Par une décision du 26 octobre 2010 (n° 09-42740), la Cour de cassation rappelle le rôle du Règlement Intérieur au cœur de l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire.
1 - Qu’est-ce que le Règlement Intérieur ?
Dans les entreprises ou établissements où sont employés au moins 20 salariés, donc les petites PME sont concernées autant que les multinationales, l’employeur édicte un Règlement Intérieur qui a force obligatoire pour ses salariés (article L. 1311-1 du Code du travail).
La Loi (article L. 1321-1) fixe impérativement et limitativement le contenu du Règlement Intérieur :
« Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :
1° Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1 ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises ;
3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur. »
L’article L. 1321-2 ajoute :
« Le règlement intérieur rappelle :
1° Les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 ou par la convention collective applicable ;
2° Les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel prévues par le présent code. »
Outre l’avis des représentants du personnel sur le projet de Règlement Intérieur, avis qui ne lie pas le chef d’entreprise, ce dernier est tenu de soumettre le projet à l’administration du travail qui a un droit de regard permanent sur son contenu (article L. 1322-1) :
« L’inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6 ».
Le Règlement Intérieur est affiché dans les locaux de travail et d’embauche.
Voilà de quoi asseoir l’importance et la notoriété du document qui constitue la règle de base collective du travail au sein d’une entreprise ou d’un établissement.
II - Quel enseignement tirer de la décision de la Cour de cassation du 26 octobre 2010 ?
Les faits :
Un employeur inflige à son salarié, à titre de sanction disciplinaire, une mise à pied de 5 jours alors que le Règlement Intérieur qui prévoit la possibilité de prononcer une mise à pied ne précise pas quelle peut être la durée maximale de celle-ci. Le salarié conteste la sanction en justice et la cour d’appel donne raison à l’employeur. Le salarié se pourvoit en cassation.
Précision : La mise à pied est une suspension du contrat de travail d’une durée limitée. Pendant la durée de la mise à pied, le salarié ne vient pas travailler et il n’est donc pas rétribué. C’est pour son enjeu financier très fort qu’il est nécessaire de limiter dans le temps la sanction que constitue la mise à pied. Le plus souvent, la durée convenue va de 3 à 5 jours de travail.
La décision :
La Cour de cassation rappelle que l’employeur ne peut prendre qu’une des sanctions énumérées par le Règlement Intérieur. Elle précise que, lorsqu’il s’agit d’une mise à pied, le Règlement Intérieur doit en fixer la durée maximale. L’employeur doit alors se conformer à cette durée maximale.
Ce principe avait déjà été formulé par le Conseil d’Etat dans une décision ancienne (CE 21 septembre 1990, n° 105247). Il semble que la Cour de cassation ne s’était pas prononcée sur cette question avant le 26 octobre 2010.
La Cour de cassation désavoue donc la cour d’appel qui avait jugé « qu’une telle sanction est inhérente au pouvoir disciplinaire de l’employeur, lequel a la faculté, en l’absence de dispositions restrictives d’un règlement intérieur ou d’une convention collective, d’en faire usage sous la seule réserve du contrôle de l’autorité judiciaire. »
La Cour répond ensuite à la question suivante : Que se passe-t-il par rapport à la sanction prononcée ? La sanction est annulée par le juge.
Mon conseil RH aux employeurs :
La rédaction du Règlement Intérieur vous incombe et elle est obligatoire dès lors que vous employez au moins 20 salariés. Soignez-la pour faire de cet outil juridique, non plus une obligation supplémentaire qui vous pèse mais, au contraire, le fidèle allié de votre pouvoir disciplinaire.
Tout en respectant la trame fixée par la Loi, adaptez les modèles que vous trouvez dans les livres ou sur Internet afin qu’ils rejoignent à la fois votre style de management et les caractéristiques spécifiques de votre entreprise.
Prenez conseil auprès d’un Avocat spécialisé en droit social pour optimiser le contenu de votre Règlement Intérieur.
Réfléchir à la rédaction de votre Règlement Intérieur c’est aussi un moyen de mieux vous approprier le sens de son contenu afin de l’avoir plus présent à l’esprit lorsque vous serez amené à prendre une sanction.
Enfin, dernier détail qui a son importance :
si, comme beaucoup d’employeurs, vous souhaitez préciser par écrit comment vos salariés doivent utiliser leurs ordinateurs professionnels et l’accès à Internet et à la messagerie, sachez que vous devrez, là encore, respecter le formalisme d’établissement et de validation rappelé ci-dessus pour le Règlement Intérieur. Mais s’agissant de règles de travail impératives, elles pourront faire l’objet d’une sanction si elles sont transgressées.
Nadine Regnier Rouet
Avocat à la Cour spécialisé en droit social
Certificat de spécialisation en droit social du Barreau de Paris
Site : www.n2r-avocats.com