L’investissement joue un rôle crucial dans la lutte contre les changements climatiques, susceptibles de mettre en péril la situation financière et économique des Etats d’accueil de l’investissement.
On peut rappeler dans ce cadre les dispositions de l’article premier de la loi n° 2019-47 du 29 mai 2019, relative à l’amélioration du climat de l’investissement prévoyant que :
« Les dispositions de la présente loi ont pour objectif de promouvoir l’investissement et d’améliorer le climat des affaires par la simplification des procédures requises pour la création d’entreprises économiques, la facilitation de leurs modes de financement et le renforcement de la gouvernance et de la transparence des sociétés » [1].
Toutefois, la prise en considération du phénomène climatique par le droit des investissements est devenue de plus en plus importante, ce qui a généré certaines interactions entre le droit de l’investissement et la lutte contre les changements climatiques.
Ces interactions complexes, dynamiques et évolutives ont amené les tribunaux arbitraux à examiner les réformes actuelles en droit international en général et en droit de l’investissement en particulier, tout en accordant une importance et un traitement spécifique aux considérations climatiques [2].
Par ailleurs, on peut admettre que des litiges transnationaux sont envisageables dans le cadre du contentieux des investissements [3], mettant en cause les mesures climatiques prises par les Etats [4].
Néanmoins, les violations environnementales susceptibles d’être invoquées devant les tribunaux d’investissement sont spécifiques (A) en raison du caractère non contentieux des accords internationaux en la matière (B).
A- Les violations environnementales susceptibles d’être invoquées par les investisseurs étrangers devant les tribunaux arbitraux.
Le développement des investissements dans les énergies renouvelables et faibles en carbone a entraîné une augmentation des différends entre État-investisseur étranger devant les tribunaux arbitraux notamment devant la Cour permanente d’arbitrage, dans le cadre du traité sur la Charte de l’énergie, de l’Accord de libre échange nord américain (ALENA), et de la Convention CIRDI [5].
Dans plusieurs affaires, les investisseurs contestent les mesures prises par les Etats entraînant une baisse des soutiens financiers aux énergies renouvelables [6].
Selon le rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) de 2022, cette diminution reflète un changement dans le sentiment des investisseurs en raison de crise alimentaire, énergétique et financière dans le monde, de la guerre en Ukraine, de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt et des craintes d’une décroissance économique à venir [7].
De plus, nous constatons une diminution des investissements, notamment des industries qui luttent contre les changements climatiques, en raison de la récente crise mondiale [8].
La jurisprudence internationale a reconnu le principe selon lequel les Etats sont tenus de respecter l’environnement des autres Etats [9] et veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction n’entraînent pas des répercussions néfastes sur leurs environnements [10].
Dans ce contexte, on peut rappeler l’article 4.2 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui prévoit que chaque partie :
« adopte des politiques nationales et prend en conséquence les mesures voulues pour atténuer les changements climatiques en limitant ses émissions anthropiques de gaz à effet de serre et en protégeant et renforçant ses puits et réservoirs de gaz à effet de serre ».
Le manquement à cette obligation peut engager la responsabilité internationale de l’Etat [11].
De plus, le non-respect de l’obligation de la réduction des émissions de Gaz à effet de serre (GES) peut mettre en cause la responsabilité de l’Etat pour dommages climatiques.
Par ailleurs, on peut admettre que les tribunaux d’investissement ont récemment reconnu l’importance d’adapter les réglementations en vigueur sur l’investissement pour soutenir les objectifs sur la loi du climat [12] et encourager les investisseurs à réaliser des opérations d’investissements.
Néanmoins, les traités internationaux [13] qui, normalement, ont pour objectif primordial de promouvoir et protéger l’investissement direct étranger, peuvent constituer un obstacle à la mise en œuvre des politiques climatiques et à la réalisation de la transition énergétique [14] au détriment des investisseurs étrangers.
B- Le caractère non-contentieux des accords internationaux en matière du droit climatique.
Il est quasiment admis qu’ en matière du droit climatique, les accords internationaux sont flexibles et non-contentieux. On peut citer à titre d’exemple l’accord de Paris, caractérisé par une base juridique fragile qui ne permet pas de mettre en jeu la responsabilité internationale de l’Etat pour fait internationalement illicite [15].
En principe, l’État ne peut être tenu responsable pour dommages climatiques résultant des émissions de GES, mais parce qu’il n’a pas pris les mesures appropriées pour contrôler les activités émettrices se déroulant sur son territoire ou sa juridiction et n’a pas veillé à la bonne application des réglementations en vigueur applicables en matière de protection climatique [16].
Nous citons à titre d’illustration les dispositions de l’article 13.3 de l’accord de Paris sur le climat, qui établit un mécanisme de mise en œuvre
« ni intrusive ni punitive, qui respecte la souveraineté nationale et qui évite d’imposer une charge excessive aux parties » [17].
Il s’agit, bel et bien, d’un accord souple, à caractère non conflictuel.
Et comme l’a souligné le professeur Maurice Kamto, « un accord dont la violation n’est susceptible d’entraîner aucune responsabilité est dépourvu de toute portée pratique » [18].
En guise de conclusion, on peut admettre que le débat autour du respect des Etats de leurs obligations environnementales vis-à-vis de toute personne digne de vivre en pleine et entière sécurité et dans un environnement sain est loin d’être clôturé.
Un tel sujet nécessite la remise en question des enjeux relatifs aux dommages climatiques pouvant menacer l’exercice de nombreux droits de l’homme tels que les droits à la vie, à l’eau et à l’assainissement, à l’alimentation, à la santé, au logement, à l’autodétermination, à la culture et au développement [19].