Communication judiciaire : une circulaire précise les contours des objectifs applicables en matière pénale. Par Rayan Hien, Etudiant.

Communication judiciaire : une circulaire précise les contours des objectifs applicables en matière pénale.

Par Rayan Hien, Etudiant.

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Explorer : # communication judiciaire # présomption d'innocence # enquête pénale # stratégie médiatique

La circulaire du 19 janvier 2023, relative à la présentation et à la mise en œuvre des nouvelles dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale, marque un véritable tournant propice à l’installation pérenne des pratiques de communication judiciaire en matière pénale.

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Dans sa version initialement codifiée, issue de la loi du 31 décembre 1957 instituant un Code de procédure pénale [1], l’article 11 du Code de procédure pénale ne prévoyait nullement la possibilité pour toutes les parties concourant à une procédure de communiquer sur celle-ci au stade de l’enquête ou de l’instruction.

Il aura fallu attendre 2001, et la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes [2], pour que l’ordre interne français ouvre la voie aux prémices de la communication judiciaire, en autorisant le procureur de la République à rendre publics « des éléments objectifs [...] ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause » de cette même procédure. Ces communications étant autorisées uniquement aux fins « d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ».

Dans un contexte marqué par l’accroissement de la défiance, la loi ordinaire du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a entrepris d’élargir les possibilités d’informer le public sur les enquêtes en cours en matière pénale.

Désormais, le procureur de la République dispose également du droit de communiquer sur la procédure en cours dès lors que « tout autre impératif d’intérêt public le justifie ». De plus, la communication de ces informations peut désormais être faite par l’intermédiaire d’ un officier de police judiciaire placé sous son autorité et son contrôle. Cette formule obscure n’a pas manqué de susciter les interrogations [3] dans un système juridique craignant historiquement que l’opinion publique ne chasse le juge des prétoires.

La circulaire du 19 janvier 2023, relative à la présentation et à la mise en œuvre des nouvelles dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale, est finalement venue préciser les contours de cette nouvelle version de l’alinéa 3 de l’article 11 du Code de procédure pénale et a ainsi détaillé les nouveaux objectifs applicables en matière de communication judiciaire dans les affaires pénales. De nouveaux objectifs qui consacrent le rôle éminemment stratégique de la communication judiciaire et qui soulignent l’intérêt du recours à de telles pratiques pour le bon fonctionnement de notre système judiciaire.

Une communication étendue relevant en priorité du procureur.

D’emblée, la circulaire rappelle que la communication judiciaire doit relever en priorité du procureur de la République. La pertinence de son intervention est appréciée notamment à l’aune de la gravité des faits, de leur complexité, de la personnalité de l’auteur ou de la victime, de l’émotion ou de l’émoi suscités par l’affaire, de l’intérêt des médias nationaux et internationaux pour l’affaire ou encore à raison de la potentielle mise en cause de l’action de l’État dans le cadre de cette affaire.

L’autorisation de communication délivrée aux services d’enquête peut ainsi être envisagée par le procureur de la République dans le cas où la pression médiatique imposerait de répondre dans l’urgence ou en flux tendu. La circulaire distingue en ce sens deux sortes d’affaires appelant des stratégies de communication différenciées : les affaires à faible et celles à forte intensité médiatique.

Dans le cadre des affaires à faible intensité médiatique, qui concernent principalement les infractions et certains délits, l’autorisation de communication octroyée au service d’enquête peut avoir un caractère ponctuel ou permanent.

Toutefois, cette autorisation ne dispense pas les services d’enquête d’informer le parquet de manière préalable, concomitante et postérieure.

Pour ce qui est des affaires à forte intensité médiatique, la circulaire évoque notamment « des affaires susceptibles de donner lieu à une ouverture d’information judiciaire ou à un suivi spécifique dans le cadre d’un bureau des enquêtes ». Dans ce cas, la communication relève exclusivement du procureur de la République. Il revient ainsi à ce dernier d’apprécier l’opportunité du choix des informations à divulguer et de la temporalité de leur communication. Il apprécie également l’opportunité de la présence du chef du service d’enquête à l’occasion d’une conférence de presse.

La protection des grands principes du procès pénal au travers d’un contrôle strict de la communication judiciaire.

Si les objectifs ont effectivement été étendus en matière de communication sur les procédures, la circulaire rappelle que seuls des « éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause » sont susceptibles d’être rendus publics. Cette constance découle du nécessaire respect du droit de ne pas être présenté publiquement comme coupable, découlant lui-même directement du principe fondamental de la présomption d’innocence. De la même manière, il est fondamental de prêter une grande attention aux éléments communiqués afin de s’assurer qu’ils ne puissent porter atteinte au secret de l’enquête.

L’enjeu est tel que, dans le cas d’une atteinte publique à la présomption d’innocence avérée, la loi ordinaire pour la confiance dans l’institution judiciaire a prévu la possibilité d’ouvrir la procédure au contradictoire. Une telle atteinte peut, par exemple, résulter de la révélation de l’identité des mis en causes [4].

Par ce que la prise de parole médiatique n’est aujourd’hui toujours pas un exercice naturel pour les professionnels du droit [5], bien que les magistrats du parquet se soient professionnalisés avec le temps, il apparait fondamental d’accompagner les professionnels dans cette voie et ce, a fortiori par ce qu’ils représentent et engagent l’institution judiciaire. La technicité de cette nouvelle circulaire appellera une attention particulière de l’ensemble des professionnels susceptibles d’intervenir au cours d’une affaire pénale pouvant faire l’objet de communications au public.

Plusieurs enjeux semblent se dessiner et parmi eux, celui de former dès aujourd’hui de futurs juristes en capacité de conjuguer la technique juridique avec l’expertise en matière de communication et de gestion de crise. Celle-ci se révèlera d’autant plus précieuse qu’il leur reviendra de mettre sur pieds des stratégies de communication poursuivant une double exigence : parvenir à véhiculer de manière audible un message clair, notamment au travers d’une préparation pertinente du porte-parole, et dans le respect des grands principes directeurs du procès pénal.

Cette circulaire met aujourd’hui en lumière, avec justesse, l’intérêt qu’offre le recours à la communication judiciaire autrefois rejetée. Désormais considérée comme un véritable outil stratégique pouvant être mis au service du bon fonctionnement de notre système judiciaire, la communication judiciaire tend à devenir une compétence dont la plupart des institutions et entreprises ne pourront certainement pas continuer à se passer.

Rayan Hien, Etudiant à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et diplômé en droit et affaires publiques. Membre du Conseil d’administration de la Clinique juridique de la Sorbonne, en apprentissage au sein des services de la Première ministre.

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Notes de l'article:

[1Loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 instituant un Code de procédure pénale.

[2Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

[3E. Daoud et a., « Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : dispositions relatives aux grands principes de procédure pénale », Dalloz Actualité, 2 février 2022. https://www.dalloz-actualite.fr/flash/loi-pour-confi

[4Code de procédure pénale, article 77-2 II 3°2.

[5J. Pradel et C. Amunzateguy, La communication judiciaire des affaires criminelles, Une pratique conforme à la loi, mais source de bien des difficultés, Recueil Dalloz, 2019, p.1945.

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Discussion en cours :

  • par Edouard , Le 26 avril 2024 à 22:05

    Bonjour, ce commentaire s’adresse en priorité à la rédaction de cet article, mais aussi aux lecteurs.

    Dans le 3ème paragraphe de la partie « Communication étendue relevant en priorité du procureur », il est question de la communication des affaires à faible intensité médiatique.
    Il est dit que ce dispositif concerne "les infractions et certains délits". Or tous les délit sont des infractions, tout comme les contraventions et les crime. J’en viens aux conclusions que soit cette phrase est victime d’une cruelle imprécision soit d’une erreur.
    De plus ce qui me laisse penser cela est le fait que les affaires à faible intensité médiatique concerne comme le voudrait la logique les affaires les moins graves, donc les infractions contraventionnelles en priorité puis certains délit (sans doute les moins grave). Par réciprocité les affaires médiatique à forte intensité concerne d’abord les crimes et les autres délits, car leur gravité est naturellement plus importante.
    Je pense alors qu’il aurait du être écrit "contravention" à la place d’"infraction"

    A votre service,
    Edouard, apprenti juriste

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