L’article L121-8 du Code des assurances dit ceci :
« L’assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires.
Lorsque ces risques ne sont pas couverts par le contrat, l’assuré doit prouver que le sinistre résulte d’un fait autre que le fait de guerre étrangère ; il appartient à l’assureur de prouver que le sinistre résulte de la guerre civile, d’émeutes ou de mouvements populaires ».
Or, l’absence de définition juridique précise des notions d’émeute et de mouvement populaire rend la tâche ardue à l’assureur à qui il appartient de prouver que le sinistre résulte de l’un de ces évènements.
Une définition de ces notions apparait nécessaire.
Au sens de la doctrine, l’émeute se présente comme : « tout mouvement tumultueux dans lequel une foule anonyme, mécontente des mesures d’un gouvernement ou de la situation d’une partie de la population, s’insurge contre l’autorité pour obtenir, par la menace ou même la violence, la réalisation de revendications économiques, sociales ou politiques, mettant ainsi en péril l’ordre et la sécurité publics » [1].
L’émeute « est un mouvement séditieux accompagné de violences, et dirigé contre l’autorité en vue d’obtenir la satisfaction de certaines revendications d’ordre politique ou social » [2].
En jurisprudence, l’émeute est « un tumulte, parfois séditieux ou insurrectionnel, caractérisé par des bagarres ou des scènes de violences, dirigé contre une classe de la population ou certains organismes représentant l’ordre établi et destiné à la satisfaction de revendications politiques, sociales ou économiques » [3].
Quant au mouvement populaire, il est assimilé à toute manifestation de la foule entraînant la commission d’actes illégaux, des dommages et des désordres [4].
Le mouvement populaire a pu être défini comme : « une manifestation violente, concertée, ou non, de la foule, se caractérisant par le désordre, sans qu’il y ait forcément révolte contre l’ordre établi. Il suppose un rassemblement mettant en échec les agents de l’autorité » [5].
Cette notion « couvre tout mouvement spontané ou concerté d’une foule désordonnée causant des dommages » [6].
Le mouvement populaire, serait aussi « une manifestation violente, concertée ou non, de la foule » [7].
Ainsi, trois critères majeurs semblent s’imposer pour qualifier une situation d’émeute ou de mouvement populaire :
1) L’ampleur de l’action :
Ils se définissent comme des actions de masse d’une ampleur considérable. Ces actions doivent s’accompagner de troubles occasionnant de nombreux dommages aux biens et aux personnes.
L’émeute et le mouvement populaire doivent constituer un important mouvement incendiaire, subversif, violent, en somme « révolutionnaire »
2) La contestation :
L’émeute et le mouvement populaire s’inscrivent dans une démarche contestataire, un comportement insurrectionniste face à une situation subie ou considérée comme injuste. Ils trouvent leur origine dans le refus catégorique d’une situation, le rejet d’un régime, d’un système ou d’un choix ou simplement d’une mesure, souvent politique.
3) La démarche revendicative :
Le Comité économique et social européen propose de faire correspondre l’émeute à « une concentration dans l’espace urbain de comportements violents et servant aussi de moyen d’expression pour certaines catégories de la population. Les motivations des participants sont diverses ».
L’émeute et le mouvement populaire se traduisent notamment par des destructions assorties de pillages, comme des incendies de bâtiments publics ou de véhicules [8].
En refusant la situation subie, les participants à ces actions veulent imposer leurs exigences par des pressions violentes.
4) Indifférence quant au caractère spontané de l’action :
La doctrine [9] a pu faire état du caractère « spontané » de ces mouvements, elle n’en fait toutefois pas une condition impérative.
En effet, l’émeute ou le mouvement populaire peuvent avoir lieu quand bien même, ils auraient fait l’objet d’une préparation concertée.
En ce sens, la Cour de cassation avait jugé que constitue un mouvement populaire l’établissement de piquets de surveillance interdisant l’accès de l’entreprise aux ouvriers dans le cadre d’une grève à l’instigation d’un meneur étranger à l’entreprise [10].
En 2012, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel de Pau qui s’était fondée uniquement sur le critère de spontanéité pour écarter la qualification d’émeute ou de mouvement populaire. Les hauts magistrats ont estimé que les juges du fond auraient dû utiliser d’autres critères de qualification pour écarter la qualification d’émeute ou de mouvement populaire [11].
Dans un arrêt en date du 17 novembre 2016 [12], la Cour de cassation estimait que l’absence de caractère spontané ne suffisait pas à écarter la qualification d’émeute ou de mouvement populaire.
Il apparait donc que le caractère de spontanéité n’est pas déterminant pour qualifier une situation d’émeute ou de mouvement populaire.