Glyphosate et principe de précaution : quel équilibre pour protéger l’environnement ?

Par Orlane Sommaggio, Avocate.

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Cette affaire porte sur l'annulation de l'autorisation du Roundup Pro 360 en raison du principe de précaution. Bien que les études scientifiques postérieures soient exclues de l'évaluation initiale, elles pourraient obliger l'administration à réviser ses décisions, créant ainsi un dilemme pour les autorités et les justiciables.
Description rédigée par l'IA du Village

Le Conseil d’état a récemment rendu une décision fondamentale sur l’application du principe de précaution en matière de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. Dans son arrêt du 23 octobre 2024 (CE, 3e-8e ch. réunies, n° 456108), il a précisé que la légalité d’un acte administratif contesté ne peut être appréciée à la lumière d’études scientifiques postérieures à l’acte en question.

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Cette affaire trouve son origine dans une demande d’annulation de l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, produit controversé contenant du glyphosate, accordée par l’ANSES en 2017. Le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) avait contesté cette autorisation, invoquant une violation du principe de précaution, garanti tant par la Charte de l’environnement que par le droit de l’Union européenne.

Le Tribunal administratif de Lyon, saisi après renvoi par le Tribunal administratif de Melun, avait annulé cette autorisation en 2019, décision confirmée en appel par la cour administrative d’appel de Lyon en 2021. La société Bayer Seeds, venue aux droits de Monsanto, s’était alors pourvue en cassation.

La stabilité des actes administratifs au cœur de la décision.

En matière de principe de précaution, la légalité d’un acte administratif doit être évaluée au regard des éléments scientifiques disponibles au moment de sa prise. Cette position vise à protéger la stabilité des décisions administratives et à éviter une remise en cause systématique des actes passés.

En effet, comme l’énonce le Conseil d’état :

« En deuxième lieu, pour apprécier une éventuelle méconnaissance du principe de précaution par l’acte administratif dont la légalité est soumise à son examen, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de se déterminer au regard de l’ensemble des données scientifiques disponibles à la date à laquelle celui-ci a été pris, sans tenir compte d’études scientifiques postérieures, lesquelles sont sans incidence sur la légalité de l’acte contesté et seulement susceptibles, si elles remettent en cause l’appréciation initialement portée, d’imposer aux autorités compétentes d’en tirer les conséquences. C’est, dès lors, sans erreur de droit que la cour, pour se prononcer sur la méconnaissance du principe de précaution par l’autorisation de mise sur le marché contestée, a estimé que les parties ne pouvaient utilement se prévaloir des différents avis et études relatifs au glyphosate intervenus postérieurement à celle-ci ».

Cette approche permet de préserver la sécurité juridique, en s’assurant que l’autorité administrative n’est pas confrontée à une instabilité permanente liée à l’évolution des connaissances scientifiques.

Une porte ouverte à de nouveaux contentieux ?

Au moment de la prise de décision, le 6 mars 2017, seules les données scientifiques disponibles à cette date sont prises en compte, conformément au principe de légalité administrative. Ainsi, même si des études ultérieures sont apparues au moment du jugement, elles ne peuvent être prises en compte pour évaluer la décision initiale.

Toutefois, si cette position garantit la stabilité des actes au moment de leur adoption, elle soulève une difficulté majeure : les études postérieures, bien qu’exclues dans l’appréciation de la légalité initiale, peuvent obliger l’autorité administrative à revoir sa position.

Le Conseil d’état précise que :

« sans tenir compte d’études scientifiques postérieures, lesquelles sont sans incidence sur la légalité de l’acte contesté et seulement susceptibles, si elles remettent en cause l’appréciation initialement portée, d’imposer aux autorités compétentes d’en tirer les conséquences ».

Bien que ces études n’aient pas d’incidence directe sur la légalité de l’acte contesté, elles peuvent néanmoins « imposer aux autorités compétentes d’en tirer les conséquences ». Cela signifie que les autorités doivent, à la lumière de ces nouvelles données, évaluer si l’acte initial reste approprié ou si une révision ou abrogation est nécessaire.

Un dilemme pour les autorités et les justiciables.

Pour les autorités administratives, cette exigence implique de rester vigilantes et proactives, en surveillant l’évolution des connaissances scientifiques liées à leurs décisions. Mais pour les justiciables, ce raisonnement peut paraître frustrant : une étude postérieure pourrait prouver un danger réel non pris en compte au moment de l’acte, sans que cela permette de sanctionner immédiatement l’autorité compétente.

Un équilibre à ajuster ?

La solution retenue par le Conseil d’état met en lumière un équilibre délicat entre la stabilité des décisions administratives et l’impératif d’adaptabilité face à de nouveaux risques. Si cette approche semble pragmatique, elle n’est pas exempte de critiques. Le risque de devoir engager un nouveau contentieux pour contraindre l’administration à tirer les conséquences des évolutions scientifiques peut allonger les délais de protection des intérêts en cause, notamment en matière de santé publique ou d’environnement.

Une multiplication du contentieux est à prévoir ...

Orlane Sommaggio
Avocate au barreau de Grenoble
Enseignante en droit de l’urbanisme
os chez sommaggio-avocat.fr

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