Les faits
Un ouvrier carreleur est licencié pour insuffisance professionnelle. L’employeur a reçu le salarié pour l’entretien préalable au licenciement mais la convocation à cet entretien et la lettre de licenciement qui lui fait suite sont établies et signées par l’expert-comptable de l’employeur.
La décision
La Cour de cassation rappelle l’article L 1232-6 du Code du travail :
« Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué. »
Elle en tire la conséquence suivante :
« La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme. »
Or, les faits démontraient que l’expert-comptable de l’employeur, personne étrangère à l’entreprise, avait conduit la procédure de licenciement au mépris des dispositions de l’article L1232-6.
Devait-on juger que seule la procédure de licenciement était irrégulière sans que le motif de licenciement ne soit pour autant vicié ? C’est ce qu’avaient déclaré les juges de la Cour d’Appel d’Angers… Ils avaient alloué à l’ouvrier une modique indemnité de 1.000 euros pour procédure irrégulière.
Non ! dit la Cour de cassation. Le motif même de licenciement devient inopérant dans ce cas. Le licenciement de l’ouvrier est donc « sans cause réelle et sérieuse » et il doit percevoir de son employeur des dommages-intérêts pour licenciement « abusif » (ou sans cause réelle et sérieuse).
A ce jour, nous ignorons quel montant de dommages-intérêts l’ouvrier carreleur va percevoir lorsque l’affaire sera à nouveau examinée par une autre Cour d’Appel. Sa demande s’élevait à 20.000 euros… Et il percevra aussi une somme de son employeur pour rembourser une partie de ses frais d’avocat. La somme accordée à ce titre en appel à Angers, 2 .500 euros, pourrait être confirmée.
Conclusion et conseil RH
Voilà, au final, une « ardoise » conséquente - et fort inopportune - pour un licenciement délégué par une entreprise à son expert-comptable, un licenciement pour lequel, d’ailleurs, des honoraires auront été versés par l’entreprise à son expert-comptable.
Voilà, surtout, une décision qui tombe à point nommé pour rappeler à tous les dirigeants de PME et TPE qui seraient tentés de le faire qu’il leur appartient de mener eux-mêmes la procédure de licenciement de leurs salariés et que leur expert-comptable ne peut agir comme leur « DRH externalisé »…