Cadres dirigeants – Panorama de jurisprudences 2018 et 2019.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Claire Chardès, Juriste.

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Explorer : # cadres dirigeants # critères légaux # temps de travail

La qualification de cadre dirigeant permet d’écarter l’application règlementation sur le temps de travail aux salariés qui en bénéficient.

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Remplie d’enjeux, cette qualification a été modelée par les juges de la Cour de cassation qui, au cours des années 2015 et 2016, sont venu étoffer les exigences nécessaires à l’octroi d’un tel statut, avant de faire machine arrière. Les décisions des juges se sont désormais stabilisées.

Ces deux dernières années, des réponses ont également été apportées sur l’importance donnée à l’écrit avant de reconnaître ou non la qualité de cadre dirigeant au salarié.

1) La prééminence des critères légaux dans la détermination de l’application du statut de cadre dirigeant.

Le Code du travail en son article L. 3111-2 [1] prévoit trois critères permettant de conférer le statut de cadre dirigeant à un salarié, excluant par la même l’application de la règlementation en matière de temps de travail : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »

La Cour de cassation était venue ajouter un quatrième élément, celui de la participation à la direction de l’entreprise [2].

Elle avait ensuite ajouté que cet élément n’était pas un critère à part entière [3], insusceptible de se substituer aux critères légaux.

Par un arrêt du 24 octobre 2018 (n° 17-20477) [4], la chambre sociale a confirmé cette position. En effet, elle estime que les juges du fond auraient du « examiner la situation de la salariée au regard de ces trois critères légaux » avant de faire droit à la demande de la salariée.

Cette dernière entendait obtenir un rappel d’heures supplémentaires. Or, la société lui opposait son statut de cadre dirigeant, excluant le décompte et le paiement de toute heure supplémentaire.

A cela, la Cour d’appel répondait que l’employeur ne démontre pas que « cette dernière participait effectivement à la direction de l’entreprise », sans rechercher si les trois critères prescrits par la loi étaient remplis. Ainsi, la Cour de cassation rappelait scrupuleusement dans son attendu lesdits critères.

Dans un arrêt rendu quelques mois avant, le 30 mai 2018 (n°16-25557) [5], les juges de la Haute Cour ne faisaient pas référence au quatrième critère prétorien de la participation effective.

En effet, dans la première partie de son attendu, la Cour de cassation se contentait de relever que « l’intéressé avait toute latitude dans l’organisation de son emploi du temps, bénéficiait d’un très large pouvoir de décision et percevait une rémunération dans les niveaux les plus élevés du cabinet » avant de conclure « qu’il avait la qualité de cadre dirigeant ».

La Cour de cassation semble perpétuer la priorité donnée aux critères légaux, tout en aménageant leur application, dans deux arrêts rendus en juin 2019 :
- Le 19 juin 2019 (n°18-11083) [6], si elle reconnait que les deux premiers sont remplis (grande indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps, rémunération parmi les plus hautes), elle note toutefois que le dernier (autonomie dans l’exercice de ces missions) n’était pas satisfait « en sorte qu’il ne participait pas à la direction de l’entreprise », avant finalement d’énoncer que « le salarié [co-gérant] ne pouvait revendiquer la qualité de cadre dirigeant ».

- Dans un précédent arrêt du 2 octobre 2019 (n° 17-28940) [7], la chambre sociale retient une approche très factuelle en retenant notamment un faisceau d’indices tels que le fait que le salarié, directeur d’établissement, « devait être présent au sein de la structure dix demi-journées par semaine », qu’« il ne pouvait signer des chèques que sur autorisation du conseil d’administration », qu’il lui était seulement permis de « proposer des recrutements » sans pouvoir signer de contrat de travail. De ces éléments elle retient, comme la Cour d’appel, que le salarié « n’avait pas la qualité de cadre dirigeants ».

2) L’appréciation de la réalité du statut de cadre dirigeant à l’aune du contexte contractuel.

A l’occasion de l’arrêt précité du 30 mai 2018 (n° 16-25557), un salarié, expert-comptable, tentant de s’extraire de la qualification de cadre dirigeant avançait que celle-ci aurait dû être précisée par écrit pour qu’elle lui soit opposable par son employeur.

A cette fin il invoquait diverses dispositions de la convention collective alors applicable à son contrat de travail. En l’occurrence, la Cour de cassation balaye cet argument, énonçant que la convention collective invoquée ne prévoyait aucune disposition « subordonnant l’exclusion, pour les cadres dirigeants, de la réglementation de la durée du travail, à l’existence d’un document contractuel écrit ».

Au contraire, lorsque dans l’arrêt du 7 septembre 2017 (n° 15-24725) [8], la Cour de cassation relève que le salarié, responsable de centre de profits, était soumis à une convention individuelle de forfait jours, elle en tire la conséquence suivante : l’accord entre les parties exclue la qualité de cadre dirigeant.

Il était en plus établi que « les parties avaient signé une promesse d’engagement précisant "votre emploi de la catégorie cadre est régi par un accord d’annualisation du temps de travail sur la base de 218 jours" ».

Ainsi, la Cour de cassation va même jusqu’à énoncer que la Cour d’appel « n’avait pas à procéder à une recherche sur l’éventuelle qualité de cadre dirigeant du salarié ». Celle-ci avait donc « souverainement déduit l’existence d’heures supplémentaires ».

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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