Le 8 avril 2022 un homme était placé en détention provisoire pour une infraction d’apologie d’actes de terrorisme. Sa détention a été prolongée par le juge des libertés et de la détention à deux reprises sur le fondement de l’article 706-24-3 du code de procédure pénale.
En d’autres termes, un homme mis en examen pour apologie d’acte terroriste semble pouvoir être placé en détention provisoire pour une durée supérieure à un an. Mais cette situation est-elle compatible avec l’exercice de sa liberté d’expression ?
Il convient de vérifier la proportion entre l’atteinte que constitue de toute évidence le placement en détention et « l’objectif de défense de l’ordre et de prévention des infractions pénales ».
I. La protection de l’article 10 de la CEDH.
Le requérant a fait valoir une incompatibilité entre le régime de la détention provisoire et son droit fondamental à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, support selon lui d’une cassation pour violation de la loi.
C’est avec prudence que ne pas été mobilisée la loi du 29 juillet 1881 portant sur la liberté de la presse dès lors que la qualification retenue par le juge d’instruction n’est pas de même nature et que les peines encourues dans le cas de l’apologie d’un crime terroriste permettent la détention provisoire.
Néanmoins, l’argument du mis en examen revient bien à suggérer que l’apologie d’un crime terroriste est d’abord un abus de la liberté d’expression et non une infraction qui laisserait germer d’autres intentions dans l’esprit de l’auteur.
C’est dans ces conditions que la Cour de cassation pose un visa au titre de l’article 10 de la CEDH. Selon la chambre criminelle
« il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à la liberté d’expression, et que l’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ».
La chambre de l’instruction aurait dû vérifier si la détention constituait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression du mis en examen.
II. L’exigence d’un contrôle de proportionnalité.
La chambre criminelle n’indique nullement que le régime de la détention provisoire est à exclure dans le cas d’une apologie d’actes de terrorisme, mais qu’il s’agit de toute évidence d’une ingérence dans l’exercice d’un droit fondamental. C’est alors que le JLD est invité à réaliser un contrôle de proportionnalité en fonction de « l’objectif de défense de l’ordre et de prévention des infractions pénales ».
Le lecteur attaché aux libertés publiques ne pourra que convenir du caractère au moins discutable de ce but de « prévention des infractions pénales » qui relève d’une interprétation certes autorisée, mais au moins contradictoire avec les principes fondamentaux de la procédure pénale en matière de liberté d’expression.
Ici, le cas d’espèce semble impliqué une apologie ayant un caractère public. En admettant que les faits soient avérés, le critère de prévention des infractions pénales demeure contestable dès lors qu’en matière de liberté d’expression seul l’abus devrait être sanctionné.