Déclaration d’inaptitude : pas de licenciement pour un autre motif.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # inaptitude # licenciement # reclassement

La Cour de cassation (Cass. soc. 8-2-2023, n° 21-16.258) vient de rappeler que lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, les dispositions d’ordre public des articles L1226-2 et L1226-2-1 du Code du travail font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, même s’il a engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

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1/ Les règles relatives à l’inaptitude sont d’ordre public.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur ne peut procéder à son licenciement que s’il est dans l’impossibilité de lui proposer un poste de reclassement ou en cas de refus du salarié du poste proposé, ou si le médecin du travail a expressément indiqué que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement [1].

Pour la Cour de cassation, les dispositions du Code du travail relatives à l’inaptitude sont d’ordre public.

Ainsi, l’employeur ne peut valablement pas invoquer l’absence prolongée causant une désorganisation du service au soutien du licenciement d’un salarié déclaré inapte à l’issue d’un arrêt de travail pour maladie [2].

De même, doit être censurée la décision de la Cour d’appel admettant la légitimité du licenciement pour faute grave [3] ou pour motif économique [4] d’un salarié déclaré inapte.

Les exceptions à cette jurisprudence de principe sont peu nombreuses.

En ce sens, la Cour de cassation considère que l’employeur qui procède à un licenciement économique en raison de sa cessation d’activité n’est pas tenu d’appliquer la procédure spéciale de licenciement prévue pour les salariés déclarés inaptes par le médecin du travail [5].

De même, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut valablement être conclue avec un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail [6].

2/ L’arrêt du 8 février 2023.

Un salarié, occupant le poste de Responsable de secteur, est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 24 janvier 2017, l’entretien devant se tenir le 7 février 2017.

A l’issue d’une visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail déclare le salarié inapte à son poste en un seul examen, précisant que son reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe n’est pas envisageable.

Par lettre du 16 février 2017, l’employeur procède au licenciement du salarié pour faute lourde.

Contestant son licenciement, le salarié est débouté par la Cour d’appel de Grenoble (arrêt du 11 mars 2021).

Pour les magistrats, le fait que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017 ne privait pas la Société de se prévaloir d’une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement, qu’elle avait estimé devoir prononcer à l’issue de la procédure disciplinaire engagée le 24 janvier précédent.

Le pourvoi en cassation du salarié rappelle que lorsqu’à la suite d’un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l’entreprise au terme d’une seule visite médicale de reprise, les règles d’ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s’appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l’objet d’un licenciement disciplinaire postérieurement à l’avis d’inaptitude.

La Cour de cassation retient son analyse et censure la Cour d’appel, posant pour principe que lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, les dispositions d’ordre public des articles L1226-2 et L1226-2-1 du Code du travail font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, même s’il a engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

Cette décision peut sembler sévère car elle va jusqu’à faire échec au licenciement, même en présence de faits très graves commis par le salarié.

Par ailleurs, cette solution s’applique même si la procédure disciplinaire a été engagée antérieurement à la déclaration d’inaptitude.

La jurisprudence est cependant claire.

En l’espèce, après la déclaration d’inaptitude du salarié, l’employeur aurait dû renoncer à la procédure disciplinaire pour se tourner vers la procédure de licenciement pour inaptitude.

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1C. trav. art. L1226-2-1 et L1226-12

[2Cass. soc. 5-12-2012, n° 11-17.913.

[3Cass. soc. 20-12-2017, n° 16-14.983.

[4Cass. soc. 14-3-2000, n° 98-41.556.

[5Cass. soc. 15-9-2021, n° 19-25.613.

[6Cass. soc. 9-5-2019, n° 17-28.767.

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