Ventes d’animaux de compagnie et garantie de conformité : le vétérinaire au cœur du conflit acheteur-vendeur.

Par Blanche de Granvilliers-Lipskind, Avocat.

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Explorer : # garantie de conformité # responsabilité vétérinaire # litiges acheteur-vendeur # vente d'animaux de compagnie

Dans une précédente chronique « La garantie de conformité c’est aussi pour les chiens » (Dépêche vétérinaire n° 1366 et Village de la justice), nous avons rappelé la teneur de l’ordonnance publiée le 8 octobre 2015 sur le commerce des animaux de compagnie qui abaisse le seuil d’élevage au premier chat et chien vendu et oblige l’immatriculation de tous les élevages : dès le premier chat ou chien vendu, l’éleveur est considéré désormais comme un vendeur professionnel soumis à la garantie de conformité s’il vend à un particulier.

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Lorsque la vente a lieu entre deux professionnels ou entre deux particuliers, ou encore lorsque le vendeur n’est pas professionnel, seule la garantie des vices rédhibitoires du Code rural s’applique. Or les articles du Code rural (L 213-1 et suivants et R 213-1 et suivants) ne visent que certains défauts et obligent l’acheteur à agir dans des délais très court (entre 10 et 30 jours à compter de la livraison).
Le docteur vétérinaire Yves Legeay (Les garanties liées à la vente d’un animal thèse de Doctorat Université de Nantes juillet 2014) relevait que pour l’espèce canine, les ventes entre particuliers représentaient encore 60 % de l’ensemble des cessions.
Si l’ordonnance a pour objectif louable de réduire ce chiffre en contrôlant davantage les cessions, l’accroissement des litiges vendeur professionnel-acheteur consommateur peut également affecter le sort du vétérinaire.
Le praticien qui rédige le certificat vétérinaire peut craindre d’être mis en cause dans ces conflits acheteur-vendeur et ce, par le vendeur son cocontractant, ou par l’acheteur lui-même.

Le certificat d’état de santé apparent peut engager la responsabilité du vétérinaire

Le vétérinaire tenu de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale vétérinaire (Cass. Civ. 1ère Civ. 28 février 1989 Juridisque Lamy Cour Cass. Vol I n°321) n’est soumis qu’à une obligation de moyens qui oblige à démontrer un manquement de sa part pour engager sa responsabilité (CA Paris 9 juillet 1982 Jurisdata n°024757).
Ce postulat est de nature à rassurer le praticien, à l’inverse du vendeur qui est tenu à garantie même s’il ne connaissait pas le défaut et qui est présumé le connaître dès lors qu’il est professionnel. La garantie de conformité rappelle ce principe en précisant que l’acheteur doit être remboursé de ses frais et qu’il peut réclamer des dommages et intérêts article L 217 -11).

Rappelons que depuis le 25 novembre 2008, dans le but de réduire les conflits acheteur-vendeur, le certificat vétérinaire avant cession est devenu obligatoire pour toute cession gratuite ou onéreuse de chien ou de chat.
Le décret du 7 juin 2016 a opportunément modifié l’article D214-32-2 du Code rural pour préciser que le certificat vétérinaire est un examen de l’état de santé apparent du chien ou du chat. Même si cela paraissait évident, le vétérinaire n’étant tenu que d’un examen clinique, cette rédaction permettra au vétérinaire de rappeler que « ce dépistage qui s’effectue sur des seules bases cliniques a ses limites  » (Thèse de doctorat précitée du Dr Yves Legeay p. 183).
En effet, ce certificat vétérinaire se distingue de l’expertise de transaction (appelée communément visite d’achat) sollicitée le plus souvent par l’acheteur d’un cheval avant la finalisation de son achat conclu sous la condition suspensive d’une visite satisfaisante.

Toutefois, ce certificat vétérinaire, qui sera complété lorsque le vendeur sera professionnel par l’attestation de cession et le document d’information (L–214–8 du Code rural) va conditionner la décision de l’acheteur, qui se référera au document avant d’acheter l’animal.

Si pour le vétérinaire ce certificat rédigé pour le vendeur d’un animal de compagnie n’a en principe pas pour but de retirer un chiot ou un chat de la vente, l’acheteur en a-t-il véritablement conscience ?

Le vétérinaire doit (et aura intérêt) à mentionner ses doutes par écrit comme le rappelle opportunément le Docteur Yves Legeay (Thèse précitée p. 183). A défaut de réserve signalée par le vétérinaire, ce dernier pourra être tenu de se justifier.
Rappelons que pour les chevaux, selon les derniers chiffres de l’Association vétérinaire équine française, l’expertise de transaction figure désormais en tête des hypothèses de mises en cause des vétérinaires.
Si le chien ou le chat est atteint d’un défaut, il pourra être plaidé par l’une ou l’autre des parties à la vente que certaines de ces manifestations sont apparues préalablement à la transaction et qu’elles n’ont pourtant pas été signalées par le vétérinaire du vendeur.

L’analyse déterminante du vétérinaire qui constatera les défauts

Le défaut dont l’animal sera atteint ne pourra être valablement constaté que par un autre vétérinaire. Le Code rural rappelle (L 243-1 et suivants) que seul un vétérinaire peut rédiger des consultations en matière vétérinaire, ce qui leur réserve l’appréciation du comportement de leur pair.
Là encore, comme le relève le Dr Yves Legeay (Thèse précitée p. 512), la prudence sera de mise pour ce vétérinaire car « l’acheteur n’attend que cela d’être conforté dans son idée que le premier praticien qui a rédigé le certificat a été négligent ».
Rappelons que si en principe une erreur de diagnostic n’est pas forcément fautive, le vétérinaire doit être particulièrement diligent lorsqu’il sait que son avis conditionne une vente. En l’espèce le vétérinaire n’a aucun contact avec l’acheteur. Comment imposer au vétérinaire de respecter une obligation d’information à l’égard d’un acheteur inconnu par hypothèse ?

Toutefois, l’acheteur profane voudra comprendre comment le défaut a pu rester inaperçu aux yeux du vétérinaire. Le vétérinaire qui intervient postérieurement pourra notamment expliquer à l’acheteur pourquoi les symptômes de l’affection (par exemple la cardiopathie congénitale) n’ont pas été détectés alors que celle-ci sera aisément diagnostiquée quelques jours ou semaines après la vente (Thèse Dr Yves Legeay précitée p.467).
S’il a un doute sur la possible négligence du vétérinaire, l’acheteur sera tenté de le mettre en cause.

Qui a intérêt à la mise en cause du vétérinaire ?

Le vendeur professionnel étant tenu à garantir tant le prix de vente que l’ensemble des dommages et intérêts sans même qu’il soit nécessaire de prouver une faute de sa part, pourquoi le vétérinaire serait-il inquiété ?

Au préalable, la donnée statistique n’est pas anodine. Plus il y a de contentieux sur les ventes et plus le risque d’être mis en cause s’accroît.
L’éleveur (vendeur) qui est le cocontractant direct du vétérinaire y verra un avantage certain. Nous avons vu dans nos commentaires précédents que la particularité des litiges portant sur les animaux de compagnie provient de la volonté légitime de l’acheteur qui souhaite conserver le chien ou le chat vendu, tout en obtenant une réduction (voire une annulation du prix) et des dommages et intérêts.

Or ces derniers, qui recouvrent notamment les frais vétérinaires, le préjudice moral ou d’agrément, seront le plus souvent largement supérieurs au prix de l’animal. Il suffit de rappeler quelques chiffres pour s’en convaincre : ainsi la cour d’appel de Lyon (CA Lyon 10 décembre 2009 n° 09/01765) a alloué 1.500 euros en remboursement du prix de vente du chien et 3.792,85 euros en réparation du préjudice matériel. De même la cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes 7 mai 2012 n°11/03164) octroie 750 euros en remboursement du prix de vente du chien et 2 562,20 euros au titre du préjudice matériel et moral de l’acheteur.

Or la responsabilité du vétérinaire si elle est retenue permettra au vendeur de solliciter que les dommages intérêts soient également mis à la charge du vétérinaire fautif. Il plaidera que si le défaut avait été diagnostiqué avant la vente par le vétérinaire, l’animal n’aurait certes pas été vendu au consommateur, ou à moindre prix mais il n’aurait pas été tenu de verser des dommages et intérêts à l’acheteur.

Cette action du vendeur contre le vétérinaire est admise par les tribunaux à l’occasion d’une vente d’équidés, action confirmée par la Cour de cassation (cf. notamment Cass. Civ. 17 octobre 2012 n° de pourvoi Z 11-10.577 ; CA Dijon 5 juillet 2012 n°11/00955 qui ne condamne que le vétérinaire au paiement des dommages et intérêts au profit de l’acheteur). Ces actions contre le vétérinaire seront également admise en présence d’une vente d’un animal de compagnie.

Côté acheteur, l’intérêt est tout aussi évident. C’est au préalable un deuxième débiteur qui lui devra réparation, et surtout c’est un débiteur solvable via l’assurance responsabilité civile du vétérinaire, tandis que le vendeur, très rarement assuré, peut avoir disparu, cessé son activité ou être insolvable.
On pourra en outre reprocher à l’acheteur de ne pas avoir mis en cause par principe le vétérinaire car si le défaut était antérieur à la vente, pourquoi ce dernier ne l’a-t-il pas diagnostiqué ?

Sans noircir le tableau, le vétérinaire doit se préparer à ces possibles mises en cause, d’autant que le consommateur dispose désormais fréquemment d’une assurance protection juridique assurant le paiement des honoraires d’un avocat qui mènera la procédure à son terme.
Pour le praticien il existe indiscutablement des moyens de se prémunir d’un éventuel litige. L’insertion d’une clause pré imprimée sur le certificat vétérinaire rappelant ce qu’il est, et surtout ce qu’il n’est pas, de même que de prévoir la possibilité pour l’acheteur s’il a un doute de contacter le vétérinaire l’ayant rédigé, pourraient faire partie des solutions à méditer par le vétérinaire s’il souhaite éviter un contentieux.

Blanche de Granvilliers-Lipskind
Avocat à la Cour, Docteur en droit,
Membre de l’Institut du Droit Equin

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