Concessions de travaux : le Conseil d’État scelle le sort des biens de retour détruits au cours de l’exécution.

Par Juliette Pain-Vernerey, Avocat.

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Explorer : # concessions de travaux # indemnisation # biens de retour # conseil d'État

Dans un arrêt du 26 février 2016 (n°384424), le Conseil d’État revient sur le sort des biens de retour détruits au cours de l’exécution de la concession ou devenus inutiles au fonctionnement du service.

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Le syndicat mixte de chauffage urbain de la Défense (SICUDEF) avait conclu une convention de concession avec la société de climatisation interurbaine de la Défense (CLIMADEF) pour la production de chauffage et climatisation dans les bâtiments à édifier sur le site de l’EPAD, en 1968.

En 1982, la convention a été prorogée pour vingt ans. Mais le 30 mars 1994, l’explosion accidentelle d’une chaudière sur le site de la centrale (rue d’Alençon à Nanterre) a obligé les parties à signer une nouvelle convention pour la réhabilitation des moyens de production et de distribution. Cet avenant prévoyait une nouvelle implantation pour la répartition des moyens de production (rue Noël Pons à Nanterre). Il prévoyait également que ces nouveaux investissements seraient à l’entière charge du concessionnaire. Pour leur amortissement, la convention a été prolongée.
Toutefois, au regard des conditions posées par l’article 40 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, le projet de vente du nouveau terrain ne pouvait être agréé. En conséquence, le SICUDEF a lancé un appel à la concurrence en septembre 2002 pour la réattribution de la concession.

Le SICUDEF a alors saisi le tribunal administratif de Paris en vu de l’indemnisation de la valeur des biens de retour dont il estime avoir été privé du fait de la destruction de la première centrale, ainsi que du versement du solde de provision pour travaux figurant au bilan.
Il demandait la condamnation de CLIMADEF à hauteur de 42 782 443,46€.
Le tribunal a fait partiellement droit à sa demande en accordant un montant de réparation de 28 536 000€.
Saisie par la CLIMADEF, la cour administrative d’appel de Paris l’a condamnée à verser au SICUDEF, la somme de 2 270 000€.
Le SICUDEF se pourvoie en cassation.

Le Conseil d’État rappelle les principes applicables en matière d’indemnisation des biens de retour dans le cadre d’une concession de travaux ou d’une délégation de service public.
L’ensemble des biens dont les investissements sont mis à la charge du concessionnaire et correspondant aux biens nécessaires au fonctionnement du service public, appartiennent à défaut de clause contraire, à la personne publique, dès leur réalisation ou leur acquisition.
À l’expiration de la concession, les biens qui ont été amortis au cours de l’exécution de la convention font retour gratuitement à la personne publique.
Toutefois, la convention peut prévoir que ces biens peuvent être repris par le concessionnaire, à condition qu’ils ne soient plus nécessaires au fonctionnement du service.

En l’espèce, la convention ne prévoyait pas de telles conditions. En conséquence, les biens concernés, qui ont été nécessaires au fonctionnement du service public au cours de l’exécution de la concession sont des biens de retour quand bien même ils ne seraient plus nécessaires au service à son issue.
La cour administrative d’appel avait estimé que la nouvelle centrale était un accessoire nécessaire de la concession et en formait un complément normal. Néanmoins, bien qu’utile au fonctionnement du service (elle contribuait à l’alimentation en électricité de la centrale et générait des ressources par la vente d’électricité), elle ne présentait pas pour autant un caractère de nécessité.
De plus, la convention n’imposait pas au concessionnaire une activité de production d’électricité. La personne publique n’avait par ailleurs aucun contrôle sur cette activité accessoire.
Le Conseil d’État approuve cette solution.

Ensuite, le Conseil d’État reconnait que l’explosion accidentelle de 1994 a détruit en partie les installations de production de chaleur, qui n’avaient pas été reconstruites entièrement. Elles ne produisaient, dès lors, plus la puissance initialement prévue par la convention.
Mais, qu’au regard des principes applicables en matière de biens de retour des concessions de travaux et délégations de service publics, ces biens, qui ont été nécessaires au service public à un moment de l’exécution de la convention, et même s’ils n’ont plus la même nécessité à l’issue du contrat, doivent être vus comme des biens de retour.
C’est sur ce point que le Conseil d’État censure l’arrêt de la cour administrative d’appel, qui avait estimé que seuls les biens qui étaient encore nécessaires au service, au jour de l’expiration de la convention, devaient faire retour au concédant.
La cour ne devait pas rechercher si ces biens étaient devenus simplement utiles au fonctionnement du service, mais, en raison de ce que les biens de retour avaient été détruits, si la personne publique avait renoncé à la réhabilitation de ces biens et accepté qu’ils n’aient plus la même nécessité.

Enfin, le Conseil d’État estime que la cour administrative d’appel a commis une erreur de qualification en considérant que le terrain acquis par le concessionnaire pour y édifier la nouvelle centrale n’était pas nécessaire au fonctionnement du service public de chauffage et de climatisation, et en rejetant alors la demande indemnitaire de la CLIMADEF, alors que ce terrain avait été acquis pour l’exécution de la concession en qualité de terrain d’assiette de la centrale, ouvrage de la concession.

Dans ces circonstances, le Conseil d’État annule partiellement l’arrêt de la cour administrative d’appel en ce qu’il statue sur une indemnité à verser au SICUDEF au titre de l’installation complémentaire et la moins-value du terrain.

L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.

Juliette PAIN-VERNEREY, Avocat

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