Durant le match d’entraînement, un joueur tente le fameux « retourné ».
Malheureusement, n’est pas Zlatan qui veut, et si la balle n’est guère touchée, en revanche, la poitrine d’un vaillant défenseur, elle, se trouve bien enfoncée. Bien malheureusement, celui-ci est gravement blessé, avec des séquelles lourdes et irrémédiables. Pour une part, les dommages proviennent également de dysfonctionnements dans la prise en charge médicale, qui ne sera pas, en l’espèce, vraiment inquiétée judiciairement.
Or, le ballon est le seul corps que le pied est autorisé à frapper, par la norme interne du terrain. Les coups de pieds sur les autres joueurs sont prohibés et sanctionnés, même ceux donnés par inadvertance (« loi 12 » du règlement international du football).
La victime est déboutée par le Tribunal de grande instance de sa demande d’indemnisation formulée contre l’auteur et contre le club, au visa des articles 1382, 1383 et 1384 alinéas 1, 4 et 7 du Code civil.
Car pour constater la présence d’une faute civile, encore faut-il que le dommage soit intentionnel. Les faits, à l’inverse, montrent que l’auteur du dommage n’a pas pu voir la victime, qui arrivait dans son dos. Pas de coup de pied visant délibérément un joueur, pas de faute.
Le dommage provient en fait de la concomitance d’actions des deux joueurs, cherchant le ballon, l’un ne voyant pas l’autre, et non de l’acte d’un joueur sur l’autre. La cause du dommage réside dans « la volonté de conquérir le ballon ». Il s’en déduit que le ballon n’est pas la cause du dommage et que la recherche de son gardien est vaine.
En l’absence de faute du joueur, la responsabilité civile du club ou de l’association sportive ne peut être actionnée [2].
Au final, la Cour juge que la faute interne au jeu, la faute sportive, n’est pas équipollente à la faute civile. Elle rappelle que les joueurs acceptent les risques du jeu quel que soit le type de match « l’implication des joueurs étant la même à l’entraînement qu’en compétition ».
L’acceptation des risques comme limite à la responsabilité du fait des choses ne peut, ici, s’appliquer (à l’inverse, dans un dommage différent : Cour de cassation, Civ. 2e 4 novembre 2010, n°09.65-947, 1988).
Le retourné, ou ciseau, s’il est dangereux, effectué sans précaution, peut être sanctionné sportivement, mais pas civilement. Le « fait de jeu » n’est pas une faute civile.
Attention donc au maniement du « retourné », au Brésil comme ailleurs : le football garde une place abritée civilement, pour la violence physique. Par définition, cette acrobatie dangereuse ne permet pas de voir un éventuel adversaire ou coéquipier de jeu arriver en direction du pied.
C’est peut-être également vrai en économie ou en politique, d’ailleurs.
Discussion en cours :
Je poste ce commentaire au sujet de cet article car il m’intéresse en tant que juriste (M1 droit) et personnellement puisque je suis victime d’un accident sportif qui souhaite l’indemnisation de son préjudice.
Cet article à le mérite d’aborder un sujet banal de la vie courante qui peut arriver à tous le monde. Mais sous cet aspect banal d’une blessure sportive et particulier du retourné dans le jeu de foot, se cache des implications juridiques complexes qui ne sont qu’esquissées par cet article.
Oui sur le problème de l’intentionnalité de la faute civile qui distingue la faute sportive de la faute civile.
Mais dire que la faute sportive n’est pas forcément une faute civile n’est pas particulièrement éclairant sur le fait de savoir quand une faute sportive devient une faute civile, au regard de la complexité de l’élément intentionnelle qui mérite un plus grand éclaircissement.
Quant à l’affirmation de l’inapplication du refus de la théorie de l’acceptation des risques au delà de l’article 1384 C.Civ (art 1382 et 1383), la conclusion est hâtive car à ma connaissance aucun juge ne s’est prononcé sur ce problème juridique et il n’y a aucune argumentation juridique qui vient soutenir sa thèse par l’auteur de l’article (c’est donc une opinion qui peut être débattue).
En conclusion, cet article est intéressant mais mérite des approfondissements à partir de la source de cet article qui est l’arrêt de la 2ème Civ Cour de Cassation du 4 novembre 2010.
Meunier Sylvain