Dans les projets numériques, j’ai souvent entendu ces propos venant d’un ingénieur ou d’un chef de projet dont le marché public informatique a été bloqué au stade de la signature : « On n’aurait pas dû passer par les juristes ! » ou encore « C’est la faute aux juristes ! Ils ne comprennent rien aux technologies ! ». Inversement, à l’occasion de la notification d’un marché, le juriste en charge du dossier ne manque pas de faire cette allusion perfide : « C’est sûrement un de ses potes ! ». Ou à la lecture d’un CCTP informatique, le juriste marchés publics abasourdi qui se demande : « Mais quand feront-ils la différence entre un CCTP et un RC ? »
Bref, vous l’aurez compris les relations entre juristes en charge des marchés publics et ingénieurs ou chefs de projet en technologie ne sont pas toujours tendres. La fonction juridique étant souvent perçue par la direction des systèmes d’information comme une contre-performance. Et cela est bien dommage ! Car en réalité l’une des conditions de succès d’un achat public dans le domaine des technologies, ce n’est pas l’expertise du juriste marchés publics, de l’acheteur public ou du chef de projet en technologie mais l’imbrication étroite de leurs expertises.
Le chef de projet et le juriste en charge des marchés publics doivent mutuellement adopter une attitude de serviteurs ou de prestataires de services. Cela signifie concrètement que la direction des systèmes d’information s’impliquera davantage aux aspects juridiques de son métier (propriété intellectuelle, responsabilité, pénalités, etc) et cessera de soumettre en hâte à la direction des achats ou la direction juridique un CCTP quatre jours avant l’envoi en publicité. Quant au juriste en charge des marchés publics, il se montrera plus disponible auprès du chef de projet afin d’éviter de réécrire entièrement tout le CCTP en imposant des clauses irréalistes. Il se sensibilisera également aux actualités liées au numérique, en faisant par exemple de la veille technologique.
Car, en définitive, le nœud du problème, et le seul, c’est la méconnaissance réciproque des prérogatives et des métiers de chacun. Or, comment peut-on répondre à un besoin, en tant que prestataires de services, si l’on ne s’intéresse pas à l’autre ?