Les nouvelles procédures de sauvegarde accélérée du droit droit français des entreprises en difficulté et le nouveau règlement européen n°2015/848 du 25 mai 2015.

Par Moussa Fanta Kourouma, Doctorant en droit.

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Explorer : # sauvegarde accélérée # insolvabilité # droit européen # procédures collectives

Certaines des nouvelles institutions élues en droit français des procédures collectives s’appellent procédure de sauvegarde financière accélérée (loi n°2010- 1249 du 22 décembre 2010 de régulation bancaire et financière) et procédure de sauvegarde accélérée de droit commun (ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, portant reforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives ). Ce sont des branches de la sauvegarde classique même si elles gardent certaines particularités et forment les passerelles entre les procédures de conciliation et de sauvegarde classique.
Sur le plan européen, les choses ont changé car le règlement n°1346/2000 régissant la matière a été révisé et le nouveau texte adopté. Il entrera en vigueur le 26 juin prochain. Si au regard du règlement de 2000, l’éligibilité de ces nouvelles sauvegardes souffre toujours de divergence au sein de la doctrine, quant à celui de 2015, elle ne laisse place à aucune suspicion.

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Explication :

Le règlement européen d’insolvabilité est le droit européen qui régit les procédures de traitement des difficultés d’entreprise à caractère transfrontalier. Le nouveau texte (n°2015/848 du 25 mai 2015) qui entrera en vigueur le 26 juin prochain, marque une amélioration majeure par rapport au texte de 2000 (n°1346/2000) quant aux critères d’éligibilité des procédures nationales d’insolvabilité.
En effet, le nouvel article 1er élargit les critères d’éligibilité et permet d’accueillir plusieurs procédures dont celles de sauvegarde accélérée du droit français (I). Leur inscription dans l’annexe A de ce règlement apparaît plus automatique que sous l’empire du texte actuel (II).

I. L’admissibilité des procédures de sauvegarde accélérée

Contrairement à la rédaction originale de l’article 1er du règlement de 2000 en vigueur, le futur nouvel article 1er de celui de 2015 pose quatre conditions d’éligibilité d’une procédure nationale d’insolvabilité.
D’abord, le critère d’insolvabilité est maintenu mais ne joue plus à plein régime. Une simple probabilité d’insolvabilité suffit toutes les fois que les procédures tendent à l’éviter ou à maintenir l’activité du débiteur. En conséquence, en droit français, les procédures de sauvegarde entrent bien dans ce cadre, ce qui n’est pas aussi évident sous l’empire de la rédaction actuelle.
Ensuite, le critère de procédure collective reste aussi maintenu mais assoupli, puisque la définition donnée par le nouvel article 2 permet d’inclure des procédures ne concernant que certaines catégories de créanciers. Ainsi, en droit français, les procédures de sauvegarde accélérée et de sauvegarde financière accélérée sont éligibles sans le moindre doute. D’ailleurs, selon le considérant 15 du règlement, ces procédures peuvent être des procédures provisoires. C’est-à dire des procédures intermédiaires qui ont lieu avant qu’une juridiction décide la poursuite à titre définitif mais cela n’est pas connu du droit français. Comme nouveauté, le caractère public est rajouté et permet d’exclure sans ambiguïté aucune, les procédures amiables comme le mandat ad hoc et la conciliation. On le sait bien, le caractère confidentiel de ces procédures relève de l’ordre public (art. L.611-15 C. Com. ; Com. 22 sept. 2015, n°14-17.377 ; Com. 15 déc. 2015, n°14-11.500). Étant donné que le principe en droit européen est la publicité des procédures ouvertes, on peut en conclure que la seule publicité de l’homologation d’un accord de conciliation, ne suffit à rendre celle-ci éligible.
Enfin, ne peuvent être éligibles que les procédures fondées sur les législations nationales relatives à l’insolvabilité. Ce critère permet d’exclure les mécanismes du même genre issus d’autres droits comme le droit civil et le droit des sociétés (délais de paiement, remise de dettes etc.).

Par ailleurs, le critère de dessaisissement n’est plus retenu mais plutôt toute procédure privilégiant le maintien des pouvoirs du débiteur en difficulté. Ce qui est le cas pour les deux procédures de sauvegarde accélérée. Ainsi, à travers ce critère traditionnel associé à la désignation d’un praticien de l’insolvabilité, terme qui remplace celui du syndic, deux nouveautés sont adoptées : en premier lieu, la procédure sera admise lorsqu’elle est placée sous la surveillance d’une juridiction, la notion de juridiction devant être entendue de façon stricte dans la mesure où un contrôle administratif par exemple ne peut correspondre aux prescriptions légales.
En second lieu, la procédure sera admise lorsqu’en plus des conditions susmentionnées, elle permet la suspension des poursuites pendant la période où le débiteur négocie un accord avec ses créanciers, à condition de garantir les droits des créanciers et de basculer vers une procédure si un accord n’est pas trouvé. Remplissant donc les conditions d’éligibilité indiquées au nouvel article 1er, les nouvelles procédures de sauvegarde accélérées du droit français des procédures collectives devraient automatiquement intégrer la liste de l’annexe A du nouveau règlement.

II. Inscription dans l’annexe A

L’inscription des procédures nationales d’insolvabilité dans l’annexe A du règlement par les États membres est obligatoire. Cette inscription pose cependant quelques difficultés aussi bien en ce qui concerne le contrôle de l’opération que les effets qui y sont attachés. Selon le nouvel article 1er, cette inscription n’est valable désormais que pour des procédures respectant de façon stricte les conditions posées. Mais selon le considérant 9 du règlement, les juridictions ne peuvent pas faire de contrôle de régularité d’inscription d’une procédure déjà inscrite dans l’annexe A et toute procédure non inscrite dans cette annexe ne rentre pas dans le champ d’application du règlement. Ce principe permet de prévenir les difficultés d’application du règlement entre les États membres. Avec l’échec de la modification de certaines annexes, parce que certains membres de l’union voulant garder le contrôle de l’inscription, la procédure législative ordinaire en la matière a été gardée.

En définitive, les procédures passerelles que sont la procédure de sauvegarde accélérée et la procédure de sauvegarde financière accélérée répondent bien aux critères d’éligibilité dégagés par l’article 1er du nouveau règlement européen n°2015/848 qui traite de l’insolvabilité. Et leur inscription dans l’annexe A apparaît automatique.

Moussa Fanta Kourouma
Doctorant en sciences juridiques
Spécialité, droit des entreprises en difficulté
Université de Toulon
UFR Droit

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