Fondements et conditions de la responsabilité civile.
Les obligations du notaire, du seul fait de son statut, justifient la rigueur du régime de responsabilité. Officier ministériel dont les actes font foi jusqu’à inscription de faux, il n’a pas droit à l’erreur. La mise en œuvre de cette responsabilité suppose la réunion de trois conditions classiques : la faute, le préjudice et le lien de causalité, conformément à l’article 1240 du Code civil [2] : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La masse conséquente des actes notariés, alliée à un droit de plus en plus complexe, rend la faute notariale plus fréquente. Cette « profession tournée vers l’avenir » (109e congrès des notaires de France à Lyon, discours de C. Taubira, Garde des Sceaux) a vu son niveau d’accès élevé au grade de master, mais la compétence ne se décrète pas : elle se forge dans l’expérience et la rigueur quotidienne.
L’appréciation de la faute notariale : du « bon notaire » à la jurisprudence contemporaine.
La jurisprudence est de plus en plus sévère à l’égard des notaires. La faute est appréciée in abstracto en considération du « bon notaire », officier ministériel normalement diligent [3]. Tout comportement divergent est sanctionnable. Cependant, la notion de diligence reste subjective et évolutive, dépendant des attentes de la société et du contexte juridique.
Jurisprudence récente : sévérité et précisions.
Cass. 1re civ., 10 juillet 2024, n°23-18.141 : le notaire commet une faute en authentifiant une convention illicite, notamment en matière de prestation compensatoire. La cour rappelle que le préjudice certain prime sur la perte de chance et impose une réparation intégrale.
Cass. 1re civ., 2 avril 2025, n°23-18.930 : la cour affirme que le devoir de conseil du notaire est absolu et s’étend à toutes les conséquences juridiques, fiscales et patrimoniales de l’acte. Le notaire doit prouver qu’il a informé ses clients de manière complète, notamment par des échanges écrits.
Cass. 1re civ., 27 mars 2024, n°22-13.041 : en matière de partage judiciaire, le juge peut renvoyer les parties devant le notaire pour instruire certaines contestations, renforçant ainsi le rôle du notaire dans la gestion des litiges successoraux.
Le devoir de conseil : une exigence renforcée et documentée.
L’acte notarié, acte authentique, engage lourdement le client. Le notaire doit délivrer à son client l’intégralité des conséquences qui naîtront de l’acte, quelles que soient les compétences du client [4].
L’impartialité s’impose : il ne saurait accepter un acte qui néglige les intérêts d’un client occasionnel au profit d’un client habituel [5].
Le devoir de conseil, aujourd’hui qualifié d’absolu, implique une information complète sur les conséquences juridiques, fiscales et patrimoniales de l’acte. La jurisprudence impose une traçabilité accrue : le notaire doit archiver ses conseils, privilégier les échanges écrits et s’assurer de la compréhension des parties. Ce devoir ne disparaît pas même si l’acte est gratuit ou si le notaire n’en est que le correcteur [6].
L’intervention et la défausse du notaire.
Le notaire engage sa responsabilité dès lors qu’il participe à la rédaction d’un acte, conférant l’authenticité par sa signature et son sceau. Il doit s’assurer que les parties comprennent pleinement la portée de leurs engagements. Hors cas de force majeure ou mensonge avéré du client, il ne saurait s’exonérer. Même dans ces hypothèses, s’il apparaît qu’il avait connaissance d’un risque ou qu’il aurait pu informer ses clients en anonymisant les éléments confidentiels, sa responsabilité peut être retenue.
Critères et illustrations de la faute notariale.
L’omission d’une formalité essentielle constitue une faute [7]. Il sera également mis en cause s’il omet de vérifier les origines d’un immeuble, la situation hypothécaire du bien, la présence de servitudes… La vérification « a minima » du bien en vente s’impose. Au-delà, le devoir de conseil impose d’informer sur tous les risques : par exemple, le risque de non-remboursement d’un prêt [8].
Même en l’absence d’obligation de réaliser certaines formalités, le notaire doit informer ses clients de leur utilité et des démarches à accomplir [9]. La charge de la preuve de l’absence de faute incombe au notaire [10].
La preuve et le lien de causalité : évolutions récentes.
La jurisprudence récente confirme que le lien de causalité entre la faute et le préjudice est présumé dès lors que le manquement au devoir de conseil est établi, sauf preuve contraire. La prescription de l’action est de cinq ans à compter de la révélation du dommage, ce qui permet d’intégrer les préjudices différés. La chambre mixte de la Cour de cassation [11] a précisé que le point de départ de l’action récursoire du notaire contre un autre professionnel court à compter de la condamnation définitive du notaire.
Responsabilité pour perte de chance : précisions et limites.
La faute non intentionnelle suffit à engager la responsabilité civile du notaire, mais le préjudice doit être certain. La réparation intégrale n’est due que si, mieux informé, le client aurait effectivement pu éviter le dommage ou obtenir un avantage équivalent.
Responsabilité en cas d’erreurs de rédaction ou de vices dans les actes.
Les erreurs de rédaction peuvent avoir des conséquences juridiques et financières lourdes. La jurisprudence impose au notaire de vérifier la situation hypothécaire, la conformité des titres, la présence de servitudes, etc. [12]. Le devoir de conseil s’étend à l’information sur les risques et opportunités économiques [13].
Face à la complexité croissante du droit immobilier, la profession mise sur la formation continue renforcée, la clarification législative des obligations et l’usage d’outils technologiques innovants (intelligence artificielle, blockchain) pour limiter les erreurs.
Limites et exonérations.
Le notaire peut s’exonérer en cas de force majeure, faute de la victime ou fait d’un tiers. Les clauses limitatives de responsabilité sont nulles. La responsabilité peut être contractuelle ou délictuelle selon la qualité dans laquelle il agit.
Responsabilité fiscale et nouvelles obligations.
Depuis 2023, la vigilance fiscale du notaire est renforcée : il doit s’assurer du paiement des droits et taxes, signaler toute opération suspecte et conseiller sur les conséquences fiscales des actes. Les décisions récentes sanctionnent sévèrement les manquements à ces obligations, notamment en matière de déclaration de plus-value immobilière ou de droits de succession.
Responsabilité disciplinaire et perspectives.
La réforme de l’exercice en société du notariat (ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023, décret n°2024-873 du 14 août 2024) impose des structures plus transparentes, excluant les sociétés de capitaux classiques, afin de renforcer la sécurité juridique et la responsabilité collective. La médiation notariale et les procédures disciplinaires complètent le dispositif de contrôle et de réparation.
Illustrations pratiques (2024-2025).
Cass. 1re civ., 29 mai 2024, n°23-15.327 : le notaire n’engage pas sa responsabilité dès lors qu’il a informé les parties de manière claire et loyale sur les conséquences d’une promesse de vente, et que le préjudice allégué n’est pas caractérisé.
Cass. 1re civ., 2 avril 2025, n°23-18.930 : la cour valide la démarche du notaire qui, par des échanges écrits et répétés, a permis à la cliente de se déterminer en connaissance de cause lors d’un partage successoral complexe.
Cass. 1re civ., 10 juillet 2024, n°23-18.141 : la cour retient la responsabilité du notaire pour avoir authentifié une convention illicite, causant un préjudice certain à la cliente.
Conclusion : une responsabilité accrue, une vigilance de chaque instant.
En 2025, la responsabilité civile du notaire s’inscrit dans un cadre normatif et jurisprudentiel renforcé. Le devoir de conseil, la traçabilité des échanges et la vigilance sur la validité des actes sont au cœur de la sécurité juridique. La jurisprudence impose au notaire une rigueur absolue et une anticipation permanente des risques, dans l’intérêt de la protection des clients et de la sécurité des transactions. Les notaires doivent conjuguer expertise, pédagogie et déontologie pour répondre à l’exigence de confiance que la société place en eux.
Discussions en cours :
Le notaire si il est expressément nommé pour appliquer une décision de justice et qu’il ne le fait pas. Où qu’il demande des sommes conséquentes pour avancer, ne se se trouve t’il pas hors la loi.
Un arrêt assez intéressant a été rendu par la Cour d’appel de RIOM (COUR D’APPEL DE RIOM, Deuxième Chambre Civile ARRET, 20 juillet 2016 AFFAIRE N° : 15/01885 - Lisible sur doctrine.fr) sur le sujet et sur les réflexes à adopter pour dénouer les procédures de liquidation-partage.
Si cet arrêt ne bouleverse pas la pratique, cet arrêt est assez pédagogique car il rappelle tous les moyens à disposition du notaire pour mener à bien sa mission et tous les moyens qui peuvent être employés par l’héritier pour que le partage soit mené à son terme.
Bonjour,
Nous avons signé un compromis de vente pour un bien, et décalé la signature de l’acte car nous avons un premier refus de prêt et nous avons engagé un courtier pour nous en trouver un autre. Je viens d’apprendre que notre notaire avait informé un intéressé que nous n’aurions peut être pas le bien, pour qu’ils puissent faire une demande de prêt de leur côté. Est-ce légale ? Notre notaire n’est-elle pas tenue au secret professionnel ?
Merci pour votre éclairage.
Voir si votre acte était conditionnel ou non ...
0666929903
Dr NEGER
Bonjour,
En 2008 , nous avons acheté une maison de village.
Nous l’avons mis en vente et nous devions signer un compromis le 24/06/2020, mais nous n’avons pas pu signer, car lors de la lecture du compromis, notre Notaire (chez qui nous avions signé en 2008 pour l’achat de cette maison) nous a dit, "on est d’accord qu’il n’y a pas d’imbrication avec une autre maison !". Nous avons répondu que si et que ça a toujours été le cas !
Du coup, en 2008 "c’est passé au travers" comme l’a dis le Notaire, et maintenant il nous faut régulariser et du coup faire passer un géomètre dont on ne connait pas encore le prix + payer 1090€ pour établir l’acte de copropriété !
Est-ce que nous pouvons faire quelque chose, car nous trouvons injuste de devoir payer autant de frais pour quelque chose qui aurait du être régularisé avant que nous achetions ?
Bonjour, voici le mail reçu hier par le service compta de notre notaire :
"Je reviens sur votre acquisition en date du 25 novembre 2016 afin de solder votre compte en un virement de 800 euros.
Je vous remercie de m’adresser un RIB daté et signé
Je vous adresserai alors votre titre de propriété par courrier postal".
4 ans plus tard....?!
Comment s’assurer que cette somme n’a pas fructifié à nos dépends durant tout ce temps ?
Qu’en pensez-vous ?
Merci,
bonsoir monsieur,
Est-il normal que les dispositions des articles 1640 et suivants, ne trouve pas a s’appliqué.
D’autant qu’il s’agit d’une vente entre professionnel et non professionnel ????
Merci
Illégal... Il est impératif que les dispositions soient appliquées...