Le Projet de loi de finances pour 2014 : une pause fiscale ?

Par Eve d’Onorio di Méo, Avocat.

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Explorer : # fiscalité # impôt sur le revenu # plus-values # entreprises

Après un « budget de combat » pour 2013 imposant rigueur aux ménages et aux entreprises, le Gouvernement a dévoilé ce mercredi 25 septembre le projet de loi de finances pour 2014 visant à encourager la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Dans ce contexte, le budget 2014 semble marquer une « pause fiscale » avec une stabilisation des prélèvements obligatoires pour les ménages au détriment des entreprises.

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Son examen débutera à l’Assemblée nationale à partir du 9 octobre et il sera voté en fin d’année. Contrairement au projet de loi de finances précédent, la plupart des mesures sont applicables à compter du 1er janvier 2014, et seulement les mesures les plus favorables (plus value sur cessions de valeurs mobilières et plus value immobilières) sont d’application immédiate, voire rétroactive.

1. Fiscalité des particuliers

Barème de l’impôt sur le revenu et quotient familial

Il est proposé une revalorisation de 0.8% des limites des tranches de revenus du barème de l’impôt.

Le plafond du quotient familial serait à nouveau abaissé à 1 500 euros (au lieu de de 2 000 euros), à compter de l’imposition des revenus 2013, pour chaque demi-part accordée pour charge de famille, à l’exception de certaines situations (parents isolés, invalides, veufs ayant élevé des enfants à charge).

Taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versées par les entreprises

Afin de remplacer la taxation à 75% sur les très hauts revenus que le Conseil Constitutionnel avait censuré en décembre 2012, le Gouvernement envisage de mettre à la charge des entreprises versant des rémunérations supérieures à 1 million d’euros à leurs dirigeants et salariés une taxe exceptionnelle de 50%, pour la fraction de ces rémunérations supérieures à 1 million d’euros. Toutefois, son montant serait plafonné à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. Cette mesure concerne tous les types de revenus d’activité versés par l’entreprise : salaires, jetons de présence, attribution d’actions gratuites ou BSPCE. Cette taxation exceptionnelle s’appliquerait au titre des seuls revenus de 2013 et 2014.

Réforme du régime d’imposition des plus values de cessions de valeurs mobilières et droits sociaux

Les plus-values de cessions de valeurs mobilières et droits sociaux seraient imposées au barème progressif de l’IR (et non plus au taux forfaitaire de 19%), après application d’un abattement dépendant de la durée de détention des titres. La réforme conduirait à la création de deux régimes de références :

1. Un régime de droit commun :
- Pas d’abattement en cas de cession moins de deux ans après l’acquisition du titre
- 50 % d’abattement entre deux et moins de huit ans de détention ;
- 65 % d’abattement à compter de huit de détention.

2. Un régime « incitatif » bénéficiant d’abattements majorés, et favorisant la création d’entreprise et la prise de risque élevée. Ce régime dérogatoire s’appliquerait pour les plus-value réalisées en cas de départ à la retraite du dirigeant, pour les JEI, jeunes entreprises innovantes, pour les cessions intrafamiliales, et enfin pour les cessions de titres de PME de moins de 10 ans. Les taux des abattements seraient les suivants :
- Absence d’abattement en cas de cession moins d’un an après l’acquisition du titre ;
- 50 % d’abattement entre un et moins de quatre ans de détention ;
- 65 % d’abattement entre quatre et moins de huit ans de détention ;
- 85 % d’abattement à compter de huit ans de détention.

Par ailleurs, pour que la simplification du régime fiscal ne pénalise pas les chefs de petites entreprises qui partent à la retraite, un abattement complémentaire de 500 000 euros serait pratiqué sur le montant de leur plus-value (applicable jusqu’au 31 décembre 2017).

Ces dispositions entreraient en vigueur pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2013, à l’exception des régimes actuellement dérogatoires (JEI, cessions familiales et départ à la retraite) pour lesquels l’entrée en vigueur serait reportée au 1er janvier 2014, afin de ne pas remettre en cause l’équilibre fiscal des cessions déjà réalisées.

Réforme du régime d’imposition des plus values immobilières

Afin de redynamiser le marché de l’immobilier et afin de créer un « choc d’offre » immédiat, le régime d’imposition des plus values immobilières est modifié :

- Pour les cessions de terrains à bâtir : l’abattement pour durée de détention sera supprimé à compter du 1er janvier 2014.

- Pour les cessions de biens autres que les terrains à bâtir : l’abattement pour durée de détention sera de 6% au déjà de la 5ème année de détention, puis un abattement de 4% au titre de la 22ème année de détention révolue, afin d’aboutir à une exonération totale au terme de 22 ans de détention. Toutefois, pour l’assiette des prélèvements sociaux de 15,5%, l’exonération totale ne sera acquise qu’à l’issue de 30 ans de détention avec application des abattements suivants : abattement annuel de 1,65% au-delà de la 5ème année, 1,60% au titre de la 22ème année, et enfin 9% au-delà de la 22ème année. Ces modifications interviendront rétroactivement au 1er septembre 2013 par application d’une instruction fiscale.

Un abattement exceptionnel de 25 % s’appliquera dès le 1er septembre 2013 pour une durée d’un an sur les plus-values nettes imposables (après prise en compte de l’abattement pour durée de détention dans les conditions de droit commun) sur les plus values immobilières (hors terrain à bâtir). Cet abattement sera applicable à l’impôt sur le revenu, et aux prélèvements sociaux. Toutefois, l’abattement ne pourra pas jouer toutes les fois où le cessionnaire a un lien direct avec le cédant (cercle familial, époux, partenaire ou concubin directement ou indirectement par le biais d’une société interposée).

Suppression de réductions d’impôt et exonération fiscale

Le projet prévoit de supprimer la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement secondaire et supérieur à compter de l’imposition des revenus de 2013.

Le complément de rémunération constitué par la prise en charge par l’employeur d’une partie des cotisations à des contrats collectifs de complémentaire santé (assimilable à un avantage en nature) sera désormais soumis à l’impôt sur le revenu. Le plafond de déduction serait ajusté en conséquence.

Les majorations de retraite ou de pensions pour charges de famille, actuellement exonérées, seront également soumises à l’impôt sur le revenu.

Crédit d’impôt développement durable (CIDD)

Le Gouvernement souhaite :

-  Simplifier le régime des taux applicables,
-  Réserver ces crédits d’impôts aux contribuables réalisant des rénovations lourdes dans le cadre d’un bouquet de travaux d’au moins deux actions (sauf pour les contribuables de situation modeste),
-  Recentrer sur l’isolation thermique et les équipements de production d’énergie,
-  Exclure les propriétaires bailleurs du CIDD.

Réforme du plan d’épargne en actions (PEA)

En vue réorienter l’épargne des ménages vers le financement des entreprises, le Gouvernement propose de revaloriser le plafond du PEA en le portant de 132 000 euros à 150 000 euros, et la création d’un PEA – PME avec plafond de 75 000 euros bénéficiant des avantages fiscaux du PEA classique.

Aménagement des droits de succession en cas de défaut de titre de propriété immobilière

Face à la difficulté d’obtenir des titres de propriété dans certaines zones du territoire où les limites cadastrales sont imparfaites ou inexistantes, il est proposé à compter de l’adoption de la loi :

- Instauration d’un délai de 24 mois pour le dépôt de déclarations de succession comportant des immeubles dont la propriété est incertaine,
- Déduction de l’actif successoral des dépenses engagées pour la reconstitution de ce droit de propriété,
- Instauration d’une exonération totale de droits sur les immeubles non bâtis indivis ou droits immobiliers sur une parcelle dont la valeur est inférieure à 5 000 euros et dont la propriété est incertaine, sous condition de reconstitution du titre de propriété.

Investissement locatif en outre mer

Ces nouveaux dispositifs prendraient la forme de deux crédits d’impôts applicables pour l’un aux investissements productifs des exploitants imposés à l’IR ou l’IS (art 244 quater W du CGI), pour l’autre aux investissements dans le logement social des organismes sociaux (art 244 quater X du CGI).

2. Fiscalité des entreprises

Instauration d’une contribution sur l’EBE des grandes entreprises

Le Gouvernement propose de supprimer l’imposition forfaitaire annuelle (IFA), afin d’amorcer une réforme structurelle de la fiscalité des entreprises. En remplacement de cette taxe, il est proposé de créer une contribution sur l’excédent brut d’exploitation (EBE) au taux de 1% pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.

TVA

-  Baisse du taux de 10% à 5% de la TVA applicable aux entrées dans les salles de cinéma,
-  Auto liquidation de la TVA dans le secteur du bâtiment,
-  Abaissement de 10% à 5% à compter du 1er janvier 2014 du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation de logements sociaux et à certains travaux de rénovation dans ceux-ci,
-  Mise en place d’un taux réduit de TVA à 10% pour la construction de logements intermédiaires réalisés dans le cadre d’opérations de constructions mixtes comprenant la construction d’au moins 25% de logements sociaux.

Aménagement de la cotisation foncière des petites entreprises

Il est proposé d’instaurer un nouveau barème de fixation du montant de la base minimum de la CFE à compter de 2014 :
-  Création de sous catégories en fonction du CA réalisé,
-  Création de nouveau seuil de fixation du montant de la base minimum,
-  Mise en place de barème spécifique aux titulaires de BNC à fixer par les collectivités,
-  Suppression de l’exonération temporaire de CFE pour les deux années suivant celle de l’année de la création prévue initialement pour les auto-entrepreneurs.

Mesure de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale

Afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale des entreprises, le Gouvernement propose :

-  Sur les contrôles des prix de transfert : obligation pour l’entreprise de démontrer qu’elle a bénéficié d’une juste contrepartie financière dès que celle-ci réduit son EBE de 20% suite au transfert.
-  Sur l’endettement artificiel : suppression de la déductibilité des intérêts d’emprunts versés à des sociétés liées si ces intérêts ne sont pas soumis chez l’entreprise prêteuse à une imposition d’au moins1/4 de celle déterminée dans les conditions de droit commun.

Autres mesures

-  Octroi aux départements d’une faculté temporaire de relèvement du taux des droits de mutation à titre onéreux,
-  Amortissement accélérés des robots acquis par les PME,
-  Suppression de dépenses fiscales inefficientes ou inutiles,
-  Mesures de simplification de l’assiette du crédit d’impôt recherche pour les dépenses relatives aux « jeunes docteurs » et frais afférents aux titres de la propriété industrielle,
-  Prolongation et extension du régime d’exonérations sociales accordées aux jeunes entreprises innovantes (JEI).

Parallèlement à ce projet de loi de finances, il est important de rappeler qu’une loi de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance financière sera prochainement adoptée début octobre et que celle-ci prévoit, outre des sanctions pénales alourdies, de nombreuses mesures fiscales anti évasion fiscale, notamment en ce qui concerne les pouvoirs d’investigation de l’Administration fiscale.

Eve d’Onorio di Méo
Avocat spécialiste en Droit Fiscal
ed chez donorio.com
www.donorio.com

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Discussion en cours :

  • les investisseurs passifs bien que ne partant pas à la retraite ayant cédé les parts de l’ entreprise en même temps que l’associé actif en partance à la retraite bénéficient jusqu’au vote de la loi de finance 2014 de l’exonération de la taxe sur la plus value des lors qu’ils ont été parmi les fondateurs . Ils ne sont assujettis qu’au paiement des contributions sociales à hauteur de 15,50 %
    Etant dans ce cas j’ai vendu mes parts en mars 2013 en dégageant une plus value de 200 000 euros apres 18 ans de détention des parts, qu’en sera t il pour moi ?
    Mon associé ,parti à la retraite en juillet 2013 après avoir cédé ses parts détenues depuis la création il y a 18 ans ,serait redevable de 15,50 % au titre des contributions sociales. Mais ne pourrait il pas profiter de l’abattement de 400 000 euros ?Dans ce cas sa plus value - de 200 000 euros - tomberait à néant et l’exonérerait du paierment de la taxe sur la plus value ainsi que du paiement de la csg
    merci pour votre reponse

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