Les insuffisances du recrutement des fonctionnaires ou l’inexistence d’un statut spécifique à certains types d’emplois, a toujours conduit l’administration à procéder à des recrutements par le biais de contrats.
Sans être soumis au droit privé, ces contrats ne sont pas non plus soumis au statut de la fonction publique.
La précarité de tels emplois est importante et divers textes sont intervenus pour encadrer les agissements des diverses administrations.
Ainsi, nombre de décrets régissent aujourd’hui la situation des agents contractuels de l’administration et la loi a imposé qu’un contrat à durée indéterminée bénéficie à tout agent qui a bénéficié pendant 6 ans d’un poste contractuel.
Cependant, qu’en est-il des règles applicables en cas de licenciement ? Quels sont les motifs de licenciement ? Le fait de remplacer l’agent contractuel par un fonctionnaire est-il une cause valable de licenciement de l’agent ?
Par un avis du 25 septembre 2013, le Conseil d’Etat précise le régime applicable aux agents contractuels de l’administration bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée (avis n°365139).
A l’occasion d’un litige opposant un agent contractuel bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée au Rectorat de l’Académie de Paris qui l’avait licencié, la Cour administrative d’appel de Paris se posait les questions suivantes :
« 1° L’administration peut-elle remplacer par un fonctionnaire un agent contractuel bénéficiant, dans le cadre des dispositions de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, d’un contrat à durée indéterminée et, par suite, mettre fin à ses fonctions, eu égard à la nécessaire protection des droits qu’il a acquis en vertu de son contrat ?
2° Dans l’hypothèse où un agent bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, en application des dispositions ci-dessus rappelées, pourrait être évincé pour permettre le recrutement d’un fonctionnaire titulaire, l’administration a-t-elle l’obligation de reclasser l’agent dans un autre emploi, alors qu’un principe général du droit imposant une telle obligation n’a été reconnu jusqu’ici par la jurisprudence du Conseil d’Etat qu’en faveur de l’agent contractuel atteint d’une inaptitude physique l’empêchant de manière définitive d’occuper son emploi ? »
En l’espèce, l’agent contractuel soutenait que le Rectorat devait le réintégrer dans ses fonctions de professeur contractuel, soit dans son ancienne affectation, soit dans une affectation équivalente.
Le Conseil d’Etat répond à ces questions en se fondant à la fois sur les lois applicables à la fonction publique et sur les principes généraux du droit dont s’inspire le Code du travail.
Ainsi, il retient que le recours aux contractuels est limité aux cas prévus par la loi, ce qui implique que le contractuel n’a pas de droit à la conservation de l’emploi pour lequel il a été recruté lorsque l’autorité administrative entend y affecter un fonctionnaire.
Ce faisant, il positionne les agents contractuels – même disposant d’un contrat à durée indéterminée – dans une position relativement précaire.
Toutefois, le Conseil d’Etat rappelle que les principes généraux du droit dont s’inspire le Code du travail s’appliquent à la situation de l’agent contractuel de l’administration.
C’est pourquoi l’administration doit donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l’emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade.
Ainsi, il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant, de chercher à reclasser l’intéressé, c’est-à-dire de lui proposer un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi.
Le Conseil d’Etat conclut que « l’agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité …, que si le reclassement s’avère impossible, faute d’emploi vacant, ou si l’intéressé refuse la proposition qui lui est faite ».
Réjouissons-nous de l’intervention de cet avis qui, dans l’attente des textes d’application prévus par l’article 49 de la loi du 12 mars 2012, donne un cadre aux licenciements des agents contractuels.
Espérons que le gouvernement n’attende pas plus pour donner, par décret, le détail des dispositions générales applicables aux agents non titulaires recrutés par l’administration et qu’un texte intervienne pour prévoir en détail les motifs de licenciement, les obligations de reclassement et les règles de procédures applicables en cas de fin de contrat.
Espérons également que, comme l’a fait le Conseil d’Etat, il réussisse à articuler intelligemment les exigences résultant de toute action menée dans l’intérêt général et les exigences plus générales – mais quelquefois plus protectrices de l’agent – résultant du Code du travail.