Harcèlement moral et force probante des e-mails rédigés par le salarié.

Nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, sauf lorsqu’il s’agit de prouver un fait juridique comme le harcèlement moral.

En vertu de l’article L 1154-1 du Code du travail, le salarié doit établir des éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.

Ainsi, le salarié se disant victime de harcèlement doit établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’il présente [1].

Néanmoins, la preuve en matière de harcèlement moral ou sexuel est souvent difficile à rapporter.

Très fréquemment, les faits de harcèlement sont prouvés par des témoignages, des certificats médicaux ou une enquête menée par un tiers.

Au demeurant, les victimes de harcèlement versent souvent aux débats des correspondances dans lesquelles elles se plaignent auprès de leurs supérieurs, représentants du personnel ou collègues des faits dont elles font l’objet.

Dans un arrêt du 2 mars 2022 [2], la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur l’admissibilité comme moyen de preuve de courriels rédigés par le salarié sollicitant des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

En l’espèce, la cour d’appel d’Orléans avait considéré que les très nombreux e-mails produits par le salarié à l’appui de ses allégations et qu’il a rédigés lui même ne pouvaient avoir force probante dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

Cependant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en retenant que « sans examiner le contenu des pièces produites, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique », la cour d’appel avait violé l’article 1253 (anciennement 1315) du Code civil qui dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».

Ainsi, la Cour de cassation a décidé que la cour d’appel aurait dû étudier les courriels rédigés par le salarié à l’appui de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral dans la mesure où le harcèlement est un fait juridique et non un acte juridique.
Déjà par un arrêt du 6 mars 2014 notamment, la Cour de cassation avait prononcé un arrêt par lequel elle énonçait que « le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique » [3].

Cécile Villié
avocat - droit du travail
www.villie-avocat.com
contact chez villie-avocat.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

Notes de l'article:

[1Cons. const. 12 janv. 2002 n° 2001-455 ; Cass. soc., 25 janv. 2011, n° 09-42.766

[2Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.440

[3Cass. 2ème civ., 6 mars 2014, n° 13-14295

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit, certifié 6e site Pro en France: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 154 060 membres, 25178 articles, 126 856 messages sur les forums, 4 410 annonces d'emploi et stage... et 1 400 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Découvrez les Finalistes et Votez pour le Prix de l’innovation des Avocats 2023 !

• 14ème concours des Dessins de justice 2023, imaginez les "voeux du Droit" !




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs