Harcélement moral : des précisions apportées par la Cour de cassation, par Frédéric Chhum et Virginie Ribeiro

Harcélement moral : des précisions apportées par la Cour de cassation, par Frédéric Chhum et Virginie Ribeiro

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Explorer : # harcèlement moral # conditions de travail # santé mentale # obligation de sécurité

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Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Diverses études montrent que le harcèlement moral s’est intensifié ces dernières années.

En effet, aujourd’hui, plus de 2 millions de salariés seraient victimes de ces pratiques, sur leur lieu de travail.
Le 10 novembre 2009, dans deux arrêts distincts, la Cour de cassation a récemment précisé le contour de la notion de harcèlement moral.

Dans le premier arrêt, la Chambre social de la Cour de cassation évoque (Cass.soc., 10 nov. 2009, n° 07-45.321) que les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent constituer du harcèlement moral managérial.

En l’espèce, il s’agissait d’un directeur d’établissement qui soumettait ses salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre–ordres dans l’intention de diviser l’équipe. En ce qui concernait Monsieur M, le harcèlement se traduisait par sa mise à l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l’intermédiaire d’un tableau. Cette méthode de gestion a entrainé chez ce dernier un état très dépressif.

La Cour d’appel a retenu que ces agissements répétés portaient atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéraient sa santé, elle a ainsi caractérisé un harcèlement moral, quand bien même l’employeur aurait pu prendre des dispositions en vue de le faire cesser.

La Cour de cassation a confirmé l’analyse de la Cour d’appel. Elle retient dès lors que « […] peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elle se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel […] ».

Dans le second arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation énonce (Cass.soc., 10 nov. 2009, n° 08-41.497) qu’il n’y a pas à tenir compte de l’intention de l’auteur des agissements de harcèlement moral pour que celui-ci soit constitué.

En l’espèce, une salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire pour harcèlement moral.

La Cour d’appel retient que les agissements dont elle se plaignait ne pouvaient être considérés comme des agissements répétés de harcèlement moral et s’inscrivaient dans l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur, tant qu’il n’était pas démontré par la salariée qu’ils relevaient d’une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l’atteindre et permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.

La Cour de cassation censure cette décision. Elle considère que le harcèlement moral, tel qu’il est défini par l’article L. 1152-1 du Code du travail, est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

Ainsi, la haute juridiction retient que « le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ».

Dans ces deux arrêts la Cour de cassation vient apporter des précisions non négligeables pour définir la notion de harcèlement moral.

Rappelons que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité résultat en ce qui concerne la sécurité et la santé des salariés, il devra prendre les mesures pour vérifier si un harcèlement (dont se prévaut un salarié)existe réellement et dans l’affirmative le faire cesser.

Frédéric CHHUM – Avocat

Virginie RIBEIRO – Elève avocate

http://www.chhum-avocats.com/

http://chhum.typepad.com/mon_weblog/

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