Un agent public peut-il être licencié pour sa barbe trop imposante ?

Par Pierrick Gardien, Avocat.

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Explorer : # laïcité # neutralité du service public # discrimination # liberté de conscience

De manière très surprenante, un agent public stagiaire avait été licencié d’un centre hospitalier au seul motif d’une barbe trop imposante et la justice administrative avait dans un premier temps validé la mesure.
Le Conseil d’État a toutefois rappelé le 12 février 2020 que le principe de laïcité n’autorise pas toutes les dérives.

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Monsieur A., égyptien, a été accueilli à compter du 30 septembre 2013 en qualité de stagiaire associé au sein du service de chirurgie générale, viscérale et digestive du centre hospitalier de Saint-Denis dans le cadre d’un partenariat avec le National Liver Institute de l’université égyptienne de Menoufiya.

Mais par une décision du 13 février 2014, le centre hospitalier a mis fin au stage de M. A. au motif que ce dernier aurait refusé de tailler sa barbe très imposante. La direction de l’hôpital avait alors indiqué que la barbe de M. A. était perçue par les membres du personnel comme un signe ostentatoire d’appartenance religieuse et que l’environnement multiculturel de l’établissement rendait l’application des principes de neutralité et de laïcité du service public d’autant plus importante. M. A. aurait ainsi, selon la direction du centre hospitalier, violé les dispositions législatives et réglementaires applicables aux agents publics, notamment en matière de laïcité ce qui justifierait qu’il soit mis fin à son stage pour ce motif.

Le Tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa première demande d’annulation de cette décision, M. A. avait porté cette affaire devant la Cour administrative d’appel de Versailles. Par une décision très surprenante du 19 décembre 2017, la Cour avait toutefois à nouveau rejeté la demande de M. A.

Après avoir très justement rappelé que « le port d’une barbe, même longue, ne saurait à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse », que M. A. ne s’était livré à aucun acte de prosélytisme et qu’aucune observation des usagers du service n’avait été relevée, la cour avait pourtant jugé de manière paradoxale que le stagiaire avait « manqué à ses obligations au regard du respect de la laïcité et du principe de neutralité du service public » justifiant la sanction d’exclusion infligée par le centre hospitalier.

M. A. avait alors saisi le Conseil d’État qui a rendu sa décision le 12 février 2020 dans ce litige.

La haute juridiction administrative a d’abord rappelé le cadre juridique général applicable en la matière :
- Les praticiens étrangers qui sont accueillis en tant que stagiaires associés dans un établissement public de santé français doivent respecter les obligations qui s’imposent aux agents du service public hospitalier, notamment le principe de laïcité ;
- À ce titre, ils bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, mais doivent également se garder de manifester leurs croyances religieuses dans le cadre du service public.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État considère toutefois que le port d’une barbe, même imposante est insuffisant pour caractériser à lui seul la manifestation de convictions religieuses dans le cadre du service public en l’absence d’autres éléments et annule la décision rendue par la Cour administrative d’appel de Versailles, rendant justice à M. A.

Il en résulte que le port d’une barbe même de grande taille ne peut pas être regardé comme étant par lui-même un signe d’appartenance religieuse pour l’application du principe de neutralité applicable aux agents publics.

Cette décision est bienvenue. Elle rappelle que le principe de neutralité du service public ne doit pas être instrumentalisé par les partisans d’une laïcité agressive.

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