Loi ELAN et Bail commercial : nouvelle possibilité de résiliation triennale anticipée pour le bailleur.

Par Quentin Maghia, Docteur en droit.

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Explorer : # résiliation anticipée # bail commercial # loi elan # transformation d'usage

LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Décidemment, le droit des baux commerciaux ne cessera jamais d’être entre deux réformes...

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Le premier alinéa de l’article L. 145-4 du code de commerce dispose que « la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans » [1].
Le code de commerce impose donc une durée minimale de neuf ans, lors de la conclusion du bail commercial. Rappelons qu’en revanche rien n’interdit aux parties de conclure le bail pour une durée supérieure. Nous voyons d’ailleurs dans cette thèse qu’il s’agit d’une pratique courante car elle offre au bailleur une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne la liberté contractuelle, et le contournement de certaines dispositions d’ordre public.

La règle du minimum légal de neuf ans, quant à elle, est bien d‘ordre public. Il est absolument impossible de prévoir une durée inférieure. Par conséquent, le bailleur étant lié avec le locataire pour neuf ans, il ne pourra résilier le bail de manière anticipée que dans des cas précis. Ce sera notamment l’hypothèse d’une faute du locataire, celle d’une reconstruction, restauration ou surélévation de l’immeuble.

Ainsi, l’alinéa 3 de l’article L.145-4 du code de commerce, jusqu’au 25 novembre 2018 autorisait le bailleur à donner congé de manière anticipée "afin de construire, de reconstruire ou de surélever l’immeuble existant, de réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain" [2].

L’article 28 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ajoute une autre possibilité à ce même alinéa en le réécrivant de la façon suivante :
"Le bailleur a la même faculté, dans les formes et délai de l’article L. 145-9, s’il entend invoquer les dispositions des articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 afin de construire, de reconstruire ou de surélever l’immeuble existant, de réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage, de transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ou d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain".

Ainsi, depuis le 25 novembre 2018, les propriétaires bailleurs peuvent donner congé au preneur commercial, en fin de période triennale, afin de transformer le local loué à usage principal d’habitation, ceci toujours par "reconstruction, rénovation ou réhabilitation".

Cette nouvelle technique légale pourrait bien trouver preneur...

Quentin MAGHIA
Avocat
http://maghia-avocat.fr/

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Notes de l'article:

[1C. com. art. L 145-4.

[2C. com. art. L 145-4, al. 3.

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Discussions en cours :

  • par Jacques , Le 5 avril 2019 à 21:36

    S’il devient possible de reprendre tout ou partie de locaux commerciaux lors d’une révision triennale, par exemple pour transformer en logement un local commercial annexe d’utilité faible, le propriétaire devra-t-il payer une indemnité d’éviction ?
    Si oui, par qui et comment cette indemnité sera-t-elle calculée ? (la base sera-t-elle fondée sur la surface corrigée ?).
    Et qu’en sera-t-il du loyer du bail résiduel amputé d’une partie des surfaces / locaux ?
    Concrètement, mon idée sous-jacente concerne la reprise d’une remise sur cour utilisée par un commerçant comme une sorte de débarras annexe à sa boutique, dans une copropriété parisienne. Cette remise pourrait devenir un appartement que j’utiliserais à des fins de logement personnel, familial, ou locatif. Le lot voisin, local commercial sur cour sans visite de clientèle ; a déjà été transformé en logement avec l’autorisation de la copropriété et modificatif d’état de division (eau courante, ...), mais le propriétaire a procédé par éviction en fin de bail, avec indemnité négociée. Je devrais donc obtenir sans problème l’accord de la copropriété pour la transformation, vu l’antécédent.

  • Dernière réponse : 27 décembre 2018 à 15:45
    par PAILLEUX JEAN , Le 19 décembre 2018 à 11:46

    Information et lecture très intéressante et formatrice pour mes fonctions de conciliateur de justice avec occasionnellement des délégations en matière commerciale.

    • par Zac , Le 20 décembre 2018 à 06:39

      Cela concerne aussi les ancien baux ou seulement les nouveaux ?

    • par Quentin MAGHIA , Le 27 décembre 2018 à 15:42

      Merci pour ce retour cher Monsieur.

    • par Quentin MAGHIA , Le 27 décembre 2018 à 15:45

      Zac, l’extension de la faculté de résiliation triennale du bailleur est d’application immédiate. Il n’a pas été prévu d’aménagement dans le temps de la mesure.

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