation se limite par ailleurs aux seuls biens meubles corporels. Ceux-ci peuvent par contre être neufs ou d’occasion ainsi qu’incorporables ou non à un immeuble pour autant qu’ils restent des biens meubles au moment de leur vente ou de leur revente. De par la loi, cette catégorie de bien meuble s’étend également au gaz et à l’eau dès lors qu’ils sont conditionnés, excepté le cas de l’électricité conditionnée de la pile électrique. De la même manière, l’article L. 211-2 du Code de la consommation exclut de la couverture de la garantie de conformité les biens mobiliers vendus aux enchères publiques ou par décision judiciaire. Enfin et peut-être surtout, l’article L. 211-4 et L. 211-5 précise que le défaut de garantie couvert ne l’est pas in abstracto au regard des caractéristiques mêmes de l’objet mais in concreto lorsque le bien n’est effectivement pas conforme au contrat.

Sur la base de ces éléments, l’article L. 211-12 du Code de la consommation dispose que l’action en garantie légale se prescrit par deux ans à compter de la date de délivrance du bien. La portée du dispositif précisé à l’article L. 211-17 du Code de la consommation est en outre d’ordre public avec pour conséquence que toute clause contraire est réputée non-écrite. Quant à l’article L. 211-13, il offre au consommateur la possibilité d’agir cumulativement en garantie de conformité du produit, en garantie des vices cachés, en responsabilité pour délivrance non-conforme ainsi qu’en nullité pour vice de consentement. Le premier répond aux standards du droit de la consommation tandis que les autres relèvent du droit commun. Enfin, alors que l’action en garantie de conformité se limite au remplacement ou la réparation du bien vendu, les autres actions conduisent à sa résolution pour vice caché. Dans tous les cas de figure, une action en dommages-intérêts peut également s’y ajouter sur le fondement de l’indisponibilité du bien ou des frais induits.

3) La garantie conventionnelle du bien

La garantie conventionnelle du bien est la dernière catégorie de garantie applicable au domaine de la vente commerciale. Elle est le plus souvent insérée dans les conditions générales de vente du vendeur. Son régime varie également selon que l’acheteur est professionnel ou non. Lorsque l’acheteur est professionnel, la clause de garantie est exclusive ou limitative. Lorsque l’acheteur est non-professionnel, deux situations peuvent par contre se présenter.

Dans le premier cas, la clause de garantie contractuelle vient se surajouter à la garantie légale en vue d’en consolider l’exercice. Dans un second cas, les clauses de garantie contractuelle sont indépendantes de la garantie légale et visent souvent à aménager l’obligation qui pèse sur le vendeur. Elles font alors l’objet de mentions spéciales dans le contrat de vente afin d’éviter toute confusion dans l’esprit de l’acheteur entre ce type de garantie et la garantie légale. Surtout, lorsqu’elles vont trop loin dans ce sens, elles sont souvent considérées comme abusives. Ainsi en est-il de la clause de garantie contractuelle réduisant la période de garantie légale à 6 mois.

B) Les conditions de mise en œuvre du droit à la garantie contre les vices cachés

Le principe de la garantie contre les vices cachés est aujourd’hui le principal vecteur de mise en cause de la responsabilité contractuelle du vendeur professionnel. Le droit applicable régit notamment l’étendue du champ d’application de ses règles ainsi que les régimes de l’action en garantie, de la preuve et des délais applicables. Il en résulte un système de catégorisation complexe qui laisse au juge des marges d’appréciation non négligeables.

1) Les restrictions apportées au régime de la garantie légale contre les vices cachés

Trois éléments restrictifs viennent réduire la portée de l’article 1641 du Code civil. D’une part, pour qu’il y ait résolution de la vente, le vice doit être rédhibitoire et le bien inutilisable à l’usage. Concernant, d’autre part, l’apparence comme la connaissance du vice, la jurisprudence module la portée de l’article 1641 selon que l’acheteur est professionnel ou consommateur. Dans le cas de l’acheteur profane, le juge se satisfait de l’obligation de vérification normale par ses seules qualités personnelles sans qu’il y ait besoin de requérir l’assistance d’un professionnel. A rebours, il y a présomption simple et non irréfragable de découverte du vice lorsque l’acheteur est un professionnel. Dans ce cas, l’acheteur professionnel peut faire lever la présomption en apportant la preuve que le vice de la chose était indécelable à ses yeux de professionnel.

Troisième élément restrictif, le défaut s’évalue non pas de manière absolue mais de manière relative et fonctionnelle à raison de la destination du bien retenue par les parties au contrat de vente. Or, en la matière, si certains biens ont une destination unique comme une voiture ou un photocopieur, il en est d’autres qui peuvent avoir plusieurs destinations possibles. Un terrain peut ainsi être constructible ou agricole tandis qu’un animal peut être destiné au travail, à la boucherie ou à la reproduction. En la matière, un cheval vendu pour les besoins de reproduction d’un haras requiert effectivement des qualités de fertilité qui ne sont pas celles attendues d’un cheval vendu pour le travail. Il appartient donc ici de se reporter à l’objet du contrat de vente.

Sur la base de ces éléments, le défaut sanctionné n’en reste pas moins objectif. La vente n’est en effet pas viciée si le défaut invoqué est consécutif à la simple attente déçue de l’acheteur. Il y faut donc un substrat matériel. Par ailleurs, lorsque l’acheteur intente une action en garantie contre le vendeur, celle-ci peut être soit rédhibitoire lorsque l’objet est la résolution de la vente avec restitution du prix soit estimatoire en vue de l’obtention d’une simple diminution du prix avec conservation du bien. En cas de résolution pour vice ou de défaut de conformité, la vente disparaît enfin rétroactivement et donne lieu à restitution du bien. Dans ce cas, l’acheteur ne doit rien au vendeur pour l’usage ou l’usure du bien tout en conservant à sa charge les frais d’entretien et de conservation.

Cette action estimatoire n’interdit enfin pas l’acheteur d’obtenir en sus des dommages-intérêts au titre de l’article 1645 du Code civil lorsque le vendeur est professionnel et de mauvaise foi. En la matière, il convient toutefois de distinguer le mécanisme de la garantie en question de l’action en dommages-intérêts. Dans le premier cas, le dispositif n’est pas celui de la responsabilité et n’implique pas une faute du vendeur. Il n’oblige le vendeur qu’à la restitution du prix et des frais de vente ou de l’excédent en cas de réduction et laisse donc à la charge de l’acheteur les éventuels préjudices subis. Dans le second cas, il y a action en réparation sur le fondement de la faute du vendeur. Celle-ci s’étend à l’ensemble des préjudices et des accidents subis du fait de la défaillance du bien sur le fondement du lien de causalité. La faute tient alors dans la connaissance que le vendeur a du vice au moment de la vente et réside donc dans sa mauvaise foi au moment de la vente.

2) Le cas particulier des biens EPERS

Créé par une loi du 29 mai 1978, le bien EPERS constitue une catégorie juridique spécifique au titre du régime de responsabilité pour vice et de la garantie qui lui est associé à compter de la découverte du vice en question. Il s’agit en effet d’un bien meuble auquel la loi attribue le régime de responsabilité décennale des biens immeubles. Il déroge ainsi au droit de la responsabilité biennale des biens meubles et services de l’article L. 137-2 du Code de la consommation. Il en est ainsi parce que le bien EPERS est, bien qu’étant un bien meuble par nature, assimilé par destination à l’immeuble dans lequel il est destiné à s’insérer.

Pour ce faire, cette catégorie spécifique fait l’objet d’un article 1792-4 du Code civil qui dispose que « le fabriquant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable » de celle du maître d’œuvre de l’immeuble dans lequel il s’insère. Il en est ainsi dès lors que le bien meuble en question est bien différencié et que son utilisation est « sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant ». Il en résulte que la responsabilité décennale du fabricant d’EPERS peut, tout comme celle du maître d’œuvre, être engagée par le maître d’ouvrage à compter de la réception des travaux.

Enfin, le destin du bien EPERS fut un temps rendu incertain par l’absence de définition précise du périmètre de la catégorie que ne pouvait venir compenser la liste des produits ad hoc par ailleurs répertoriés par les assureurs. Il revint donc à la jurisprudence de clarifier la notion afin de déterminer les cas où, parce qu’il s’agit d’un bien EPERS, la responsabilité décennale s’applique des cas où c’est la responsabilité biennale qui s’impose. La jurisprudence le fit à travers un certain nombre d’arrêts. La question y fut notamment de savoir si les panneaux d’isolation incorporables aux ouvrages relevaient ou non du statut des EPERS.

Il résulte aujourd’hui de ces décisions que le critère jurisprudentiel permettant de distinguer le bien EPERS et le bien meuble non-EPERS se rapporte l’existence ou non d’une modification substantielle de l’objet apportée au moment de son insertion dans l’ouvrage. L’arrêt de la Cour cassation du 22 septembre 2004 établit en effet une distinction entre la « modification » substantielle du bien réalisée par la découpe du « simple ajustement » du bien au moment de son insertion. Dans le premier cas, le régime qui s’applique est celui de la responsabilité biennale.

Dans le cas du simple ajustement, il est considéré par la jurisprudence que la pose du bien sans modification de structure tient à ses caractéristiques techniques initiales par rapport à l’ouvrage à laquelle est associé un régime de responsabilité décennale. Un arrêt ultérieur du 19 décembre 2007 précisa enfin que, pour rentrer dans la catégorie des EPERS couvert par la responsabilité décennale, le bien en question doit avoir été conçu et produit en vue d’être intégré à l’ouvrage selon des spécifications précises déterminées à l’avance par le producteur. C’est en général ce dernier critère qui est aujourd’hui retenu.

3) L’action en garantie contre les vices cachés en cas de ventes successives d’un même bien

En cas de ventes successives d’un même bien, l’action en garantie de l’acheteur peut être soit récursoire soit directe. Elle est récursoire lorsque l’acheteur final intente une action contre son vendeur immédiat. Dans ce cas, le vendeur intermédiaire peut mettre en cause son propre vendeur amont et chercher à bénéficier de la procédure de l’unité de jugement.

L’action récursoire du vendeur intermédiaire lui permet alors d’être couvert en cas d’action en dommages-intérêts engagée par l’acheteur final. Pour cela, il est toutefois nécessaire que le vendeur intermédiaire n’ait pas connaissance du vice au moment de la dernière vente.

A l’inverse, l’action en garantie engagée par l’acheteur est dite action directe lorsqu’elle est engagée non contre le vendeur intermédiaire mais directement contre le vendeur originaire qui est alors souvent le fabricant du bien en question. En pratique, il en est notamment ainsi lorsque le vendeur intermédiaire a disparu ou n’est pas solvable.

Pour ce qui la concerne, l’action directe en garantie engagée est de nature contractuelle et ne relève donc pas de l’article 1382 du Code civil. A partir de là, sa mise en œuvre dépend de l’identité contractuelle des actes successifs de vente. Plus précisément, elle dépend de l’existence d’une même obligation de garantie dans les différents contrats qui se succèdent concernant le même bien lorsqu’elle existe. Cette obligation de garantie en cascade est alors un accessoire juridique de la vente non-détachable du bien vendu.

Il peut enfin arriver qu’entre vendeurs professionnels, le droit à la garantie accessoire du bien vendu disparaisse. Il en est ainsi en cas de clause de non-garantie ou parce que, tout simplement, le vice de la chose est présumé apparent lorsque le contrat de vente lie deux professionnels. Dans ce cas, le vendeur intermédiaire ne dispose pas du droit de garantie et ne peut donc le transmettre à l’acheteur final. En conséquence, le champ des possibles se réduit ici à la seule action récursoire de l’acheteur final à l’encontre du vendeur intermédiaire.

4) La preuve du vice caché

La preuve du vice caché est libre puisqu’il s’agit d’un fait. Pour consolider la marge d’appréciation du juge du fond qui en résulte, une partie de la jurisprudence a par ailleurs aujourd’hui tendance à vouloir contourner l’article 1648 du Code civil applicable aux vices cachés. Elle le fait au moyen d’une substitution de la catégorie du défaut de conformité à celle de vice caché. Il en résulte que, du point de vue du vendeur, ce n’est plus le dépassement par l’acheteur du délai de prescription de l’article 1648 du Code civil qu’il convient d’établir mais bien la négligence de l’acheteur au moment de la réception du bien.

Ceci étant, en cas de litige, le régime de la preuve opère une distinction entre celle qui est à la charge de l’acheteur et celle qui est à la charge du vendeur. Pèse alors sur l’acheteur la charge de prouver l’existence du vice au moment de la vente. Dans le second cas, pèse sur le vendeur la charge de la preuve des causes de fin de non-recevoir qu’il oppose à l’acheteur. Il s’agit alors principalement de la preuve que le délai légal de l’action de l’acheteur a expiré au moment de la réclamation. Ce qui renvoie à la question de la détermination de la la preuve de la date à laquelle l’acheteur a effectivement découvert le vice.

Au titre du Code de la consommation toutefois, lorsque l’acheteur est un non-professionnel, pèse simplement sur lui la charge de la preuve que le vice n’était pas apparent au moment de la vente. Lorsque l’acheteur est un professionnel, cette preuve n’est par contre pas nécessaire dans la mesure où pèse sur lui une présomption de connaissance du vice caché.

En matière de dommages-intérêts enfin, la charge de la preuve de la mauvaise foi du vendeur relève de deux régimes bien distincts. Lorsque le vendeur est un professionnel, pèse en effet sur lui une obligation d’information de l’acheteur profane. Lorsque, par contre, le vendeur n’est pas un professionnel, c’est à l’acheteur d’apporter la preuve de sa mauvaise foi et donc de sa connaissance du vice au moment de la vente.

5) Délais de forclusion et dates à prendre en considération

L’action en garantie pour vice d’un bien meuble vendu s’insère enfin dans des délais pour agir. D’une manière générale, l’ordonnance du 17 février 2005 fixe ce délai à 2 ans pour les biens meubles. Y échappent simplement les biens meubles de la catégorie des EPERS qui sont soumis au régime de la responsabilité décennale à compter de la date de la vente du bien. On rappellera à cet égard que ce délai a été re-plafonné à cinq ans en 2008 en même temps que le délai de la garantie trentenaire de l’article 2232 du code civil était ramené à vingt ans.

A l’autre bout du spectre, certaines dispositions spéciales permettent également de réduire ce délai de garantie de deux ans. L’article 8 de la loi du 3 janvier 1967 réduit en effet à un an le délai de forclusion de l’action en vice caché s’agissant de la vente d’un navire. De leur côté, les articles L. 213-2 et suivant du Code rural réduisent à quelques jours seulement le délai de forclusion de l’action en vice caché concernant les animaux susceptibles d’être atteints de maladies. La raison pratique en est que, plus le temps passe, plus il est effectivement difficile, notamment dans certains domaines, de déterminer si le vice est antérieur ou postérieur à la vente. C’est notamment le cas concernant la maladie de l’animal vendu ainsi qu’en matière de biens de consommation périssables.

Sur la base de l’ensemble de ces éléments, l’article 1648 du Code civil applicable précise par ailleurs que le point de départ du délai de garantie n’est pas la date de la vente du bien mais celle du moment de la découverte du vice. En pratique, celle-ci est souvent, pour des raisons évidentes, la date de l’expertise lorsqu’elle a lieu. Dans trois cas de figure, cette date du point de départ du délai de garantie se trouve toutefois différée.

Ainsi en est-il tout d’abord lorsque le vendeur n’a pas encore réclamé le prix de vente et que l’acheteur peut donc repousser d’autant le moment de soulever le vice caché. En sus, un arrêt du 16 juillet 1987 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a considéré que le délai pouvait également être différé lorsque des pourparlers ont été engagés entre le vendeur et l’acheteur laissant espérer un possible règlement amiable. Enfin, une jurisprudence commerciale du 20 mars 1984 a considéré que ce même délai de forclusion ne courait qu’à la date de l’action récursoire de l’acheteur poursuivi par un sous-acquéreur.

Sur cette base, le point d’interruption du délai est la date du déclenchement de l’action en justice. La jurisprudence civile du 22 mai 1991 y a ajouté la date de la demande d’aide juridictionnelle et la jurisprudence civile du 5 novembre 1997 la date de la demande en référé de la nomination d’un expert.

François Campagnola
Juriste d’entreprise

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

596 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs