Étranger sans-papier : sans solution et sans droit ?

Par Alexandre GIllioen, Avocat.

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Explorer : # régularisation # droits sociaux # travail illégal # vie privée et familiale

Il est inexact de croire que lorsqu’un étranger n’a pas été admis au séjour et a obtenu une obligation de quitter le territoire, il n’a plus aucun recours et son parcours se termine. Il existe toujours une solution même si elle n’est pas forcément immédiate. Le problème vient du fait que les informations données ne sont pas constructives puisque ceux qui les donnent (les sites des préfectures) n’ont pas pour intérêt de voir les étrangers sortir de la précarité administrative.

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Si vous êtes étranger sans-papier, il y a d’abord la possibilité d’obtenir des droits sociaux notamment médicaux. La France (et c’est tout à son honneur) permet à tous de disposer de soins médicaux par le biais de l’aide médicale d’état (AME) ou de la couverture maladie universelle (CMU). Cela ne donne pas un droit au séjour pour l’étranger mais c’est toujours mieux que ne rien avoir.

Ensuite, il existe deux voies qui à terme (cinq ans) mènent à la régularisation et à une carte de séjour. Sans grande surprise, il s’agit soit du travail soit de la vie privée et familiale. Évidemment, un étranger sans-papier qui aurait passé une période de temps plus importante (entre cinq et dix ans par exemple) peut également espérer obtenir une carte de séjour en raison de sa longue présence sur le territoire français. C’est aussi possible si l’étranger sans-papier dispose de toute sa famille en France et serait isolé en cas de retour dans son pays d’origine.

Quand vous êtes étranger sans-papier (sans titre de séjour ou carte de séjour), il faut imaginer que vous avez un parcours qui vous attend. Le droit au séjour ça se gagne. Il est illusoire d’imaginer que rester sans rien faire (et surtout sans être conseiller) peut faire obtenir le titre de séjour si convoité. Les décisions de refus de titre et d‘obligations de quitter le territoire sont très nombreuses mais elles ne sont pas la fin.

La première solution possible est celle du travail. La circulaire Valls (il faut avouer que c’est paradoxal qu’elle porte son nom) du 28 novembre 2012 demande aux préfectures d’accorder un soin particulier et d’ouvrir la possibilité d’une régularisation exceptionnelle pour les étrangers sans-papier qui vivent en France depuis 5 ans et ont travaillé huit mois. La question évidente que pose tous mes clients : comment travailler sans autorisation de travail ? A priori cela semble illogique mais en fait pas tant que ça. Les autorités savent bien que de nombreux étrangers sans-papier travaillent de manière illégale et ce depuis des années. Bien qu’elles leur fassent la chasse à travers les contrôles qu’elles effectuent, il existera toujours des employeurs qui seront prêt à prendre ce risque (pour des raisons louables ou non). C’est également un risque pour l’étranger sans-papier qui est plus exposé à une obligation de quitter le territoire que celui qui se cache. Par contre, même si la circulaire ne le mentionne pas explicitement, si une demande de régularisation est faite sur ce fondement, il n’est pas censé y avoir un contrôle dans la semaine qui suit chez l’employeur.

La seconde solution est celle de la vie privée et familiale. La même circulaire permet aux étrangers en situation irrégulière d’obtenir un titre de séjour s’ils vivent en France depuis 5 ans et qu’ils ont un enfant qui est scolarisé depuis trois ans. C’est une combinaison qui permet de protéger les droits de l’enfant conformément aux jurisprudences du tribunal administratif qui a souvent pu sanctionner des décisions d’obligation de quitter le territoire qui avaient pour conséquence de déscolariser un enfant et de le renvoyer dans un pays dont il ne connaissait pas forcément la langue ni la culture au bout de trois ans. Par contre une demande faite avant les trois ans de scolarité sera rarement reçue favorablement.

Il existe d’autres considérations tels que les violences conjugales ou les motifs exceptionnels comme une situation humanitaire particulière. Mais on touche ici à des dossiers qui relèvent tellement de circonstances personnelles liées au demandeur qu’aucune généralité n’est possible.

Les solutions avancées par la circulaire sont clairement une évolution favorable pour tous les étrangers sans-papier qui veulent s’intégrer en France. Il faut cependant savoir que si elles ouvrent un droit, celui-ci est loin d’être absolu voire opposable devant le tribunal administratif.

Dans un arrêt rendu au début de l’année 2015, et après plusieurs années de débat juridique entre la cour administrative d’appel de Paris (qui voyait dans la circulaire des orientations générales opposables à la préfecture devant le tribunal) et la cour administrative de Lyon, le Conseil d’État a tranché. Il a retenu (sans grande surprise) l’interprétation restrictive de la cour administrative d’appel de Lyon.

Mais comme je l’indiquais au début de l’article, si le débat juridique est tranché, le droit des étrangers est une matière humaine qui peut évoluer vite en fonction de la situation de l’étranger. L’important donc est qu’il existe toujours une solution qui, à terme, fera en sorte que vous puissiez vivre et travailler en France avec votre famille.

Alexandre Gillioen
http://gillioen-avocat.com

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Discussions en cours :

  • par Lecoq Marie , Le 4 décembre 2018 à 09:49

    Bonjour je suis étranger sans papier. Je suis en France depuis 2 ans et j’ai un CDI depuis septembre. Je suis mauricien et parle couramment le français et l’anglais. Est il possible que je fasse une demande à la préfecture ? Merci de votre réponse et votre aide.

  • par Mila , Le 1er décembre 2018 à 15:35

    Je suis de nationalité française et je vis avec un étranger sans papier en concubinage quels sont les droits pour lui

  • par Mapa , Le 3 novembre 2018 à 10:07

    Bonjour maître,

    Je suis un étranger qui est arrivé en france en 2014 irrégulièrement, régularisé pour de raison de santé en 2017 au mois de janvier et refus de renouvellement de titre de séjour au mois de septembre 2018 avec OQTF. A savoir que j’ai commencé à travailler 3 mois après après ma régularisation cad au mois d’avril jusqu’à aujourd’hui pour la mm entreprise pcq j’ai un cdi qui à commencé le 1er septembre et la notification OQTF le 14 septembre ( preuve contrat et bulletin de paie Intérim, CDD et CDI.) J’ai saisi le tribunal administratif par l’aide d’un avocat pour un recours ( référé et contentieux en parallèle ) mais moi pour tous payé je continue à travailler. Pensez vous que le tribunal peut enquêter ou la préfecture ? Je me marie dans 3 semaines avec ma campagne française. Que me conseillez vous s’il vous plait ?

  • par Rey , Le 1er novembre 2018 à 23:19

    Bonjour, je suis étranger sans papiers parce que j’avais fait une demande d’asile qui a été refusée, même le recours. Alors, est ce possible pour moi de faire une formation certifiante ou diplomante en France ? Merci d’avance

  • par larbi , Le 10 octobre 2018 à 15:26

    Bonjour maître,
    Je suis entrée en France avec visa touristique en 2013.
    après, j’ai intégrée le lycée et j’ai eu un bac français avec mention, ensuite je me suis inscrite a l’université et maintenant je suis en L3 Licence LEA et j’ai un stage à passer pour valider ma licence sauf que l’entreprise me demande la carte séjour pour mon dossier de stage. Je voudrai savoir s’il y a une demande de régularisation que j’aurai le droit à faire s’il vous plaît. Sachant que ça fait 5 ans que je suis en France, je précise que je suis de nationalité Algérienne.
    Je vous remercie pour vos retours

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