Fonction publique : la mise en œuvre du congé pour invalidité temporaire imputable au service.

Par Tom Riou, Avocat.

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Explorer : # congé pour invalidité temporaire # fonction publique # conditions d’octroi # contrôle administratif

L’article 21 bis du statut général des fonctionnaires du 13 juillet 1983 dispose, depuis l’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017, que le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service, lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident de service, à un accident de trajet ou à une maladie professionnelle. Cet article renvoyait à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les modalités de la mise en œuvre de ce nouveau congé.

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Deux ans après cette modification du statut général, le décret n°2019-122 du 21 février 2019 est (enfin) venu fixer les conditions d’octroi, de fonctionnement et les effets du congé pour invalidité temporaire imputable au service, dans la fonction publique de l’Etat.

Le décret n°2019-122 du 21 février 2019 est venu déterminer les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’article 21 bis du statut général du 13 juillet 1983, en modifiant le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congé de maladie des fonctionnaires, pour y ajouter un titre VI bis, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service.

Si ces renvois (malheureusement habituels), de textes en textes peuvent sembler ardus à suivre, ils cachent, en réalité, l’institution, au profit des fonctionnaires de l’Etat, d’un nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service.

Le décret vise, également, à permettre à l’administration de contrôler les agents qui bénéficieront de ce congé avec, notamment, des visites médicales de contrôle et des sanctions accrues en cas de non respect des conditions d’octroi de ce congé pour invalidité.

Ainsi, seront ici succinctement étudiées les conditions d’octroi de ce nouveau congé et ses conséquences, pour les fonctionnaires qui en bénéficieront.

Les conditions d’octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire.

Le décret du 21 février 2019 encadre, tout d’abord, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire victime d’une invalidité temporaire causée par ses conditions de travail pourra solliciter le bénéfice de ce nouveau congé. Le texte encadre, également, les conditions dans lesquelles l’administration pourra placer l’agent dans cette position.

A cet égard, le fonctionnaire qui estime pouvoir bénéficier d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service devra adresser une demande formelle à son administration.

Cette demande pourra être adressée par tout moyen, c’est à dire par une remise en mains propres à l’autorité compétente, par courriel, par lettre (de préférence recommandée avec accusé de réception), etc.

Elle prendra la forme d’une déclaration d’accident de service, d’accident de trajet ou de maladie professionnelle, qui sera, nécessairement, accompagnée d’un certificat médical établi par le médecin de l’agent ainsi que des pièces nécessaires à la reconnaissance des droits de l’intéressé.

Ainsi, la déclaration devra comporter :
- un formulaire précisant les circonstances de l’accident ou de la maladie ;
- un certificat médical indiquant la nature des lésions résultant de l’accident ou de la maladie ainsi que, si elle peut être déterminée, la durée probable de l’incapacité de travail en découlant.

Afin d’étayer sa demande, le fonctionnaire pourra assortir sa déclaration de l’ensemble des documents en sa possession susceptibles de prouver l’imputabilité au service de son invalidité temporaire.

La déclaration d’accident devra être adressée à l’administration dans les 15 jours suivant la date de l’accident auquel elle se réfère, ou suivant sa constatation médicale.

En cas de maladie professionnelle, le délai d’envoi de cette demande est porté à 2 ans, à compter de la première constatation de la maladie ou de la date à laquelle le fonctionnaire est informé du lien entre sa maladie et le service.

Le non respect de ces nouveaux délais entraînera le rejet de la demande, de sorte que l’agent devra veiller à respecter scrupuleusement ces règles procédurales. Ce, alors que les demandes de reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle n’étaient, jusqu’à présent, encadrées par aucune condition de délai.

En toutes hypothèses, lorsque l’accident de service, l’accident de trajet ou la maladie professionnelle entraîne une incapacité temporaire de travail, le fonctionnaire devra adresser à son administration le certificat médical y relatif, dans le délai de quarante-huit heures suivant son établissement.

L’administration disposera, alors, d’un délai d’un mois pour se prononcer sur l’imputabilité au service des accidents de service, ou de deux mois pour les maladies professionnelles.

Ce délai pourra être prolongé, pour un nouveau délai de trois mois, dans l’hypothèse où une enquête administrative serait diligentée, ou en cas d’examen par un médecin agréé ou de saisine de la commission de réforme (étant précisé que la saisine de la commission de réforme n’est, selon le texte, obligatoire que s’il est démontré que les circonstances de l’accident sont de nature à le détacher du service ou lorsque la maladie fondant la demande n’est pas inscrite au tableau des maladies professionnelles).

Au terme de cette instruction, l’administration se prononcera sur l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie et, lorsque cette imputabilité sera constatée, l’administration placera le fonctionnaire en position de congé pour invalidité temporaire imputable au service, pour la durée de son arrêt de travail.

Le contrôle des agents placés en congé pour invalidité temporaire.

Le nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service ne comporte pas de limite temporelle.

Un fonctionnaire auquel ce congé aura été attribué pourra, dès lors, en bénéficier, jusqu’à la consolidation de son état de santé, sans limite de temps.

Cependant, le décret du 21 février 2019 prévoit des mesures, afin de permettre à l’administration de contrôler, régulièrement, que les conditions d’octroi de ce congé sont toujours remplies.

Ainsi, le fonctionnaire qui bénéficiera de ce nouveau type de congé pourra, à tout moment, faire l’objet d’une contre-visite médicale initiée par l’administration.

Cette contre-visite médicale vise à permettre à son employeur de s’assurer que l’agent placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service continu de remplir les conditions d’octroi de ce congé et que son état de santé nécessite son maintien en congé maladie.

Pour permettre la réalisation de ces visites médicales, le fonctionnaire sera, quant à lui, tenu d’informer son administration de tout changement de domicile ou de toute absence de plus de deux semaines et, dans ce cas, il devra informer l’administration de ses dates et lieux de séjour.

Si l’agent n’informe pas son administration de son déménagement ou d’une absence supérieure à 15 jours, il s’exposera à ce que le versement de sa rémunération soit interrompu.

Il en ira de même si le fonctionnaire ne se soumet pas, pour une raison ou une autre, à une contre-visite médicale, sa rémunération pouvant, alors, être interrompue jusqu’à ce que cette visite médicale soit effectuée.

Les effets du congé sur la rémunération et la carrière du fonctionnaire.

Le fonctionnaire placé en position de congé pour invalidité temporaire conservera, conformément à l’article 21 bis du statut général, l’intégralité de son traitement, jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite.

Il conservera, également, ses avantages familiaux ainsi que son éventuelle indemnité de résidence.

En outre, l’intéressé aura droit au remboursement de l’ensemble des honoraires médicaux en lien avec son affection et des frais directement entraînés par sa maladie ou par l’accident subi.

De même, la durée du congé étant assimilée à une période de service effectif, le fonctionnaire conservera, comme pour les autres régimes de congés maladies, ses droits à l’avancement et à la retraite.

Néanmoins, si le fonctionnaire conserve ses droits, le texte prévoit que lorsque son congé se prolongera, durant plus d’un an, l’emploi occupé par l’agent temporairement invalide pourra être déclaré vacant, afin de permettre son remplacement, pour assurer la continuité du service public.

La prolongation du congé.

Le congé pour invalidité temporaire imputable au service étant accordé à l’agent pour la durée de son arrêt de travail, le fonctionnaire devra, pour obtenir sa prolongation, adresser un nouveau certificat médical à son administration, en veillant à préciser la durée probable de son incapacité de travail.

Ainsi, de la même manière que s’agissant des congés de maladie ordinaire, l’agent dont la durée d’invalidité sera prolongé devra adresser à son employeur ses arrêts de travail, dès qu’ils seront dressés par son médecin.

Il convient, à cet égard, de noter que si l’administration refuse de prolonger l’arrêt du fonctionnaire dont l’invalidité a été médicalement constatée, cette décision pourra faire l’objet d’un recours, le cas échéant contentieux, devant les juridictions administratives.

Le terme du congé pour invalidité temporaire.

Lorsqu’il sera guéri ou que les lésions résultant de l’accident de service, de l’accident de trajet ou de la maladie professionnelle seront stabilisées, le fonctionnaire devra transmettre à son administration un certificat médical final de guérison ou de consolidation.

L’autorité administrative pourra alors reconnaître le fonctionnaire apte à la reprise de ses fonctions et le réintégrer dans son emploi.

Toutefois si son emploi n’est plus disponible (un autre agent ayant été affecté sur cet emploi en l’absence de l’agent victime d’un accident ou d’une maladie professionnel), le fonctionnaire pourra être réaffecté dans un emploi correspondant à son grade.

S’il s’avère qu’aucun emploi n’est disponible, l’agent pourra, alors, être réintégré en surnombre, de manière à être réintégré, de manière effective, à la première vacance d’emploi correspondant à son grade.

L’éventuelle rechute.

Toute modification dans l’état de santé du fonctionnaire ayant bénéficié d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service qui s’apparente à une rechute et nécessite un traitement médical pourra donner lieu à l’octroi d’un nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service.

Dans ce cas, la rechute devra être médicalement constatée et déclarée dans le délai d’un mois à compter de sa constatation médicale, de manière à permettre à l’administration d’apprécier sa réalité et de se prononcer sur la demande de l’agent.

En conclusion, si le décret du 21 février 2019 fixe, de manière attendue, les conditions d’octroi, de fonctionnement et les effets du congé pour invalidité temporaire imputable au service, au bénéfice des agents victimes d’accidents ou de maladies professionnels, il instaure, également, des nouvelles règles procédurales que les fonctionnaires devront veiller à respecter, ces règles étant sanctionnées par des décisions radicales (irrecevabilité de la demande présentée hors délai, interruption de la rémunération de l’agent qui n’informerait pas l’administration de son absence durant plus de 15 jours, etc.).

Tom Riou,
Avocat au Barreau de Paris
tomriou.avocat chez gmail.com
https://www.tomriou-avocat.com/

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Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Dans le cadre d’un accident de travail, lorsqu’on reprend à temps plein son emploi, et qu’il reste des séances de kinésithérapie, est-ce que ces séances peuvent-être comptées en temps de travail ou doit-on poser des heures pour y participer ?

    Merci.

  • Maître,
    Merci d’apporter des éléments de réponse sur le CITIS et en ce qui me concerne sur la rechute (de la maladie professionnelle) qui depuis juin 2019 est désormais appelée rechute de l’Invalidité Temporaire Imputable au Service.
    Je vais être placée en CITIS dans l’attente de l’obtention d’un Temps Partiel Thérapeutique (TPT) dans le cadre de cette rechute.
    Est-ce que cette position peut bloquer ou reporter une demande d’Allocation Temporaire d’Invalidité (ATI) pour maladie professionnelle consolidée avec séquelles qui devrait être statuée en septembre prochain par la Commission de Réforme ?

    • par Tom RIOU , Le 19 août 2019 à 13:03

      Chère Madame,

      Bonjour et merci pour l’intérêt porté à cet article.

      Pour toute demande relative à votre situation personnelle et conformément à ma déontologie, vous pouvez me contacter dans le cadre d’un échange privé et confidentiel, par courriel (tomriou.avocat chez gmail.com) ou téléphone (06.17.80.25.86).

      Me tenant à votre entière disposition,

      Bien cordialement,

      — 
      Tom RIOU
      Avocat à la Cour
      90 rue d’Amsterdam 75009 Paris
      06.17.80.25.86
      www.tomriou-avocat.com

    • par Chris Sand , Le 3 juillet 2021 à 15:35

      Bonjour,
      Merci pour vos éclaircissements sur le citis.
      Je suis en citis (d’imputatibilité reconnue) depuis février de cette année après 1an et demi d’instruction de mon dossier ( maladie professionnelle hors tableau). Je viens de recevoir un arrêté de citis repassé en provisoire car je vais revoir le médecin expert. Est il possible qu’un citis reconnu imputable au service puisse redevenir un citis provisoire( avec les conséquences financières) ? Merci d’avance pour votre réponse

  • par davenel , Le 16 mars 2021 à 10:28

    Bonjour, agent territorial dans le service public je suis en arrêt maladie depuis le 03/08/2019, requalifié "congés pour invalidité temporaire imputable au service" le 08/10/2020. Pourriez-vous me dire si les remboursements des frais médicaux et pharmaceutiques sont rétroactifs et à partir de quelle date, la date de déclaration ou la date de reconnaissance ? Je vous remercie. Les compléments de salaires sont-ils aussi rétroactif ? Cordialement

  • par jourden , Le 26 novembre 2019 à 11:59

    bonjour,
    je suis fonctionnaire, en attente de validation accident du travail, je me pose ces questions :

    le patient doit donc avancer les frais de consultation ou de radio ou autre examens médicales via sa carte de sécurité sociale et mutuelle en attendant sa reconnaissance d’accident du travail, mais comment la caisse se fait elle remboursée ? et comment c’est validé auprès du médecin pour la finalisation de l’arrêt, vu que c’est réglé comme une consultation normale ?

    Un peu compliquer pour le patient qui doit dire c ’est un accident du travail mais pas encore validé par mon administration !!!!!!

  • par GRUSENMEYER , Le 16 octobre 2019 à 15:18

    bonjour
    le decret est-il retroatif aux événements survenus avant son application et notamment aux événements types accidents survenus en 2017 non encore déclaré en accident de service ?

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