Urbanisme en montagne : le PLU du Grand-Bornand face aux enjeux environnementaux.

Par Orlane Sommaggio, Avocate.

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Explorer : # urbanisme # environnement # développement touristique # changement climatique

Dans un monde où les enjeux environnementaux sont plus pressants que jamais, les décisions d’urbanisme dans nos montagnes ne peuvent plus être prises à la légère. Le plan local d’urbanisme (PLU) du Grand-Bornand, station prisée des Alpes, soulève des questions cruciales quant à l’équilibre entre développement économique et préservation de l’environnement.

TA Grenoble, 6 mars 2024, n° 2003742.

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Alors que les projets d’extension du domaine skiable et le développement touristique promettent d’attirer encore plus de visiteurs, un vent de contestation s’élève. L’association locale dénonce une évaluation environnementale jugée insuffisante et des mesures de protection de l’environnement négligées.

Ce combat pour l’avenir des Alpes est révélateur des dilemmes auxquels sont confrontées les communes montagnardes : comment concilier croissance et durabilité dans un écosystème fragile ?

Retour sur la décision du TA Grenoble, 6 mars 2024, n° 2003742.

Le Grand-Bornand, station de ski emblématique des Alpes, a récemment approuvé son nouveau plan local d’urbanisme (PLU), qui prévoit l’extension du domaine skiable et le développement de l’offre touristique. Toutefois, ce projet suscite de vives critiques. Une association locale a déposé un recours, arguant que le rapport de présentation du PLU ne justifie pas suffisamment les choix d’aménagement au regard de leur impact sur l’environnement.

Les requérants soulignent l’absence de mesures de compensation adéquates pour les atteintes environnementales causées par l’urbanisation et mettent en lumière des incohérences dans les prévisions démographiques et touristiques. En particulier, la question de la ressource en eau, mise à mal par l’augmentation de la consommation liée à la neige de culture, ainsi que le manque d’analyse face aux effets du changement climatique, soulèvent des préoccupations majeures.

Face à ces enjeux, l’association demande une annulation du PLU, appelant à une réévaluation sérieuse des décisions d’aménagement en lien avec la protection de l’environnement et la durabilité du territoire montagnard.

1. Absence de mesures de « compensation ».

L’association requérante souligne l’absence de mesures de compensation dans le rapport de présentation. Bien que l’absence de telles mesures ne semble pas problématique en soi, il convient de rappeler qu’elles ne s’appliquent que lorsque les atteintes à l’environnement n’ont pu être évitées ou réduites. En l’espèce, une unique mesure a été mentionnée : la mise en œuvre de dispositifs de rétention et d’infiltration des eaux pluviales. Cette mesure est considérée comme largement insuffisante face aux atteintes environnementales identifiées et aux lacunes dans les mesures de réduction.

Les lacunes concernant la séquence « éviter, réduire, compenser » sont réelles et nuisent à l’information complète du public. Elles pourraient influencer la décision finale de l’autorité administrative, renforçant ainsi la légitimité de l’association requérante dans sa demande d’annulation de la délibération approuvant le plan.

2. Insuffisances des mesures de protection de l’environnement accompagnant le développement touristique.

A. Absence de justification du projet d’extension du domaine skiable.

Le rapport de présentation ne justifie pas le projet d’extension du domaine skiable et de la liaison avec La Clusaz, en méconnaissance des dispositions de l’article L104-4 du Code de l’urbanisme. Cette absence de justification est problématique, car elle empêche le rapport de jouer son rôle explicatif et d’exposer les raisons pour lesquelles le projet a été retenu, notamment du point de vue de la protection de l’environnement.

Les auteurs du rapport ne justifient pas adéquatement les atteintes à l’environnement liées aux activités sportives hivernales, malgré leur mention dans l’état initial de l’environnement. Les projets, à peine évoqués, manquent de justifications substantielles.

B. Incidences du projet sur la ressource en eau et prise en compte du changement climatique.

Un des objectifs du PADD (Projet d’aménagement et de développement durables) est de soutenir le dynamisme économique de la station, en renforçant le développement des domaines skiables. Cependant, le rapport ne fournit aucune analyse des impacts environnementaux associés à ce développement, notamment en ce qui concerne la ressource en eau. L’association requérante a souligné une augmentation de 53% de la consommation d’eau liée à la neige de culture, dépassant même la consommation d’eau potable.

L’absence d’une évaluation prospective des usages de l’eau et des impacts liés au changement climatique constitue une lacune majeure. Les projections erronées et les incohérences dans l’analyse de la ressource en eau montrent un déni des enjeux environnementaux critiques.

3. Insuffisance du diagnostic et des choix opérés.

L’article L151-4 du Code de l’urbanisme impose un diagnostic robuste pour éclairer les choix d’aménagement. Cependant, le rapport présente des prévisions démographiques incohérentes. Par exemple, il projette une croissance de la population à un taux de 1,2%, alors que la population a diminué de 0,5% entre 2010 et 2016. Les auteurs en concluent un accroissement de 350 habitants pour une population de 2 600 en 2030, ce qui semble erroné.

Cette incohérence influence les décisions d’ouverture à l’urbanisation de terrains nécessaires à la création de logements, remettant en question la fiabilité des choix opérés.

Concernant le développement touristique, la perspective de création de 1 500 lits supplémentaires est insuffisamment justifiée, surtout face aux effets du changement climatique. La seule justification basée sur le développement économique est inadéquate, compte tenu des lacunes dans l’évaluation environnementale.

Face aux enjeux environnementaux croissants auxquels sont confrontées les communes de montagne, il est impératif de revoir la manière dont nous concevons l’urbanisme et le développement touristique. L’affaire du Grand-Bornand illustre parfaitement la nécessité d’une approche intégrée, qui ne se limite pas à des considérations économiques, mais qui place la protection de l’environnement au cœur des décisions d’aménagement.

Orlane Sommaggio
Avocate au barreau de Grenoble
Enseignante en droit de l’urbanisme
os chez sommaggio-avocat.fr

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