Policiers municipaux et maintien de l’ordre : légal ou pas ?

Par Guillaume Normand, Avocat.

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Explorer : # maintien de l'ordre # police municipale # sécurité publique # réglementation

Le 9 février, le syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) indiquait sur son site internet intenter une action en justice en raison du fait que des policiers municipaux auraient fait partie du dispositif de maintien de l’ordre, le 6 février 2016 à Calais, à l’occasion de la manifestation dite « anti-migrants ».

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Dans une vidéo publiée sur Internet intitulée « moment de l’arrestation du général Piquemal » à la vingtième minute, il est en effet possible d’apercevoir un agent équipé de matériels de maintien de l’ordre (notamment un casque à visière et protection de nuque), revêtant un uniforme de la police municipale, tandis qu’une foule compacte est visible.

Or, les policiers municipaux ne participent habituellement pas aux dispositifs mis en place dans le cadre de manifestations, auxquelles ils ne sont par ailleurs pas formés. Dès lors, le SDPM indique que si les faits sont avérés ils constitueraient une mise en danger des agents de la police municipale.

Le SDPM indique également saisir le Défenseur des droits et la commission de déontologie de la sécurité.

Le SDPM poursuit en indiquant dans son communiqué que « la loi interdit formellement aux agents de police municipale de participer aux missions de maintien de l’ordre », qui diffère de la mission de « surveillance du bon ordre ».

Aux termes de l’article L 2212-5 du Code général des collectivités territoriales, « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».

La « surveillance du bon ordre » est une action de police administrative, préventive, relevant des pouvoirs du maire, mission habituelle de l’agent de police municipale, applicable dans les endroits de rassemblements tels que les foires, marchés, à l’exclusion des manifestations particulières dans lesquelles un risque de trouble à l’ordre public est prévisible.

Au contraire, le « maintien de l’ordre » est un dispositif déployé de façon spéciale à l’occasion particulière d’une manifestation, autorisée ou non, susceptible d’occasionner un trouble à l’ordre public. Il en est ainsi des manifestations à caractère social ou revendicatif. Il vise tant à maintenir l’ordre sans usage de la force, qu’à rétablir l’ordre. Une telle mission relève habituellement de la compétence des CRS, des brigades anti-criminalité (BAC) et des gendarmes mobiles.

Cela va de la surveillance et de l’encadrement de la manifestation, jusqu’à l’intervention pour disperser la foule, ou encore appréhender des auteurs de violences ou de dégradations. Les policiers municipaux ne sont pas formés à ces catégories d’interventions.

Le « maintien de l’ordre » relève, quant à lui, de l’autorité préfectorale.

Ainsi, il est vrai que le maintien de l’ordre est différent de la surveillance du bon ordre. Ce n’est pas la loi, mais le règlement qui interdit aux agents de police municipale de participer aux missions de maintien de l’ordre.

Le Code général des collectivités territoriales cantonne donc la compétence de la police municipale à la prévention et à la surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.

Par ailleurs, l’annexe du décret n° 2012-2 du 2 janvier 2012 relatif aux conventions types de coordination en matière de police municipale prévoit qu’ « en aucun cas il ne peut être confié à la police municipale des missions de maintien de l’ordre ».

L’action intentée par le SDPM semble donc avoir de sérieuses chances de prospérer, sauf à ce que la mairie de Calais démontre que la situation ne relevait pas d’une mission de maintien de l’ordre, ce qui serait contradictoire avec la présence de CRS et gendarmes mobiles.

Me Guillaume NORMAND

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 1er mars 2020 à 02:47
    par ANTOINE , Le 12 février 2016 à 13:01

    Bonjour,

    Je suis policier municipal depuis 32 ans. Les textes sont bien clairs, la Police Municipale n’a pas pour rôle de faire du maintien de l’ordre, car nous ne sommes pas formés pour cette mission. Il faut garder la vocation d’une police de proximité qui se doit d’être présente sur la voie publique ou dans les manifestations organisées par les villes. Nous avons un rôle de prévention et de médiation. Nous avons des pouvoirs bien définis et sommes sous l’autorité du Maire. Nous pouvons assistés les OPJ territorialement compétent, en dehors de notre circonscription avec accord du Procureur de la République
    je suis contre l’utilisation de la police municipale das missions de maintien de l’ordre. Il ne faut dénaturer nos missions.

    • par Miky , Le 13 février 2016 à 11:40

      Bonjour,
      les missions de PM sont claires. Mais il ne faut pas confondre police de proximité qui est un terme un peu fourre-tout utilisé par les médias pour rabaisser la police municipale et l’attentisme dont font preuve certains.
      Non les Pm ne font pas de maintien de l’ordre mais nous sommes parfois engagés sur ces manifestations ne serait-ce que pour réguler le trafic routier. Et lorsque malheureusement ça dégénère, il arrive que nous nous trouvions au milieu.
      De toute façon on intervient bien en protection des pompiers dans le cadre des violences urbaines alors un moment où un autre on évoluera dans cette direction

    • par Marcel b , Le 19 février 2016 à 05:13

      Le MO ce n’est pas que le rétablissement de l’ordre. Toute action qui vise à protéger, sécuriser une manif est du M.O. Un PM n’a rien à y faire car justement, il peut se retrouver de manière fortuite face à la violence.

    • par Loïc , Le 1er mars 2020 à 02:47

      Bonsoir Antoine merci pour votre point de vue, c’est intéressant ce que vous dites. Nous ne voyons malheureusement pas bcp de témoignages de membres des forces de l’ordre, qu’ils soient policiers municipaux, nationaux ou gendarmes et c’est bien dommage car depuis novembre 2017 et le début du mouvement des gilets jaunes, force est de constater qu’il y a un un gros, très gros problème avec le maintien de l’ordre et les violences policières, même si le président disait il y a qqs temps que les violences policières n’existaient pas et n’avaient pas lieu d’être dans un état de droit. Les gens qui sont allés en manifestation (même très peu de fois...) n’ont plus confiance dans la police et ceux qui n’y sont jamais allés se posent bcp de questions sur les forces de l’ordre. Comment en est on arrivés là ? C’est dramatique ce fossé qui s’est creusé entre le peuple et la police censée le protéger. La phrase du préfet de police de Paris Lallemen « nous ne sommes pas dans le même camp » à une manifestante gilet jaune est lourde de sens et dramatique, elle remet en cause tout ce pour quoi vous vous engagez, protéger et servir. J’aimerais avoir, dans la mesure du possible et sans vous mettre en porte-à-faux vis-à-vis de votre hiérarchie, votre point de vue sur tout ce que je décris précédemment. Cordialement. Loïc

  • Dernière réponse : 5 décembre 2018 à 20:56
    par jmc-dh - cnrs.fr , Le 12 février 2016 à 15:09

    Quand on fait du droit public, on différencie de manière particulière la Loi du règlement, selon la hiérarchie des normes.
    Mais quand on est spécialiste du contentieux administratif, on appelle "violation de la Loi" la violation de la règle de droit, que celle-ci soit la Loi ou le règlement.
    Lorsque le SDPM indique que le maintien de l’ordre est interdit par "la Loi" , l’organisation a doublement raison, et pour cause :
    1/ il s’agit d’une violation d’un ensemble de règles de droit ;
    2/ la violation rélève de la combinaison de textes relevant à la foi de la Loi (CGCT) et du règlement, mais aussi de la circulaire qui en droit administratif, fait force de droit, lorsqu’elle a un caractère impératif.

    Pour le reste, nous sommes d’accords.

    Jean-Michel C.
    Docteur en droit.

    • par VELLUTINI (USPPM) , Le 5 décembre 2018 à 20:56

      Il faut croire que nombre d’élus locaux sans présager que ceux-ci soient les donneurs d’ordre, n’aient aucun scrupule à faire assurer une telle mission à leurs policiers municipaux comme ce fut le cas déja en 2005 lors des émeutes, au point de constater que des policiers municipaux participent activement à des opérations de maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations de lycéens de ces derniers jours. Tout cela au nez et à la barbe des autorités qui localement complaisamment se taisent et laissent faire. De telles situations sont de nature à engager sans aucun doute la responsabilité pénale des agents et y compris celle des donneurs d’ordre dans un contexte particulièrement explosif où tout peut se produire, le pire sans doute. Si pour certains détourner la loi est un sport favori , il faudra sans aucun doute en cas d’incidents graves que les explications fournies devant un juge d’instruction soient suffisamment convaincantes pas sur que celui-ci adhère à la thèse d’une présence pour assurer la seule régulation de la circulation... de surcroit doté d’un casque, d’un flashball éventuellement d’un bouclier ..preuve de la conscience acquise de troubles à l’ordre public qui imposaient de s’abstenir de toute présence ! Réalité.

  • Ne vous est il jamais venu à l’esprit que cet agent ait revêtu un tel équipement simplement pour se protéger car elle était sur le même terrain que les autres...? Et que ce n’est pas parce-qu’elle porte un casque qu’elle fait forcement du MO... Mais qu’elle est protégée juste au cas où des projectiles volent ça et là.

    • par Marcel b , Le 19 février 2016 à 05:11

      Vous avez lu l’article ? Apparemment non. Vous avez un sérieux problème de définition.
      Faire du MO ce n’est pas que tapper sur les manifestants.
      Être simplement présent, surveiller ou encadrer une manifestation susceptible de dégénérer c’est du MO.
      Le MO c’est le préventif et le répressif. Le MO ne se résume pas qu’au rétablissement de l’ordre... De toute façon la loi est claire les circulaires aussi !
      Il y en a qui devraient repartir au cnfpt ou le cnfpt à revoir sérieusement le contenu de ses formations ou ses formateurs. Un PM n’a pas à se trouver à proximité d’une manifestation. Être là pour que ça se passe bien, même s’il ne fait pas du rétablissement de l’ordre, c’est du M.O.

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