1) Contexte.
Selon l’article 1152-1 du Code du travail le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail [du salarié], susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Tout salarié qui s’estime victime de harcèlement moral peut saisir le conseil de prud’hommes ou la justice pénale. Dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans (article 2224 du Code civil). Il est de 6 ans dans le second cas (Loi du 27 février 2017, article 8 du Code de procédure pénale), contre 3 ans à l’époque des faits qui nous occupent.
L’article 8 du Code de procédure pénale dispose que le délai de prescription des délits commence à courir à compter du jour où l’infraction a été commise.
Or le délit de harcèlement moral se caractérise non pas par un acte isolé mais par la répétition d’agissements susceptibles de porter préjudice au salarié.
La Cour de cassation a donc été amenée à préciser le point de départ de ce délai en matière de harcèlement moral.
2) Faits et procédure.
En l’espèce un salarié dépose une plainte en octobre 2014 à l’occasion de laquelle il dénonce un harcèlement moral subi dans le cadre de son travail sur une période s’étendant de 1992 au 1er juillet 2012.
Il plaidait que la dépréciation de son travail et le manque de soutien de la part de ses supérieurs hiérarchiques pendant 20 ans auraient eu pour objet ou pour effet d’affecter sa santé psychique et mentale et de compromettre son avenir professionnel.
Le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu qui sera ensuite confirmée par la cour d’appel, au motif que les faits antérieurs au 16 octobre 2011 sont couverts par la prescription de l’action publique. Le salarié se pourvoit en cassation.
3) Solution de la Cour de cassation.
Si la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu en seconde instance, elle n’approuve pas pour autant le raisonnement mené par les juges d’appel sur l’appréciation du délai de prescription.
En effet, elle affirme que la prescription « ne commence à courir, pour chaque acte de harcèlement incriminé, qu’à partir du dernier ». Or, moins de trois ans s’étant écoulés entre juillet 2012 (date du dernier acte de harcèlement reproché) et octobre 2014 (date du dépôt de plainte), les faits n’étaient pas couverts par la prescription.
L’arrêt de la Cour d’appel n’est cependant pas censuré, « la cour d’appel ayant procédé à une analyse des faits depuis leur origine et ayant souverainement apprécié que, sur toute cette période, le délit de harcèlement moral n’était pas caractérisé ».
Sources :
Cass.crim, 19 juin 2019, n°18-85.725.
Article 1152 (Code du travail).
Article 2224 (Code civil)
Article 8 (Code de procédure pénale).
Panorama 2017-2018 de la jurisprudence sur le harcèlement moral : article à lire ici.
Discussion en cours :
Bonjour,
Je me permets de vous contacter car j’ai subi un harcèlement moral de fin 2014 à mi-2016. A l’époque, les syndicats de mon entreprise m’ont conseillé de rester évasive sur le dossier de maladie professionnelle pour que je puisse sortir au plus vite de l’entreprise. En dépression à l’époque et littéralement au bord du suicide, je n’ai pas cherché à comprendre. J’ai été suivie pendant deux ans dans un CMP et je me suis peu à peu remise de ce harcèlement, mais pas sans séquelles.
À l’époque, je n’avais pas la force de porter plainte, et maintenant, je crois qu’il est trop tard mais je voudrais en être certaine.
Pourriez-vous me dire si un recours est possible ? Sachant que plusieurs de mes anciennes collègues ont subi le même harcèlement les unes après les autres et ont depuis trainé mon ancienne entreprise aux prud’hommes. Et si je ne peux pas aller aux prud’hommes car c’est trop tard, pensez-vous qu’il soit possible de porter plainte directement contre la personne concernée ?
Merci de votre retour.
Cordialement.