La cession-transmission des entreprises en France connaît des difficultés. Un rapport de 2015 [1] de la député PS Fanny Dombre-Coste sur la transmission d’entreprises, faisait état de 60.000 cessions d’entreprises par an, dont 30.000 cesseraient leur activité, faute de repreneur. Cette situation aboutirait ainsi à détruire près de 37.000 emplois. A la lecture de ce rapport, Emmanuel Macron, alors Ministre de l’économie, proclamait que la transmission d’entreprises constituait un potentiel crucial de croissance et de créations d’emplois et appelait à une mobilisation des pouvoirs publics particulière en faveur des TPE et PME.
Plus récemment, une étude de BPCE [2] publiée en juin 2017, illustrait un phénomène sous-estimé d’au moins 25%, ce qui représentait a minima 75.000 opérations par an.
Les sénateurs LR Claude Nougein et Michel Vaspart, auteurs d’un rapport sur le sujet il y a un an, ont déposé le 7 mars une proposition de loi afin de moderniser la transmission d’entreprise. Cette problématique centrale de la cession d’entreprises a été reprise dans l’un des volets du projet de loi "Pacte" de Bruno Le Maire.
Une des mesures phares de la loi "Pacte" est en effet la simplification des conditions de transmission des entreprises qui prendra la forme d’une modification du Pacte Dutreil. Pour rappel, ce Pacte Dutreil-Succession permet, sous certaines conditions, une exonération de 75% du patrimoine soumis aux droits de succession. Si cette exonération est avantageuse, elle ne semble pas être suffisante pour limiter les cessions d’activité à l’occasion de transmissions.
I. L’assouplissement des conditions du Pacte Dutreil.
Souhaitant remédier à cette situation, une consultation publique a été lancée en 2017. A cette occasion, le MEDEF appelait à "simplifier et sécuriser le fonctionnement des pactes Dutreil", rappelant que ceux-ci sont "un outil très efficace pour faciliter ces transmissions mais restent complexes dans leur fonctionnement".
Ainsi, les héritiers de l’entreprise familiale sous soumis à différentes obligations découlant du Pacte Dutreil [3] :
un engagement collectif, les héritiers s’engagent à conserver les titres pendant deux ans ;
un engagement individuel, lors de la transmission de l’entreprise, par décès ou donation, les héritiers sont tenus, individuellement, à une obligation de conservation des titres de quatre ans.
S’agissant de ces obligations, il n’est pas question de les modifier. De même, il est peu probable que le gouvernement accède à la demande des sénateurs, qui dans un rapport publié en février 2017, réclamaient une réduction de la base taxable de 90%, contenant le montant elle des droits de succession nonobstant l’abattement de 75%.
L’assouplissement des conditions du Pacte-Dutreil dans le cadre de la loi Pacte devrait porter sur l’obligation des héritiers d’exercer des fonctions au sein de l’entreprise transmise. En effet, il incombe à l’un des héritiers repreneurs d’exercer son activité principale ou des activités de direction (directeur général) pendant l’engagement collectif et après la transmission de l’entreprise. La consultation publique proposait de substituer ce critère de maintien des fonctions de direction au sein de l’entreprise éligible au pacte Dutreil par un autre critère qui consisterait en un engagement de conservation des titres et de développement de l’entreprise. Ces nouvelles exigences imposées aux héritiers par le gouvernement devraient permettre d’assurer la pérennité de sites industriels.
II. D’autres moyens de faciliter les transmissions d’entreprises.
En plus de la modification du Pacte-Dutreil, un site qui référencerait les entreprises cherchant un repreneur pourrait aussi être lancé [4]. « Une telle option va dans le bon sens et n’est pas incompatible avec le besoin de confidentialité que nécessitent ces opérations de reprise, observe Alain Tourdjman, le directeur des études économiques et de la prospective du groupe BPCE. Ce type de plateformes privées existe déjà, et elles sont conçues de telle façon qu’elles permettent d’anonymiser les offres. »
D’autres pistes sont évoquées pour fluidifier la cession-transmission d’entreprise devraient se retrouver aussi dans la loi Pacte. Les chefs d’entreprise qui ont envie de passer la main devraient ainsi être d’avantages épaulés et anticiper davantage leur opération de cession. En effet, il apparait que seule la moitié des chefs d’entreprises qui envisagent de céder leur société à court terme (moins de deux ans) a suffisamment préparé la cession. Ainsi, une étude du cabinet Deloitte [5] de janvier 2017 sur les entreprises familiales indique que 59% des dirigeants n’ont pas de plan de succession défini et que 37% n’ont encore identifié aucun successeur.
Une modification de la loi Hamon de 2014 [6] relative à l’économie sociale et solidaire, qui impose aux dirigeants d’entreprises de moins de 250 salariés souhaitant céder leur entreprise une obligation d’information préalable des salariés afin qu’ils puissent former une offre de reprise, est aussi envisagée. Cette obligation d’information préalable des salariés est critiquée par les professionnels car entrainant une perte de confidentialité, qui peut déstabiliser les équipes dirigeantes en place.
Enfin, s’agissant de la présentation des pièces ouvrant droit à l’exonération partielle du Pacte Dutreil, lors des débats sur le PLF pour 2018, Mme Louwagie, députée de l’Orne et membre de la Commission des Finances, jugeait qu’il était « excessif que le défaut de production d’une pièce justificative entraîne, sans mise en demeure préalable, la remise en cause pure et simple d’une exonération ou d’une réduction de droits d’enregistrement ». Celle-ci a déposé un amendement au PLF 2018 (Amendement reprenant la mesure 1.13 du rapport Mandon) visant donc à remédier à cette situation en prévoyant que le défaut de production d’une pièce justificative ne remettra pas en cause le bénéfice d’un régime de faveur « Dutreil » si le contribuable la produit dans le délai d’un mois de la réception d’une mise en demeure de l’Administration fiscale.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable estimant qu’il s’agissait « d’une proposition qui risque d’être comprise comme une autorisation généralisée de non-respect de l’obligation de production des justificatifs ». Cette proposition d’aménagement de la sanction frappant le non-respect des obligations déclaratives dans le cadre de l’exonération partielle du Pacte Dutreil devrait finalement être intégrée au projet de loi PACTE .