L’histoire explique l’existence d’un droit local. Près de 3 millions d’habitants sont concernés.
En effet, à la suite de la guerre perdue en 1870, la France céda à l’Allemagne l’Alsace, une partie des départements de Moselle, de Meurthe et des Vosges.
Jusqu’en 1918, l’Allemagne y a introduit sa législation en maintenant, cependant, certaines règles anciennes du droit français.
Ce dernier, après la première guerre mondiale, s’est appliqué sur ce territoire mais de nombreuses dispositions de droit local sont restées en vigueur et certaines n’ont jamais été traduites en français.
Attention ! Dorénavant, le Conseil constitutionnel considère que l’absence de version officielle en français d’une disposition pourrait la rendre anticonstitutionnelle et donc entraîner son abrogation [2].
Or, le gouvernement constate que « la plupart des textes adoptés par l’administration du Reich allemand entre 1871 et 1918 et encore appliqués en Alsace et en Moselle ne sont pas officiellement traduits en français ». Et de conclure : « Afin d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité de l’ensemble du corpus juridique allemand applicable en Alsace et en Moselle, un recensement complet de ces textes est en cours ; il devrait être suivi de leur publication documentaire » [3].
Ainsi, un décret [4]. de mai 2013 publie la traduction de 45 textes locaux puis en août de la même année un autre décret fait de même pour 34 autres règlements locaux [5].
« La France vient à vous, Strasbourgeois, comme une mère vers un enfant chéri, perdu et retrouvé. Non seulement, elle respectera vos coutumes, vos traditions locales, vos croyances religieuses, vos intérêts économiques, mais elle pansera vos blessures… » Général Giraud, 1918.
Quelques exemples de règles différentes de celles de la « France de l’intérieur ».
Le régime des cultes.
Il faut souligner que – sauf exceptions - la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Églises et de l’État, dont l’article 2 dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » n’a pas été introduite dans ces départements alors rattachés à l’Allemagne. Ces derniers restent donc soumis à la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) comprenant le Concordat de 1801.
L’État désigne ainsi les évêques de Metz et Strasbourg et rétribue les prêtres ; ce que le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution [6].
Les cultes reconnus sont au nombre de quatre : le culte catholique, les deux cultes protestants (Eglise Réformée d’Alsace-Lorraine et Eglise de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine) et le culte israélite.
Ainsi, l’enseignement religieux est obligatoire dans toutes les écoles des départements du Bas et Haut-Rhin et de Moselle ! En 2018, le Ministère de l’éducation nationale souligne que l’« enseignement confessionnel dans les écoles publiques de ces départements pour ces quatre cultes constitue une véritable obligation pesant sur l’Etat » [7].
Cependant, « les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l’enseignement religieux » [8].
Jours fériés supplémentaires.
En principe, dans les communes d’Alsace et de Moselle où il existe un temple protestant ou une église mixte, le Vendredi Saint est férié.
Cependant, dans le département de la Moselle, le préfet peut « autoriser ou interdire l’ouverture des établissements commerciaux le Vendredi Saint et ceci de manière uniforme dans le département, indépendamment de la présence d’un temple protestant ou d’une église mixte dans les communes » [9].
De plus, la Saint-Étienne (le 26 décembre) est également un jour férié en Alsace et en Moselle.
Ces deux jours fériés supplémentaires avaient été autorisés par une ordonnance impériale du 16 août 1892 rédigée par le ministerium für Elsass-Lothringen (ministère de l’Alsace-Lorraine).
Les associations.
La fameuse loi de 1901, relative aux associations, ne s’applique pas à l’Alsace-Moselle puisqu’à cette époque ce territoire était allemand.
Ce sont donc les dispositions du Code civil local qui définissent les règles du jeu en la matière et laissent apparaître des particularités.
Ainsi, les membres fondateurs signataires des statuts doivent être au minimum sept9 alors que deux personnes peuvent suffire dans les autres départements.
Chose plus surprenante, ces associations peuvent poursuivre un but lucratif.
Naturellement, cette liste n’est pas exhaustive : le droit de la chasse, le livre foncier, le droit communal, l’assurance maladie, l’artisanat, l’apprentissage en sont des illustrations.
Les particularités des départements d’Alsace et de Moselle sont suffisamment importantes pour qu’une maison d’édition juridique vienne de sortir un « Code du droit local alsacien-mosellan » de plus de 1.000 pages.
Reste à savoir si la réforme à venir de la Constitution consacrera ce droit local comme il en a été question…
A noter : Les particularités des départements d’Alsace et de Moselle sont suffisamment importantes pour qu’existe un Institut du droit local alsacien-mosellan :
L’Institut du droit local alsacien-mosellan
8, rue des Ecrivains
67 061 Strasbourg Cedex