Introduite par la Loi « Gazier » de 1957, la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) consiste en une obligation, à la charge des entreprises privées d’au moins 10 salariés, d’engager des travailleurs en situation de handicap (dans les proportions de 10% de son effectif). Tendant à faciliter les conditions de travail des salariés et favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Posées par l’article L4121-1 du Code du travail, les conditions de travail sont, en somme, l’ensemble des conditions d’ordre physique et psychique, matériel et temporel, dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle.
Progressivement, deux autres réformes sont venues compléter le statut de la RQTH.
La première, Loi du 10 juillet 1987, a eu pour effet de réduire le quota d’emploi à 6% et institué une obligation d’emploi en faveur des travailleurs handicapés. De même que les victimes d’accidents de travail ou maladies professionnelles.
La seconde, la Loi 11 février 2005, apporte un renouveau de la définition du travailleur handicapé, en remplaçant les Cotorep par les MDPH. Depuis lors, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé relève de la compétence exclusive de la CDAPH.
Au fond, au gré des évolutions législatives, la lancinante question relative aux conditions de travail des salariés handicapés, demeure entière.
Renforcement des obligations de l’employeur.
Véritable avancée en termes d’inclusion, la Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel [1], à travers l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), impose, à toute entreprise occupant au moins 20 salariés, d’employer, à temps plein ou à temps partiel, des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la proportion de 6% de son effectif.
De la même manière, les employeurs sont tenus à une obligation de résultat. Pourtant, force est de relever que, depuis le 1erjanvier 2020, seul l’emploi direct de travailleurs handicapés permet de satisfaire cette obligation.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2020, dès lors que le handicap est reconnu comme irréversible, la RQTH est attribuée de façon définitive [2].
De surcroit, l’article L4121-1 du Code dudit Code fixe le régime générale de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, en matière de santé, sécurité et conditions de travail :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur est doté d’une obligation générale de sécurité à l’égard de ses salariés handicapés. Parmi ces mesures, il y figure des actions de prévention de risques professionnels, des actions d’information et de formation ».
Mesures à caractère impératif, elles prennent la forme d’adaptations ou encore de transformations de poste, devant être justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des salariés.
Aménagements préconisés par le médecin du travail, en application de l’article L4624-1 du Code précité [3].
En ce sens, en vertu des obligations sus-rappelées, l’employeur est contraint de respecter les recommandations médicales. Ceci, quel que soit la nature de l’avis du médecin : aptitude ou inaptitude du salarié.
De ce fait, s’agissant de la charge de la preuve, il appartient à l’employeur de justifier qu’il a effectivement procédé à l’adaptation, formellement préconisée [4].
En clair, si l’employeur récuse l’avis du médecin du travail, il commet un manquement à son obligation, assorti de paiement de dommages et intérêts au salarié lésé [5].
Pour ce qui concerne la situation du salarié handicapé, l’article L5213-6 du Code du Travail énonce que :
« L’employeur doit prendre en fonction des besoins, dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée (…) ».
Concrètement, les mesures appropriées doivent être « des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap » [6].
Au fond, l’amélioration des conditions de travail des salariés handicapés, entend la possibilité de bénéficier d’aménagement des horaires. S’y ajoute l’accès au télétravail dans des conditions assouplies [7].
Par ailleurs, autre aménagement requis, l’accessibilité, aux termes de l’article R4225-6 du Code précité, dans le cadre de leur activité professionnelle : « les travailleurs reconnus handicapés par la CDAPH doivent accéder à leur poste de travail dans des conditions aménagées si leur handicap l’exige ».
Enfin, l’employeur ne peut maintenir son salarié handicapé sur un poste inadapté. En vertu de l’obligation de sécurité de résultat, ici, un reclassement doit être envisagé.
A cet égard, au visa de l’article R4225-6 Code du même code, il a été jugé que
« l’employeur qui avait refusé de suivre les préconisations du médecin du travail pour aménager le poste d’une salariée reconnue travailleur handicapé a manqué à son obligation de sécurité de résultat, celui-ci ne rapportant pas la preuve de sa recherche d’aménagements du poste de travail » [8].
Qui plus est, aux fins d’aménagement, l’employeur doit mettre en place des mesures efficaces et pratiques. Il s’agit là d’une obligation d’aménagement « raisonnable » qui prend sa source dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, transposée dans la législation nationale par la Loi n°2005-102 du 11 février 2005. Le refus, par l’employeur, de prendre de telles mesures peut être constitutif d’une discrimination.
Sauf s’il démontre que la circonstance constitue, pour lui, une charge disproportionnée.
Sur un autre registre, quid des pratiques des entreprise œuvrant à l’amélioration des conditions de travail des salariés handicapés ?
Changement de « process », nouvelle culture d’entreprise.
L’inclusion professionnelle des salariés en situation de handicap fait échos à la problématique de la mise en œuvre des prescriptions légales. Selon Sylvie Foresti, « pour faire évoluer durablement les mentalités et les pratiques, il est indispensable d’ancrer l’emploi des personnes handicapés dans la culture de l’entreprise » [9].
Sous l’effet de récentes réformes, les entreprises mettent en place des outils innovants et usages visant à l’inclusion épanouie du salarié en situation de handicap.
Il va de soi que les entreprises qui misent sur l’inclusion du handicap, gagnerait en visibilité sociétale et en RSE. Il reste que ce processus requiert l’implication de l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
D’une part, les représentants du personnel jouent un rôle cardinal dans la politique d’emploi des travailleurs handicapés. Interface entre la direction et les salariés, les IRP apparaissent comme un relais de sensibilisation du salarié, notamment dans le cadre de l’accompagnement - parcours RQTH.
En cela, la préservation des ressources de l’entreprise passe par le recours au dialogue, contributif et inclusif, outre la médiation intra-entreprise [10]. Evitant, dès lors, le recours juridictionnel, avec à la clé l’élaboration d’une issue négociée, pérenne.
D’autre part, l’intervention du CSE [11] relève d’une priorité centrale.
La nouvelle instance a pour objectif de promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise. Concrètement, entre autres, le CSE est sollicité relativement aux mesures prises, en vue de faciliter le maintien de l’emploi des travailleurs handicapés.
Du reste, s’agissant des AT/MP et le handicap, incombe, à ce titre, au CSE une mission de prévention, engageant l’employeur, notamment en termes d’assistance aux salariés en situation de souffrance, aggravée par le handicap.
Responsabilité de l’employeur et l’inclusion des salariés en situation de handicap.
Principe constant, aucune personne ne peut être écartée du processus de recrutement en raison de son état de santé ou de son handicap sous peine de sanctions [12].
En guise de mesures nécessaires, à l’effet d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la qualité de vie au travail (QVT) [13] procède d’un outil aussi accessible qu’efficace.
Sommairement, la QVT désigne les « actions d’amélioration des conditions de travail des salariés et de la performance globale des entreprises, d’autant plus quand leurs organisations se transforment » (extrait de l’ accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 sur la QVT).
Levier de performance et bien-être, la dimension QVT est renforcée par Loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Laquelle transpose l’ANI conclu le 10 décembre 2020 par les partenaires sociaux en vue de réformer la santé au travail.
Expression d’un sentiment de bien-être au travail, la QVT va de pair avec la santé, sécurité et conditions de travail.
Corpus de mesures concrètes, l’employeur est tenu de les soumettre à la négociation, selon une périodicité fixée par accord collectif ou, à défaut, tous les 4 ans, les outils de la QVT [14].
Du point de vue de la protection des travailleurs handicapés, le Code du Travail instaure une protection spéciale réservée aux salariés victimes d’une maladie professionnelle, ou possédant une RQTH [15].
A cet égard, un handicap dit « invisible » (ex : psychopathologie, troubles psychologiques etc…) peut se révéler durant l’exécution du contrat de travail, consécutif à un accident / maladie du travail, ou à tout autre facteur externe. Le salarié pouvait ignorer lui-même sa situation ou en avoir conscience. Cela étant, il n’est point tenu à une quelconque obligation de déclarer sa situation de handicap.
Toujours est-il que, en amont de la déclaration, par le salarié, l’entreprise doit, au titre de l’obligation de sécurité de résultat, mettre en place une politique d’inclusion et de maintien de l’emploi.
En somme, eu égard à l’importance du nombre de salariés en situation de handicap non déclaré, il s’agit de sensibiliser, salariés et acteurs internes à l’entreprise, de nature à les associer, au travers d’actions inclusives, tendant à garantir, à la fois, le bien-être et la santé du salarié en situation de handicap, bénéficiaire ou non de la RQTH (cf. Enquête d’opinion sur le handicap Harris Interactive pour l’Adapt, 09/2018).
« Conditions de travail » spécifiques au salarié handicapé.
En cela, s’est posée la question de savoir si la responsabilité de l’employeur serait engagée en cas de faute inexcusable, commise par celui-ci, due à son manquement à la nécessaire adéquation de l’état de santé du salarié avec les tâches confiées. Outre la satisfaction de l’obligation tenant aux conditions de travail appropriées, liées au handicap du salarié
Sur le terrain de la responsabilité, il résulte de la jurisprudence établie que la charge de la preuve pèse sur le salarié [16]. Dont la démonstration est souvent périlleuse. Ainsi, dans une décision du 10 octobre 2019 de la 2e chambre civile, la Haute assemblée procède à une interprétation stricte de l’article 452-1 du Code de la sécurité sociale, jugeant que la la démonstration de la faute inexcusable incombe au salarié.
« La Cour d’appel a privé sa décision de base légale en ce qu’elle retient la responsabilité de l’employeur, sans rechercher si l’employeur pouvait avoir une connaissance précise de la situation du salarié compte tenu de l’absence de preuve… et de l’absence de possession d’éléments médicaux récents ».
En outre, si la RQTH est reconnue à toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites du fait de la dégradation d’au moins une fonction physique, sensorielle, mentale ou psychique, il n’en demeure pas moins que tout handicap n’induit pas, mécaniquement, une RQTH. D’où il suit que des travailleurs pourtant handicapés se trouvent privés de cette reconnaissance. Et, partant, de la compensation. Inégalité caractérisée qui, selon Dominique Gillot, doit conduire à « passer à une délivrance définitive de la RQTH pour les handicaps irréversibles » [17].
En dernière analyse, la Loi du 1er août 2018 a renforcé l’octroi de la RQTH définitive en cas de handicap irréversible. L’inclusion effective et généralisée, impérieuse obligation collective, s’apprécie à l’aune du respect des droits du salarié en situation de handicap.