Ainsi, prohibées par la loi, les pratiques discriminatoires prennent des formes variées, étoffées par la Jurisprudence. De même que la non-discrimination va de pair avec le principe d’égalité de traitement.
A titre liminaire, le principe de non-discrimination, complexe par ses manifestations, correspond aux différentes formes de discrimination.
La discrimination au travail.
Dans le cadre de la relation de travail, la discrimination se manifeste au travers de multiples actes caractérisant une atteinte à un droit, ou la privation qui en découle.
L’article L1132-1 du Code du travail dresse les actes prohibés, tenant à plusieurs motifs : "Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte...".
Au fond, discriminer, revient à opérer un traitement fondé sur un critère illicite - prohibé - de distinction. Partant, il importe de distinguer les règles de non-discrimination [1] de celles de l’égalité de traitement. Conceptuellement, le principe d’égalité de traitement a pour objectif d’assurer un traitement égal à des personnes placées dans des situations similaires ; alors que la non-discrimination, elle, tend à proscrire le recours à des critères subjectifs dans le cadre de choix ou de décisions relatives au travail.
Dès lors, les dispositions légales sont applicables à l’embauche, l’exécution et la rupture du contrat. Y compris la période d’essai :
"Les dispositions de l’article L122-45 du Code du travail sont applicables à la période d’essai.
Attendu que la cour d’appel, ayant constaté que l’employeur avait manifestement souhaité écarter un salarié en raison de ses récents problèmes de santé, a légalement justifié sa décision" [2].
Néanmoins, l’employeur peut, s’il justifie de l’intérêt de l’entreprise, individualiser les mesures disciplinaires et sanctionner différemment des salariés qui ont participé à la même faute, sans pour autant commettre un acte discriminant :
"S’il est interdit à l’employeur, à peine de nullité de la mesure, de pratiquer une discrimination, au sens de l’article L122-45 du Code du travail, il lui est permis, dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires et dans l’intérêt de l’entreprise, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute ; qu’ayant relevé que les demandeurs s’étaient personnellement rendus coupables d’entrave à la liberté du travail et que la décision de l’employeur de les licencier à raison de cette faute lourde n’était entachée d’aucune discrimination, notamment sur le plan syndical, la cour d’appel, devant laquelle aucun détournement de pouvoir n’était invoqué, et qui a relevé que les sanctions avaient été prononcées compte tenu des anciennetés et des comportements respectifs, a légalement justifié sa décision" [3].
A cet égard, exception notable, le licenciement pris en raison de l’état de santé du salarié est justifié en cas d’inaptitude et impossibilité de reclassement [4].
Tel est le cas, aussi, en cas de longue absence du salarié causée par des arrêts maladies fréquents. Dans ces conditions, le fonctionnement de l’entreprise s’en trouve perturbé impliquant son remplacement définitif. Sur ce point, au visa des dispositions des articles L1232-6 et L1132-1 Code du travail, il été jugé que :
"L’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que le second, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié ; qu’il en résulte que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges du fond...
Attendu que pour annuler le licenciement de la salariée, l’arrêt retient que le remplacement définitif n’est pas établi.
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la lettre de licenciement visait une perturbation dans le fonctionnement du service juridique dans lequel travaillait la salariée et non de l’entreprise, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés" [5].
Droit à réintégration.
Sur le plan procédural, eu égard au droit d’accès au tribunal, si le salarié licencié en raison d’une action en justice engagée par lui, le licenciement y afférent est nul, en vertu du principe de non-discrimination. En conséquence de quoi, la réintégration est de droit.
Cette règle substantielle est constamment rappelée par la Chambre sociale de la Cour de cassation :
"Est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié, peu important que la demande du salarié soit non fondée.
Attendu ensuite qu’ayant retenu que le licenciement pour insuffisance professionnelle était dépourvu de cause réelle et sérieuse et constaté qu’il faisait suite au dépôt par le salarié d’une requête devant la juridiction prud’homale tendant à voir reconnaître une situation d’inégalité de traitement ou de discrimination, la cour d’appel en a exactement déduit, sans méconnaître les règles de preuve, qu’il appartenait à l’employeur d’établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice.
Et attendu enfin, qu’ayant constaté que l’employeur se limitait à soutenir que les griefs invoqués au soutien du licenciement étaient antérieurs à la requête et qu’il serait trop facile pour un salarié de se prémunir d’un licenciement en saisissant les juridictions prud’homales, la cour d’appel a estimé qu’il ne rapportait pas la preuve qui lui incombe, en sorte qu’elle en a exactement déduit que le licenciement prononcé en réaction à l’action en justice introduite par le salarié était nul" [6].
Sanctions.
Fondamentalement, tel qu’il résulte des dispositions de l’article L1132-4 Code du travail, toute disposition ou tout acte discriminatoire pris à l’égard d’un salarié est nul.
Par suite, le salarié licencié sur un motif discriminatoire pourra obtenir sa réintégration et demander la réparation de son entier préjudice [7].
Au titre de sanctions prévues à l’article L1235-4 Code du travail, l’employeur fautif, ayant prononcé un licenciement entaché de discrimination, encourt la condamnation à rembourser à Pôle emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.
Tel que dit supra, à l’instar de tout acte discriminatoire, le licenciement jugé ainsi, est nul [8].
Il s’en suit que, en guise de réparation - parmi d’autres, l’employeur a l’obligation de réintégrer le salarié qui le souhaite dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, sachant que le salarié n’a pas l’obligation de faire sa demande de réintégration immédiatement [9].
Dans ce cas, le salarié qui est réintégré après que son licenciement a été jugé nul aura droit :
- au versement des salaires perdus, en principe, entre son licenciement et sa réintégration effective
- en plus de dommages et intérêts réparant les préjudices liés à la discrimination subie.
Par ailleurs, si le salarié victime ne souhaite pas réintégrer l’entreprise dans laquelle il a été victime de discrimination, il peut entre outre obtenir une indemnité spécifique, visée à l’article L1235-3-1 Code du travail :
"Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d’une liberté fondamentale
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L1152-3 et L1153-4
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L1132-4 et L1134-4
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits
5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L2411-1 et L2412-1 en raison de l’exercice de son mandat..." [10].
En clair, selon les cas, outre le remboursement à Pôle emploi de tout ou partie des indemnités de chômage, si le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat ou que sa réintégration est impossible, celui-ci peut obtenir :
- l’allocation d’une indemnité minimale - qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois
- en plus du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité légale de licenciement [11].
En ce sens, notons que le salarié victime d’un licenciement nul, qui n’est pas réintégré, a droit à ladite indemnité réparant l’intégralité de son préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, laquelle est au moins égale à six mois de salaire [12].
Enfin, en vertu de l’article L1134-5 Code du travail, l’action en réparation du préjudice causé se prescrit par cinq ans à compter de la révélation des faits.
En conclusion, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine passe par la traitement humain, éthique du salarié co-contractant dans le cadre de l’exécution de bonne foi du contrat de travail. Outil d’apaisement et d’entente, la médiation offre, en la matière, des espaces propices au dialogue, la clarification et le dépassement des visions simplistes.