Salariés, cadres, dirigeants : l’optimisation sociale et fiscale du départ négocié.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # optimisation fiscale # indemnité de conciliation # négociation de départ # rupture conventionnelle

Lors d’une négociation de départ (rupture conventionnelle, transaction, etc.), l’optimisation du package indemnitaire constitue un enjeu d’une importance capitale. Différents leviers peuvent être actionnés dans cet objectif.

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1/ Eviter la rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de convenir aisément des modalités et conditions de la rupture du contrat de travail [1].

Ce dispositif est très répandu et 129 600 ruptures conventionnelles ont été homologuées au 4e trimestre 2022 en France métropolitaine dans le secteur privé hors agriculture et particuliers employeurs, soit + 4,7% par rapport au trimestre précédent [2].

Pourtant, la rupture conventionnelle présente plusieurs inconvénients qui incitent l’employeur et le salarié à la délaisser lorsque les enjeux financiers sont significatifs.

Tout d’abord, depuis le 1er janvier 2013, l’indemnité de rupture conventionnelle est soumise au forfait social de 20% dès le premier euro.

Le forfait social est à la charge de l’employeur mais son montant peut, par répercussion, impacter à la baisse l’indemnité que celui-ci est disposé à concéder au salarié.

Par ailleurs, si le salarié peut prétendre à une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, l’indemnité de rupture conventionnelle est intégralement soumise aux cotisations de Sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS et à l’impôt sur le revenu [3].

Enfin, la partie de l’indemnité conventionnelle qui dépasse le montant de l’indemnité légale de licenciement déclenche un différé spécifique d’indemnisation Pôle Emploi pouvant atteindre 150 jours.

En effet, le différé d’indemnisation spécifique tient compte de la part des indemnités de rupture du contrat de travail qui excède les montants minimums fixés par la loi [4].

Le différé spécifique se calcule de la façon suivante :

Différé spécifique = Indemnités supra légales liées à la rupture du contrat de travail ÷ 102,4

Le diviseur, fixé à 102,4 pour 2023 évolue chaque année en fonction du plafond annuel du régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale.

En définitive, en présence de montants importants, la rupture conventionnelle est généralement déconseillée car elle n’offre pas de possibilités d’optimisation.

2/ Privilégier l’indemnité forfaitaire de conciliation.

La rupture conventionnelle n’est pas le seul dispositif permettant de mettre fin au contrat de travail en contrepartie d’une indemnité librement négociée.

Dans bien des cas, il est nettement plus avantageux, pour le salarié cadre ou dirigeant, de négocier un licenciement indemnisé par le versement d’une indemnité forfaitaire de conciliation.

Explications : l’article L1235-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de litige, lors de la phase de conciliation, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’y mettre un terme par accord.

Cet accord prévoit le versement, par l’employeur au salarié, d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.

Ce barème est fixé par l’article D1235-21 et varie entre 2 mois de salaire (pour moins d’un an d’ancienneté) et 24 mois de salaire (à partir de 30 ans d’ancienneté).

L’indemnité forfaitaire de conciliation présente un double avantage :

  • D’une part, elle est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite du barème, ce qui peut se révéler extrêmement avantageux. L’indemnité transactionnelle ne bénéficie pas du même régime de faveur et il faut donc, toujours, procéder à une analyse comparative.
  • D’autre part, lorsque l’indemnité forfaitaire de conciliation correspond aux montants prévus par le barème, elle est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique Pôle Emploi. Le salarié peut donc éviter, tout à fait légalement, un délai de carence de 150 jours.

3/ Négocier sur l’exécution du contrat de travail.

La négociation d’une indemnité transactionnelle portant non sur la rupture mais sur l’exécution du contrat de travail, s’accompagne d’un traitement social et fiscal particulièrement favorable.

Afin d’en bénéficier, le salarié doit caractériser un préjudice totalement déconnecté de la notion de salaire (ex. harcèlement moral, souffrance au travail, mise au placard, humiliations, etc.).

En ce cas, selon l’Administration, les sommes versées par l’employeur ne doivent pas être assujetties aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de Sécurité sociale [5].

Il en résulte que les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un préjudice physique, psychique, psychologique, moral, d’image, etc. s’entendent « nettes de toutes charges ».

La Cour de cassation confirme clairement cette analyse lorsque

« la commune intention des parties d’indemniser les salariés des conséquences du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail » [6].

Sur le plan fiscal, l’indemnité versée au salarié en réparation d’un préjudice moral ou physique lié à l’exécution du contrat de travail n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu.

En effet, les dommages-intérêts versés au salarié à ce titre ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts définissant le régime imposable.

Ainsi, les dommages-intérêts liés à un préjudice se rattachant à l’exécution du contrat de travail sont traités de manière très favorable par l’administration sociale et fiscale.

4/ Négocier son départ à la retraite.

Le taux de l’indemnité légale de départ en retraite oscille entre un demi-mois de salaire après 10 ans d’ancienneté et deux mois de salaire après 30 ans d’ancienneté [7], ce qui est souvent perçu comme très faible par les intéressés.

Pour la Cour de cassation, l’indemnité versée au salarié qui quitte volontairement l’entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse n’a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue donc une rémunération [8].

Il en résulte qu’elle est soumise, dans sa totalité :

  • aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale ;
  • à l’impôt sur le revenu.

Toutefois, des solutions d’optimisation s’offrent - heureusement - au salarié « senior ».

D’une part, le salarié n’ayant pas atteint l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein peut s’engager dans une négociation de départ « classique » avec l’employeur.

De cette manière, il peut être éligible à une indemnité au régime social et fiscal favorable (cf. § 1 à 3), ainsi qu’à une prise en charge par Pôle Emploi, le cas échéant jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.

D’autre part, le salarié pouvant bénéficier d’une pension de retraite à taux plein mais n’ayant pas atteint 70 ans peut négocier une mise à la retraite par l’employeur.

En effet, ce salarié ne peut pas être mis à la retraite d’office par l’employeur et peut donc négocier sa sortie des effectifs.

Sur le plan social, l’indemnité de mise à la retraite est exonérée des cotisations de sécurité sociale :

  • Dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 87 984 euros en 2023 ;
  • Et à hauteur de l’indemnité non imposable à l’impôt sur le revenu, soit le plus élevé des 3 montants suivants [9] :
    • Le montant de l’indemnité prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
    • La moitié du montant total de l’indemnité de mise à la retraite ;
    • Deux fois le montant du salaire annuel brut perçu par le salarié l’année civile précédant la rupture du contrat.

L’exonération ne joue que si le montant total n’excède pas 10 fois le PASS, soit 439 920 euros en 2023.

A défaut, l’indemnité de mise à la retraite est intégralement assujettie à cotisations [10].

Enfin, l’indemnité de mise à la retraite est exclue de la CSG et de la CRDS, indépendamment de son assujettissement à l’impôt sur le revenu, dans la limite du plus petit des montants suivants [11] :

  • Soit le montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi ;
  • Soit le montant exclu des cotisations de sécurité sociale.

En conclusion, en présence d’un dossier de départ négocié, il est fondamental de procéder à une analyse sociale et fiscale personnalisée, afin d’identifier et d’actionner tous les leviers de négociation mais aussi d’optimisation.

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1C. trav. art. L1237-11.

[2Source : Dares.

[3BOSS-Ind. rupture-1040.

[4Règlement d’assurance-chômage. art. 21 et 23 Circ. 2021-13 du 19-10-2021.

[5Boss rupture, § 1720.

[6Civ. 2. 17-2-2022, n°20-19.516.

[7C. trav. art. D1237-1.

[8Cass. soc. 30-1-2008, n° 06-17.531.

[9CGI art. 80 duodecies ; CSS art. L242-1, II-7°.

[10CGI art. 80 duodecies ; CSS art. L242-1, II-7°.

[11CSS art. L136-1-1, III-5°.

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