Sur le contexte et les objectifs de la Loi.
L’objectif principal de la loi en question était le renforcement des moyens de lutte contre la
criminalité organisée et le blanchiment d’argent en permettant de rendre plus efficaces les dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Ces mesures permettaient, entre autres, à réduire le bénéfice économique des activités criminelles en facilitant la confiscation des biens acquis illégalement.
Ce texte législatif est dans la continuité d’une stratégie plus large de lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment d’argent. En permettant plus facilement un accès à la saisie des biens acquis de manière illégale, la loi cherche à priver les criminels des bénéfices économiques de leurs activités illicites, permettant ainsi de contribuer à la sécurité publique et à la moralité économique.
Points de contention.
Les parlementaires ont saisi le Conseil constitutionnel en mettant en exergue plusieurs points qu’ils considéraient contraires à la Constitution. Notamment concernant l’expulsion des occupants, l’article 16 de cette loi permet une expulsion automatique des occupants des biens confisqués, comprenant ceux n’ayant pas de lien avec l’infraction.
Les requérants ont fait valoir cette disposition en arguant qu’elle portait atteinte à de nombreux droits constitutionnels tels que :
- 1. Le respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile (Article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789).
- 2. Le droit à un recours juridictionnel effectif (Article 16 de la Déclaration de 1789).
- 3. Les droits de la défense.
Analyse du Conseil constitutionnel.
La décision du Conseil constitutionnel a été rendue le 20 juin 2024. Les juges ont rendu une décision de conformité partielle avec la censure de certaines dispositions tout en formulant des réserves d’interprétation pour d’autres.
1°) Les dispositions de l’article 16 qui concernaient l’expulsion des occupants pouvaient s’appliquer à ceux qui n’ont pas de titre d’occupation légitime et qui tiennent leur droit de la personne condamnée.
Sur l’expulsion des occupants, le Conseil valide les dispositions qui permettent l’expulsion des occupants sans titre légitime qui occuperaient le bien au titre de leur lien avec la personne condamnée. Cependant, il est précisé que ces occupants ont la possibilité de saisir le juge de l’exécution pour faire valoir leur situation personnelle et familiale. De ce fait, le juge pourra accorder des délais supplémentaires avant l’expulsion au regard de la situation de chaque occupant.
2°) Les occupants ont la possibilité de saisir le juge de l’exécution dans le but de faire valoir leur situation personnelle et familiale. De plus, des délais d’expulsion peuvent tout de même être accordés sous certaines conditions.
3°) De plus, le Conseil censure la disposition selon laquelle les conventions d’occupation conclues de bonne foi à la suite de la saisie ne seraient pas opposables, au motif que cela pouvait entraîner des expulsions injustifiées. En censurant cette disposition, les juges ont visé la protection des droits des occupants de bonne foi ainsi que la prévention des expulsions arbitraires.
Sur la convention d’occupation de bonne foi, les juges vont censurer les dispositions interdisant aux occupants de bonne foi de faire valoir les conventions d’occupation conclues à la suite de la saisie. Le Conseil juge d’ailleurs que cette interdiction peut entraîner des expulsions injustifiées, portant ainsi une atteinte disproportionnée aux droits des occupants de bonne foi.
Cette censure va permettre une protection des tiers de bonne foi et empêche des situations d’injustice découlant d’une application rigide et aveugle de la loi.
Les juges du Conseil constitutionnel ont reconnu que ces dispositions visaient à renforcer l’efficacité des sanctions de confiscation pour la sauvegarde de l’ordre public. Néanmoins, ils ont tout de même souligné que l’expulsion ne pouvait concerner uniquement les personnes n’ayant pas de titre d’occupation légitime et tenant leur droit d’occupation exclusivement de la personne condamnée.
Cependant, le Conseil a tout de même censuré la disposition selon laquelle les conventions d’occupation de bonne foi conclues après la saisie ne pourraient être opposées, ce qui entraînerait à des expulsions injustifiées. Il a donc décidé de ne censurer que partiellement pour garantir un équilibre entre l’objectif de lutte contre la criminalité et la protection des droits fondamentaux des individus concernés.
Conclusion.
À travers cette décision, le Conseil constitutionnel met en avant l’équilibre délicat qui se pose entre l’efficacité des mesures de lutte contre la criminalité et la protection des droits fondamentaux des individus.
La validation partielle de la loi, malgré les réserves des juges, souligne l’importance de garantir que les mesures de confiscation ne portent pas atteinte de manière disproportionnée aux droits des occupants des biens saisis.
Cette décision illustre une conciliation souvent délicate entre les exigences de l’ordre public avec la protection des droits constitutionnels. Les juges du Conseil constitutionnel restent vigilants quant à l’application des principes de proportionnalité et de protection des droits individuels dans le cadre des mesures de lutte contre la criminalité.
De plus, cette décision rappelle l’importance du fait que toute atteinte à ces droits doit être strictement nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis.
De fait, la décision du Conseil constitutionnel permet le maintien de l’efficacité des dispositifs de confiscation tout en permettant une protection des droits constitutionnels des personnes occupant les biens confisqués.
Enfin, la décision du 20 juin 2024 s’inscrit dans une jurisprudence constante du Conseil, permettant de garantir le fait que les mesures de police administrative et judiciaire respectent les principes de proportionnalité et d’égalité, tout en sauvegardant l’ordre public.
La décision complète est disponible sur le site du Conseil constitutionnel : https://www.conseil-constitutionnel....