Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

La formation des policiers passée au crible par la Cour des comptes.

Par Samir Lassoued, Elève-avocat.

880 lectures 1re Parution: Modifié: 4.97  /5

Explorer : # formation des policiers # infrastructures # formation continue # dépenses publiques

A la veille du projet de loi de finances 2023 (PLF 2023), et à la suite des conclusions du Beauvau de la sécurité, les enseignements de la lecture du rapport de la Cour des comptes sur la formation des policiers sont plus que jamais pertinents.

-

Dans ce rapport, la juridiction financière a adopté une approche commune à tous les services publics.
Un service public suppose souvent l’existence d’infrastructures ce qui implique des coûts indirects liés à la formation (I). Les moyens mobilisés, en formation initiale et continue, sont également interrogés par les magistrats de la rue Cambon (II).

I. Des infrastructures de formation insatisfaisantes en quantité et en qualité.

L’augmentation des candidatures, en particulier pour les gardiens de la paix et les cadets, a une incidence sur les capacités d’accueil proposées par les équipements. La Cour des comptes projette d’importants besoins financiers entre 2023 et 2030. L’allongement de la durée de formation initiale des gardiens de la paix à 12 mois va maintenir un nombre d’élèves déjà important plus longtemps en école, et ainsi tendre le flux [1].

L’analyse du budget lié à la formation des policiers induit une marginalisation des dépenses d’équipement. Environ 500 millions d’euros sont à prévoir en sus des frais d’alimentation et d’hébergement pour répondre aux besoins croissants de formation.

L’augmentation programmée du nombre de recrues implique une augmentation proportionnée des dépenses liées à la formation, y compris pour satisfaire les besoins en infrastructures car « aujourd’hui aucun foncier ne permet d’effectuer ces formations dans de bonnes conditions » conclut le rapport.

La situation des infrastructures est particulièrement délicate pour la zone Francilienne où les équipements sportifs sont sous dotés, et de mauvaise qualité. La Cour souligne par exemple sur le centre régional de formation de Paris-Vincennes le caractère inutilisable de la moitié des stands de tir et le partage d’une emprise foncière avec deux centres de rétention administrative, ou encore le site de Draveil (destiné à de la formation initiale) qui nécessite un désamiantage et une remise aux normes.

Dans le projet de loi de finance 2022 « aucun crédit n’est inscrit pour la création d’un site de formation au maintien de l’ordre en Ile-de-France et [au] renforcement de la formation continue » préconisé par le même rapport.

II. Une invitation à la réforme de la formation des policiers.

Une autre difficulté soulevée par le rapport concerne les formateurs. Alors que les effectifs ont augmenté de 8,8% entre 2015 et 2020, le nombre de formateurs n’a pas suivi la même courbe, et n’a progressé que de 3,7%. Cette situation pose des difficultés tant en matière de formation initiale (A) qu’en matière de formation continue (B)

A. L’incidence des nouvelles recrues sur la formation initiale.

Le concours de gardien de la paix est devenu l’un des concours les moins sélectifs de la fonction publique. A titre de comparaison, le taux pour le concours externe de secrétaire administratif est de 11,1 contre 4,3 pour le concours de gardien de la paix.

Le législateur va donc devoir affronter un défi structurel dans les prochaines années. Les annonces sur l’augmentation du nombre de policiers, et de gardiens de la paix en particulier, conduit à s’interroger sur l’efficacité des politiques publiques en termes de recrutement et de formation.

Cet accroissement devrait nécessairement être accompagné d’un renforcement de la formation des officiers, qui ne semblait pas budgétisé dans le PLF de 2022. La Cour souligne un décalage entre d’une part les ambitions affichées par l’exécutif et les conclusions du Beauvau de la sécurité, et d’autre part les dépenses envisagées. C’est sur ce point particulier du PLF 2023 que les travaux de la commission des finances seront attendus.

Sur le plan qualitatif, la Cour des comptes salue néanmoins un allongement de la durée de formation des gardiens de la paix réduit avant 2017.
Une formation de huit mois avait l’inconvénient de conduire à l’enseignement d’un programme trop dense pour les recrues et pour les formateurs.

Le module d’adaptation au premier emploi a en revanche recueilli une haute satisfaction des élèves et des formateurs. Il permet une préparation au premier métier de l’agent et engage la voie d’une réelle spécialisation.

B. La nécessité d’un renforcement de la formation continue.

La formation continue connait également une carence entre l’offre et la demande de formation. L’attention du législateur est appelée sur la formation à l’éthique et à la déontologie qui ne trouve pas son public à telle enseigne que la DTRFPN [2] de Nouvelle-Calédonie a monté sa propre mallette pédagogique à destination des agents.

A cet égard, la Cour des comptes préconise d’intégrer directement les questions d’éthique et de déontologie dans les modules de formation pratique, impliquant des mises en situation.

A contrario, d’autres formations ne disposent pas d’une capacité d’accueil suffisante comme le module d’exploitation des données issues de la téléphonie mobile (Mercure) et la formation sur les risques psycho-sociaux appréciées des agents.

La formation d’officier de police judiciaire est également interrogée dans ce rapport. Le nombre d’admis à la qualification est régulièrement en dessous des objectifs fixés par Beauvau. A propos de la qualification d’OPJ, mais plus généralement sur l’ensemble de la formation continue, la Cour des comptes réitère sa proposition de modules communs entre la police et la gendarmerie.

Enfin, un des points les plus criants souligné par les magistrats de la rue Cambon concerne les techniques et la sécurité en intervention (TSI). La surmobilisation opérationnelle des policiers a réduit le temps accordé aux formations obligatoires relatives à l’emploi des armes et aux méthodes d’intervention. Les magistrats invitent à sanctuariser ces temps de formation obligatoire.

Si la formation aux TSI reste la plus importante en volume, plusieurs prescriptions ne sont pas suivies toujours par manque de temps.
Ainsi, « le taux de réalisation des tirs obligatoires, mesuré par le pourcentage de personnels actifs ayant réalisé au moins trois séances de tir dans l’année, ne s’est élevé qu’à 62% en 2019 ».

Il ne fait aucun doute que ce rapport sera lu avec attention dans les prochaines semaines avant le début des travaux de la commission des finances.

Samir Lassoued
Avocat au Barreau du Val d’Oise
1er secrétaire de la Conférence

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[2Direction régionale au recrutement et à la formation de la police nationale

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs