Les questions de prescription sont toujours délicates à manier pour les praticiens, elles le sont encore plus quand il s’agit des droits de propriété industrielle dont la plupart sont soumis à des règles issues de règlements ou de directives européennes [1]. L’article 42 quinquies n’échappe pas cette règle.
Cet article introduit par les sénateurs lors de débats sur la loi Pacte prévoit que l’action en nullité des marques, des brevets, des dessins et modèles, et des certificats d’obtention végétale n’est soumise à aucun délai de prescription. Cet article modifie également le délai de prescription de l’action en contrefaçon.
A partir de 2013, quand cinq ans s’étaient écoulés depuis la promulgation de la loi du 17 juin 2008, les praticiens ont dû appliquer ce même délai à la prescription de l’action en nullité des titres de propriété industrielle.
Les conséquences de cette prescription sont particulièrement sensibles pour les brevets français délivrés par l’INPI sans examen de leur activité inventive.
Passé le délai de prescription de cinq ans, de nombreux titres ne sont plus susceptibles d’être annulés bien qu’ils ne remplissent pas les conditions de la brevetabilité. Il en résulte une entrave illégitime à la liberté du commerce et de l’industrie. Les tentatives judiciaires pour retarder le point de départ du délai de prescription n’ont pas permis de résoudre cette difficulté.
L’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet a prévu par son article 13 [2] que l’action en nullité du brevet est imprescriptible, malheureusement cette disposition qui concerne le brevet délivré par l’INPI et la partie française du brevet européen voit son entrée en vigueur repoussée à celle de l’accord relatif à la juridiction unifiée du brevet qui à ce jour n’est toujours pas intervenue !
D’imprescriptible à l’ordonnance du 9 mai 2018, l’action en nullité du brevet devient avec la loi Pacte soumise à aucun délai. Ce changement de terminologie n’a pas d’impact sur la question qui nous intéresse. Une action dite imprescriptible ne peut pas se voir soumise aux dispositions relatives à la prescription qui pour l’essentiel sont codifiées aux articles 2219 et suivants du Code civil.
L’article 2254 prévoit l’aménagement conventionnel de la prescription, c’est-à-dire la possibilité pour une partie de renoncer par avance à un droit, mais cette possibilité est encadrée par différentes durées, conditions que ne peut pas remplir une action qui n’a pas de délai.
On sait l’importance des accords de coexistence des droits de propriété industrielle par lesquels une partie renonce à contester la validité du ou des titres de l’autre partie.
Si l’absence de délai à l’action en nullité des marques, des brevets, des dessins et modèles et des certificats d’obtention végétale conduisait à les exclure des dispositions de l’article 2254, la rédaction actuelle de l’article 42 quinquies serait préjudiciable aux titulaires de ces droits.
Une autre solution aurait pu être envisagée par le législateur : fixer le point de départ de la prescription de l’action en nullité au terme du titre ou au terme de son dernier effet pour tenir compte de l’allongement du délai de prescription voulue par la loi Pacte également.
Classiquement le délit de contrefaçon est un délit successif, le délai de prescription court pour chaque acte à compter de sa commission et non à la date à laquelle les actes ont commencé.
La loi Pacte en uniformisant les règles de prescription de l’action en contrefaçon des différents droits de propriété industrielle a fixé le point de départ de leur délai de prescription au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer, alors qu’actuellement la connaissance du titulaire du droit est indifférente.
Par ces précisions, qui décalent le point de départ du délai de prescription, celui-ci restant à cinq ans, les sénateurs ont souhaité allonger la période des faits litigieux à prendre en compte pour augmenter l’indemnisation de la victime de la contrefaçon.
Pour ne pas exclure du référentiel légal de la prescription les actions en nullité de ces titres que constituent les marques, les brevets, les dessins et modèles et les certificats d’obtention végétale, tout en tenant compte de l’allongement du délai de prescription de l’action en contrefaçon, lors de l’examen de l’article 42 quinquies par la Commission mixte du Sénat et de l’Assemblée nationale, le point de départ du délai de prescription de ces actions en nullité pourrait être reporté au dernier jour de la validité du titre ou au dernier jour où son titulaire ou son ayant cause invoquent un droit issu de ce titre.
Et la durée de ce délai serait le plus long entre deux délai, celui de l’article 2224 ou celui du délai de prescription de l’action en contrefaçon selon de la nature du titre en cause.