I - Forfait en jours + convention collective SYNTEC = paiement des heures supplémentaires
Cas pratique récemment résolu pour les employeurs soumis à la convention collective SYNTEC…
Le salarié qui ne remplit pas les conditions posées par l’accord Syntec pour la conclusion d’un forfait en jours ne peut travailler sous ce type de contrat.
Le salarié est fondé à percevoir le paiement des heures de travail effectuées au delà de 35 heures hebdomadaires.
Dans cette décision du 3 novembre 2011, la Cour de cassation (Cass. Soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.637) vérifie que le salarié remplit bien les critères prévus par l’accord collectif SYNTEC en vue de conclure un forfait en jours.
L’accord Syntec du 22 juin 1999 fixe de façon précise les postes susceptibles de donner lieu à un forfait en jours : en particulier, la nécessité d’occuper « les positions 3.2 et 3.3, et dans certains cas 3.1 ».
Or, le salarié « consultant » en forfait en jours, de 2001 à 2004, occupe une position 2.2.
Postérieurement à sa démission, il demande à percevoir un rappel de salaires minima conventionnels sur la base d’une position 3.1, position qu’il aurait dû avoir pour travailler en forfait en jours, ce que la Cour d’Appel lui accorde, soit plus de 63.000 euros.
L’employeur réplique devant la Cour de cassation que ce salarié ne peut percevoir ces rappels de salaires car il ne peut avoir la qualification 3.1 puisqu’il a moins de six ans de pratique professionnelle. Selon l’annexe II sur les classifications de la convention SYNTEC, en effet, relèvent de la position 2.3 (la position inférieure à la position 3.1) « les ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité… ».
Pour la Cour de cassation, cet argument de l’employeur se révèle fatal car si le salarié ne peut occuper la position 2.3, il ne peut de même occuper la position 3.1, seuil minimal pour signer un forfait en jours avec l’employeur.
Elle conclut donc que, le salarié ayant « moins de six ans de pratique en qualité de cadre, ne pouvait être classé à la position 3.1, ce dont il se déduisait qu’il n’était pas susceptible de relever du régime du forfait jours qui lui avait été appliqué ».
Le forfait en jours était ici incompatible avec le profil du salarié et l’employeur n’a pas appliqué correctement son accord collectif. Par conséquent, la sanction est sévère : le forfait en jours n’a pas pu exister et le salarié devait travailler selon l’horaire collectif, avec paiement au taux des heures supplémentaires pour toute heure de travail effectuée au delà.
Suite à cette décision, tous les salariés soumis aux accords SYNTEC et travaillant en forfait en jours alors qu’ils occupent des positions inférieures à 3.1 peuvent réclamer le paiement des heures effectuées au-delà de 35 heures par semaine en heures supplémentaires sur les cinq années passées… ce qui peut donner quelques sueurs froides à certains employeurs !
II - Le forfait en jours peut cacher… du travail dissimulé !
La règle est simple : l’employeur risque de devoir verser l’indemnité forfaitaire de six mois bruts de salaires pour travail dissimulé lorsque le contrat de travail ne prévoit pas le forfait en jours.
C’est ce que nous dit la Cour de cassation dans sa décision du 28 février 2012 (Cass. Soc., 28 février 2012, n° 10-27.839).
De nouveau, elle se penche sur le contrat de travail du salarié travaillant en forfait en jours mais ici, il ne s’agit pas d’une formulation imprécise du contenu d’un forfait en jours qui a bien été envisagé par les parties, comme dans une récente décision du 31 janvier 2012.
Il s’agit d’un contrat de travail qui ne contient pas du tout de convention de forfait en jours.
L’employeur soutient que, s’il n’a pas mentionné les heures accomplies au-delà de l’horaire légal sur les bulletins du salarié, c’est à cause de l’autonomie de ce dernier dans l’organisation de son temps, et que lui, l’employeur, ignorait le dépassement de la durée légale du travail par le salarié ; il nie donc tout caractère intentionnel pouvant fonder le délit de travail dissimulé.
La Cour de cassation repousse l’argument de l’employeur et approuve les juges d’appel :
Ils ont fait ressortir le caractère intentionnel de l’absence de la mention, par l’employeur, sur les bulletins de paie, de toutes les heures accomplies par le salarié.
En effet, puisqu’aucune convention de forfait en jours n’avait été conclue, l’employeur ne pouvait appliquer unilatéralement un tel forfait à son salarié et il aurait donc dû mentionner touts les heures de travail sur les bulletins.
De son côté, le salarié avait démontré avoir travaillé régulièrement plus de dix heures par jour.
L’indemnité de six mois minimum de salaires pour travail dissimulé est donc due au salarié (article L. 8223-1 du Code du travail), sans préjudice du paiement des heures supplémentaires effectivement travaillées.
Conclusion et conseils RH
1) L’employeur doit veiller à ce que ses contrats de travail instituent réellement des forfaits en jours, c’est-à-dire qu’ils contiennent en détail les modalités du forfait sur lequel l’employeur et le salarié se sont mis d’accord.
Au besoin, les contrats de travail standard seront modifiés, en vue des nouvelles embauches, et les contrats de travail déjà conclus feront l’objet, le plus rapidement possible, d’un avenant en vue de les compléter. Il faudra donc obtenir l’accord de chaque salarié concerné sur la modification de son contrat de travail.
2) Seuls les postes de travail et classifications visés par l’accord collectif (d’entreprise ou de branche) donneront lieu à signature de forfaits en jours.
3) L’employeur devra s’assurer qu’il respecte bien toutes les dispositions de contrôle et de suivi prévues par l’accord d’entreprise ou l’accord collectif permettant de conclure des forfaits en jours et il se ménagera des moyens de prouver ce respect.
4) L’employeur ne devra pas omettre de tenir avec chaque salarié en forfait en jours l’entretien annuel de suivi prévu par la loi, avec encore une fois une trace écrite fiable de cet entretien.