I. La validité du licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l’entreprise et nécessitant un remplacement définitif du salarié.
L’article L 1132-1 du Code du travail interdit le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé.
Et pour cause, le licenciement d’un salarié absent pour maladie ne peut être justifié que par un motif réel et sérieux lié à l’intérêt de l’entreprise et autre que la maladie.
La jurisprudence précise que pour que le licenciement soit valable, l’employeur doit démontrer la réalité de la perturbation du fonctionnement de l’entreprise par l’absence prolongée du salarié, nécessitant son remplacement définitif qui doit intervenir à une date proche du licenciement [1].
L’existence de perturbations au sein de l’entreprise.
L’employeur doit faire état, dans la lettre de licenciement, de la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise causée par l’absence du salarié malade.
La mention dans la lettre de licenciement de perturbations au niveau du service ou de l’établissement du salarié absent ne permet pas de valider le licenciement, sauf si les absences perturbent effectivement le fonctionnement de l’entreprise, comme le confirme la Cour de Cassation dans un arrêt récent du 5 février 2020 [2].
La Haute juridiction précise de surcroît que l’absence du salarié doit avoir des effets perceptibles sur le fonctionnement de l’entreprise. L’employeur doit être en mesure de démontrer la désorganisation entraînée par les absences du salarié malade, de sorte que le licenciement prononcé alors que « les absences du salarié n’avaient pas entraîné une désorganisation telle que la clientèle n’ait pu être satisfaite », est dépourvu de cause réelle et sérieuse [3].
Ainsi, l’employeur ne peut invoquer une telle perturbation lorsque la charge de travail du salarié peut être aisément répartie entre les autres salariés durant son absence, ou lorsque le salarié peut être remplacé provisoirement jusqu’à son retour [4].
La jurisprudence exige, par ailleurs, un lien de causalité entre l’absence du salarié et les difficultés de l’entreprise [5].
La nécessité de remplacer définitivement le salarié.
Outre la perturbation du fonctionnement de l’entreprise, l’employeur doit démontrer la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent pour maladie et surtout, la réalité de ce remplacement.
La nécessité de remplacement définitif du salarié absent s’apprécie strictement et n’est reconnue que lorsque l’employeur engage un nouveau salarié par un contrat à durée indéterminée. [6].
Il a ainsi été jugé que le licenciement du salarié malade est abusif lorsque son remplacement est assuré par un salarié en contrat à durée déterminée [7].
La nécessité du remplacement définitif n’est pas davantage démontrée alors qu’à la date du licenciement, l’employeur est en mesure de remplacer provisoirement le salarié jusqu’à son retour [8].
De surcroît, le remplacement définitif doit intervenir à une date proche du licenciement.
La Cour de cassation a précisé que le caractère raisonnable du délai de remplacement du salarié licencié en raison de son absence pour maladie et de la nécessité de son remplacement définitif doit s’apprécier au regard de la date de licenciement [9].
A titre d’exemple, les juges du fond ont pu retenir que le remplacement définitif intervenu 3 mois et demi après le licenciement n’a pas eu lieu dans un temps proche du licenciement [10].
Quand bien même ces conditions seraient respectées, un employeur ne peut valablement évincer un salarié si son absence est la conséquence d’un harcèlement moral.
II. La nullité du licenciement pour absence prolongée consécutive à des actes de harcelèment moral.
Lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont celui-ci est l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation qu’une telle absence a causé au fonctionnement de l’entreprise [11].
Si le harcèlement moral est avéré, le licenciement est nul.
En effet, en application des dispositions des articles L 1132-1 et L 1132-4 du Code du travail, tout licenciement prononcé à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est discriminatoire et, par conséquent, nul de plein droit.
Ainsi, justifie sa décision de déclarer nul le licenciement la cour d’appel qui a retenu « l’existence d’un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur l’état de santé de la salariée, dont elle avait constaté l’absence de l’entreprise en raison de plusieurs arrêts de travail, et ayant fait ressortir le lien de causalité entre le harcèlement moral à l’origine de l’absence de la salariée et le motif du licenciement » [12].
En effet, en vertu des dispositions de l’article L 1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Conformément aux dispositions de l’article L 1154-1 du Code du travail, le salarié souhaitant obtenir la nullité de son licenciement pour absence prolongé est tenu de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, à charge pour l’employeur de démontrer que les faits peuvent s’expliquer par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
La jurisprudence précise, en outre, que les éléments apportés par le salarié doivent être appréciés dans son ensemble [13].
Il sera rappelé que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, constitue un harcèlement moral :
le fait pour l’employeur d’attribuer au salarié des tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d’un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail [14] ;
le fait pour un supérieur hiérarchique d’avoir manifesté à l’égard d’une salariée, sans fournir aucune explication ni lui adresser aucun reproche, un comportement empreint d’agressivité traduisant sa volonté de restreindre ses fonctions au sein de l’entreprise, la salariée ayant été soignée pour dépression [15].
Dès lors, est frappé de nullité le licenciement fondé sur les perturbations créées par des absences répétées pour maladie et nécessité de remplacement alors que les absences pour maladie, toutes justifiées par des arrêts de travail, étaient systématiquement reprochées au salarié et rappelées dans la lettre de licenciement [16].
Dans cette espèce, la Haute juridiction a considéré que le licenciement était en réalité motivé par les absences pour raison de santé auxquelles la société pouvait aisément faire face.
Les conséquences d’un licenciement nul peuvent être lourdes pour l’entreprise, puisqu’en vertu des dispositions de l’article L 1235-3-1 du Code du travail, le salarié victime d’un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ne pouvant pas être inférieure à 6 mois de salaire, étant précisé que l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte de dommages et intérêts pour préjudice moral [17].
La décision doit donc être prise avec prudence après une analyse approfondie de la situation.